La musique de Paul Ladmirault
revient à l'honneur avec un disque, édité par Skarbo,
consacré à son oeuvre pour piano. Le compositeur breton n'est
pas des plus connus même si, en son temps, Claude
Debussy et Maurice Ravel en firent le
plus grand éloge. Né à Nantes le 8 octobre 1877, il se
voue très tôt à la musique et compose dès 1888
une sonate pour violon et piano. A quinze ans c'est son premier opéra,
Gilles de Rais, qui voit le jour et, représenté à
la salle des Beaux-Arts de Nantes le 18 mai 1893, rencontre les faveurs de
la presse. Fort de ces débuts prometteurs et après de brillantes
études au Conservatoire de Nantes, le jeune Paul Ladmirault entre en
1895 au Conservatoire national de Paris dans la classe de Gabriel
Fauré avec lequel il achève son apprentissage de la composition.
Ses premières oeuvres créées à Paris trouvent
un accueil favorable et le compositeur se voit dès lors occuper une
place honorable parmi les musiciens de sa génération. L'influence
de son maître Gabriel Fauré est indéniable mais il sait
tirer aussi parti des nouveautés harmoniques de Debussy comme de la
clarté formelle de Saint-Saëns. Son
originalité réside cependant dans ses sources d'inspiration
qui font une large place à la musique celte. Le titre de nombre de
ses oeuvres en est le témoin : La Prêtresse de Korydwenn,
Myrdhin ou encore Rhapsodie Gaëlique et Suite bretonne.
Le style modal, souvent pratiqué par le compositeur, participe également
de cette influence de la culture celte. Après la première guerre
mondiale, Paul Ladmirault décide de revenir dans sa ville natale où
il est nommé professeur de contrepoint et fugue. Jusqu'à sa
mort survenue en 1944, il se consacre ainsi à ses travaux de composition
et à l'enseignement.
Les pièces pour piano seul de Paul Ladmirault, fidèlement interprétées
par Louis-Claude Thirion,
témoignent d'influences diverses, suivant le parcours du musicien au
cours de sa vie. On peut d'emblée classer les Deux danses bretonnes,
Carillon et l'Hommage à Fauré parmi les pièces
de circonstances, comme le suggère leur brièveté. Les
Quatre pièces qui introduisent l'ensemble sont construites
avec une grande habileté d'un point de vue harmonique, ce qui leur
confère un charme certain par rapport à de banals morceaux de
"salon" dont leur forme est proche. Leur caractère, plutôt
nostalgique, est essentiellement dû à l'ambiguité modale
et, dans la dernière pièce, à la mélodie basée
sur de nombreux chromatismes. Un esprit plus léger plane sur la suite
les Mémoires d'un âne d'après la Comtesse
de Ségur. L'influence de Fauré s'y fait aussi plus nettement
sentir, notamment dans le deuxième morceau qui est une jolie berceuse.
Le thème principal des variations intitulées Course des ânes
fait songer, de par sa simplicité, à une mélodie populaire.
Cet emploi dans la musique "savante" de thèmes dits "rustiques"
était très fréquent parmi les contemporains de Paul Ladmirault,
suivant en cela un mouvement régionaliste qui trouva ses manifestations
tant en musique qu'en littérature et dans les autres arts. Le dernier
recueil présenté tire, quant à lui, l'essentiel de son
inspiration de la manière impressionniste. Les titres de ces Esquisses
d'ailleurs est tout à fait explicite. Certains passages de Minuit
dans les clairières font penser au Moussorgski
des Tableaux d'une exposition, d'autres à Satie
ou au Debussy des Arabesques.
Voici donc un très beau disque d'un compositeur à redécouvrir.
V. O' Cloney
Guy Konopnicky : Manuel de survie au front, 1998, 100 pages, édition Mille et Une Nuits, collection "Les Petits Libres", 10 F.Cet ouvrage a été rédigé par un érudit de premier ordre (auteur de polar et d'ouvrages sociaux, hardi polémiste) qui, sur le même sujet, avait déjà, voici deux ans, commis Les filières noires, enquête sur les obscurs réseaux de financement du Front National.
Il nous présente ici un condensé de ce que l'on sait déjà, savoir : que le FN est un parti de haineux pourris jusqu'à l'os, de surcroît en prise directe avec la collaboration la plus forcenée des années sombres ; que ses dirigeants sont souvent peu malins, se détestant cordialement les uns les autres ; que leurs forces, ils les puisent dans le renoncement progressif et insidieux à la démocratie des élites françaises, principalement politiques et journalistiques ; que l'un de ses buts inavoués, même aux militants, est l'enrichissement personnel du führer de La Trinité ; qu'enfin il ne faut jamais nulle part lui céder le moindre pouce, en lui retournant à travers la figure sa principale arme : le droit et sa rhétorique.Victor
Serge Halimi : Les Nouveaux chiens de garde, 1997, 120 pages ; éditions Liber, collection "Raisons d'agir", 30 F
Le but de cet opuscule est de démonter les rouages du prétendu "quatrième pouvoir", les médias à la fin du XXe siècle (en France). Et c'y est fait de manière magistrale. Etayée minutieusement, l'enquête ce journaliste du Monde diplomatique et professeur d'économie, spécialiste des Etats-Unis, vire très rapidement au réquisitoire : tout le monde s'en prend plein la gueule d'Alain Duhamel aux croutons de service du Nouvel Obs, en passant par BHL, Imbert, Bilalian, July Slama et autre PPDA ainsi que tous les bavouillards qui nous assomment sempiternellement. Cette volée de bois vert en tous sens fait plaisir à lire et elle restera, n'en doutons point, en travers de l'œsophage de tous les rengorgés de service qui tiennent le haut du pavé dans le journalisme, ceux-ci cherchant obstinément à nous persuader qu'ils ne sont plus au temps de l'ORTF mais bel et bien libres, alors que, tel Nabucet dans Le Sang Noir de Louis Guilloux, ils n'ont de cesse de rêver à ce qu'un jour, un puissant daigne enfin leur délaisser une de ses bottes, afin que d'abondance il la puisse lécher.
Victor
Louis Guilloux : Angélina, 1932, 190 pages, édition Le Livre de poche [1982], collection "Biblio", 20 F environ.
Ce livre fait partie des ouvrages les moins importants quantitativement de Louis Guilloux (1899-1980), auteur de sommes considérables (comme le Jeu de Patience, ou même Le Pain des Rêves et Le Sang Noir). L'œuvre se situe entre l'ouvrage populiste et premier écrit publié de l'écrivain breton, La Maison du Peuple (1927), Dossier confidentiel (1930) et son chef-d'œuvre, Le Sang Noir (1935), assurément un des meilleurs romans de la littérature française. Elle se rattache plus au premier de ces trois livres.
C'est le récit de la vie laborieuse d'une famille d'artisans misérables dont le père a peine à assurer la maigre pitance. Histoire sans prétention, le roman dépeint l'arrivée au monde d'une petite fille, Angélina et son évolution jusqu'à l'âge adulte dans le milieu dur des petites gens de vers 1900, dans une ville de l'ouest qui n'est pas nommée. Tout ceci est prétexte à la peinture psychologique d'une famille typique, où les aspirations de chacun sont souvent contrecarrées par les pesanteurs archaïques de la société de l'époque. Malgré le mal quotidien et le sentiment d'injustice profond qui règne dans ce milieu de petits ouvriers, d'autant plus ressenti que s'épanouissent alors le plus vivement les idées socialistes dans les basses classes, Guilloux, issu lui-même d'un tel milieu, laisse en fin de compte entrevoir quelques lueurs d'optimisme dans ce portrait affectueux d'êtres qui n'ont finalement que leur vie pour eux et rien d'autre.
On peut de plus noter un usage particulièrement fin du patois de Penthièvre, que l'auteur sait habilement mêler au parler courant et qui confère encore plus de véracité à ses personnages comme à l'état brut. Il saura s'en souvenir lors de la rédaction de son magnifique Sang Noir.Victor
Per Olov Enquist : La cathédrale olympique, 1972, 198 pages, édition Pandora [1980], collection "Domaine Nordique" ; traduction du suédois de Marc de Gouvenain et de Lena Grumbach ; 60F environ.Voici la description quotidienne, du premier au dernier jour, de ce que furent les Jeux Olympiques (et sanglants) de Munich en 1972. Le romancier, lui-même ancien perchiste, est dépêché par un journal pour suivre les diverses compétitions. Il en profite en fait pour nous montrer comment déjà à cette époque, l'esprit de Pierre de Coubertin, les dirigeants du Comité International Olympique l'ont mis dans leur poche, pour peu qu'il ait un jour existé... Il ressort de cet ouvrage que jamais l' "esprit sportif" ne s'en sortira, pris qu'il est en étau entre la politique et l'économie. Réquisitoire de cette montagne d'hypocrisie que sont les Jeux Olympiques, ce roman se lit très agréablement tant comme documentaire que comme œuvre littéraire à part entière.
Victor
Chroniques de B.D.
Quelques jours avec un menteur, d'Etienne Davodeau (édition Delcourt "Format livre" ; 1998).
Cinq vieux potes décident de partir pour une semaine de vacance, entre eux, loin du quotidien, à savoir de leurs femmes et de leurs enfants. Une semaine entière à se lâcher, s'engueuler, se comprendre et se remémorer leurs parcours. Semaine certes parfaite mais un mystérieux personnage organise des attentats à la peinture, attentats qui attisent leur curiosité.
Voici une histoire mélangeant l'analyse des rapports humains et un suspens des plus intéressants qui apparaît comme très bonne et en noir et blanc de surcroît.
DJ Popiste
Les révoltés (t.1), de Dufaux et Hales (édition Glénat ; 1998)
Direction les Statès où un scénariste de renom se trouve plongé dans son passé, suite à la mort accidentelle du fils d'un milliardaire. Un passé de jeune adulte désargenté mais à l'ambition poussée... Le héros fait une rencontre qui le mènera à la réussite mais surviennent des amours contrariées et un terrible secret de famille!
Cette bande dessinée, faite de lutte des classes, d'arrivisme et d'un terrible secret de famille, nous donne une histoire des plus prenantes. Un bon moment.
DJ Popiste
Le secret de Karen, tome 1 : Le cercle des sentinelles de Wurm et Desberg (édition Casterman ; 1998).
En Angleterre, Andy Harlow, jeune homme de bonne famille, fréquente, par le biais de son très chic collège, une famille de l'aristocratie. Il tombe amoureux de la fille, Karen, et de là naissent des amours contrariées. La fille est envoyée aux Etats-Unis. Andy essaie de l'oublier. Etudiant brillant, il passe cadre dans une banque londonienne et rencontre Shone, jeune fille fraîche. Il en tombe amoureux. Mais sa passion étudiante est encore présente et lui interdit tout projet jusqu'au retour de Karen, la brûlante.
DJ Popiste
Marvels (t. 1 : La Genèse ; t. 2 : Le Jugement dernier), de Kurt Busiek et Alex Ross (1998)
Direction le comics ricain et les superhéros. Pour la première fois, l'histoire n'est pas vécue par la population. Cela en donne une vision bien moins idyllique. Le tout est vu plus particulièrement par un journaliste-écrivain qui découvre les superhéros et y consacre sa vie. On suit ses réactions à travers les visions de crainte, de colère et de peur qu'ils engendrent dans la population de New-York et d'Oullins. Ce comics sort du chemin à découvrir et même, dirons-nous, des sentiers battus.
DJ Popiste
U
Turn (1998)
U Turn est un film américain d'Oliver
Stone, réalisateur de l'excellent Salvador. Le scénario
a été écrit par John Ridley,
d'après son propre livre Ici commence l'enfer. L'action se déroule
dans l'Arizona, Etat à la nature désertique qui jouxte la frontière
mexicaine, dans la campagne proche du principal axe qui traverse la région,
donc dans l'endroit le plus éloigné qui soit, celui où
personne jamais n'est tenté d'aller. Comme fait exprès, la principale
ville ou le principal trou- c'est idem- du pays se dénomme "Supérior"...
Ah, c't' antinomie, mes aïeux !... Heureusement que le comique est l'un
des traits majeurs de cette œuvre! Les acteurs principaux sont Sean
Penn, Jennifer Lopez, Nick Nolte, Claire Danes et
Jon Voigt. Voici l'histoire en gros: un type avec une poisse grosse comme
ça (Sean Penn) dont la main est parée d'une énorme poupée
voit la durite de sa Mustang 64 1/2 péter alors qu'il la conduisait en
direction de la Californie. Vert, il fait comme son auto. La pompe-garage la
plus proche se trouve, eh oui, qui l'eût cru, à ... Supérior
! Damned ! Le voici qui s'y rend, y rencontre un garagiste pourri jusqu'à
la racine de ses dents (l'admirable Billy Bob Thornton)
puis une bombe sexuelle (Jennifer Lopez) encore plus chaude que l'atmosphère
ambiante, dans laquelle pourtant il ne fait pas bon laisser sa plaquette de
beurre sur le capot de sa caisse. Celle-ci, métisse du nom de Grace,
lui propose illico d'aller appendre de nouveaux tissus à ses tringles.
Il accepte et va chez la demoiselle mais Bobby Cooper, notre héros, n'est
pas au bout de ses surprises car, se faisant ramener dans le bled infernal par
le mari monstros de la belle (Nick Nolte, qui, soit dit en passant, a de plus
en plus la gueule du tourier du Nom de la Rose), qui venait de la surprendre
en train de rouler un patin énorme à ce sacré Bobby, ce
dernier se voit proposer une bonne part dans quelques 50.000$ s'il fracasse
sa femme contre des roches. Bobby se gratte alors la barbe de trois jours et
soudain se dit intérieurement:"P'tain, j'hallucine !".
Le spectateur lui aussi hallucine car ce ne sont là que les toutes premières
minutes d'un film de deux heures dont toute l'action est menée à
l'identique. Le rythme est soutenu. Les cadrages et la photographie, presque
d'un clip, sont splendides et restituent à merveille l'atmosphère
de folie douce qui embrasse les acteurs, ainsi que la chaleur de plus 40°C
à l'ombre qui expliquent probablement que la plupart des habitants de
cette bourgade infâme aient tous leurs plombs fondus pour ne pas dire
carbonisés. Irrécupérables. Le héros s'englue dans
ce décor à l'instar d'un désespéré qui tente
de s'extirper de quelque fond vaseux: plus il essaiera de s'en dépêtrer,
plus il s'y enfoncera immanquablement. Les acteurs sont parfaits, l'histoire
haletante soutenue de main de maître par la musique, comme à l'habitude
excellente, d'Ennio Morricone, rien que ça.
A noter la rengaine célèbre et obsédante Oh, it"s
a good day de Peggy Lee. Le ton majeur du
film demeure celui de la tragicomédie, à savoir que l'humour qui
y est prodigué ressemble, si l'on veut, à cette publicité
pour les bonbons à la fraîcheur mentholée KissCool dont
le double effet provoque l'apparition d'un sens interdit sur une sorte de route
transcontinentale en plein cœur du désert. Le chauffeur n'ose pas
y croire, nous non plus, mais on est à quatre pattes ! Et on ressort
du film de Stone non pas stone (oh lui eh! oh l'humoriste eh! Ah cte blagueur!)
mais bel et bien de bonne humeur. 1998 commence donc haut la main avec de tels
films et c'est toujours appréciable quand de grands réalisateurs
font montre de leur maestria de la manière la plus imaginative. On espère
qu'en France un jour, un gus s'y mettra car, comme dirait l'autre, ça
pourrait donner...
Victor
L'Associé du Diable
(Devil's Advocate) (1998)
Al Pacino entraîne Keanu Reeves dans une spirale infernale. Ah! Vanité quand tu nous tiens... Dans ce film, Al Pacino (John Milton) est comme à son habitude magistral. Certes un peu cabot, mais il fait partager son plaisir à jouer avec le public (A chacune de ses apparitions, la salle réagit, c'est tout dire !!!). Ce "surjeu" est de plus légitimé par la personnalité du rôle qui l'incarne ici, à savoir le diable en personne, et qui d'autre que le diable peut tout se permettre? Al Pacino est ainsi tour à tour charmant, charmeur, inquiétant, surprenant, tant pour le spectateur que pour Keanu Reeves (Kevin Lomax). Ce dernier incarne ici l'avocat du titre (en v. o.), et c'est dans ce personnage que se trouve tout l'intérêt du film. En effet, jusqu'à quel point peut-on défendre de mauvaises causes en gardant sa bonne conscience? Tel est le thème de ce film et qui mieux qu'un jeune avocat aux dents longues pour l'incarner? Keanu Reeves, star à "minettes" depuis ses rôles dans Point Break Extreme Limite et Speed, s'en sort plutôt bien face à ce cher Al. A la réalisation, Taylor Hackford à qui l'on doit les très académiques Contre toute attente (1984) et Dolorès Clairbone (1995) semble ici plus inspiré qu'à l'habitude, avec quelques séquences à la limite du surréalisme (Keanu Reeves marchant de plein jour et à l'heure de pointe dans une avenue anormalement déserte de New-York) et quelques accélérés bien sentis. L'ensemble restant toutefois très classique à commencer par quelques morphings plutôt légers dans le genre. Le scénario (Jonathan Lemkin et Tony Gilroy, d'après le roman d'Andrew Neiderman) quant à lui joue avec les poncifs du genre, rappelant dans sa première partie l'inquiétant Rosemary's Baby de Roman Polanski, surtout au travers du personnage qu'interprète Charlize Therone (Mary Ann Lomax) qui tombe peu à peu dans une paranoïa auto-destructrice. Le message du film nous renvoie à ce qui donne à ces inquiétudes de fin de millénaires, à savoir: Dieu a-t-il abandonné les hommes? En tout cas le Diable lui s'en occupe et s'amuse plutôt bien. Voir le retournement de situation final en forme de clin d'œil. Chiouït
Starship Troopers (1998)
Ce film est l'œuvre de Paul Verhoeven, auteur notamment de Robocop et de Total Recall. Le scénario est d'Ed Neumeier, d'après l'ouvrage paru en 1959 de Robert Heinlein, auteur, entre autres, des Maîtres du monde, porté à l'écran en 1995 par Stuart Orme avec Donald Sutherland. L'action se passe au XXIVe siècle. Les hommes ont étendu leur territoire au système solaire même s'ils vivent encore principalement sur Terre, dans de gigantesques mégalopoles. L'une d'entre elles, Buenos Aires, est l'endroit où vivent Johnny Rico (Casper Van Dien), Carmen Ibanez (Denise Richards), Carl et Dizzie Florès (Dina Meyer), jeunes gens footballeurs, folâtres et aseptisés, un peu à l'image des beaux gosses bronzés dont l'on nous présente actuellement les marivaudages à quatre sous à la télévision. A cette époque, l'homme ne se sait plus seul dans l'espace car du fin fond de la galaxie ont surgi de redoutables "parasites", rivaux de l'humanité, qui conquièrent, planète après planète, l'orée du système solaire: les Arachnides. Ces insectes, au grand dam des militaires et scientifiques à Terre, demeurent opaques à toute appréhension, chose grave car ils menacent les hommes par le détournement volontaire d'astéroïdes qu'ils projettent sur la planète bleue. Pour les jeunes gens beaux et idéalistes qui vivent sur Terre, l'armée est l'un des débouchés les plus attrayants, du moins pour ceux qui se sentent l'âme d'un "citoyen"(i. e. un "civil" qui, par le service militaire deux ans durant, a montré qu'il était digne d'appartenir à l'élite de ses concitoyens). Tel est le cas de Carmen, Johnny et Carl qui, malgré l'avis parental, s'engagent. Ne s'orientant pas vers les mêmes armes, ils se jurent une éternelle amitié. Oui, mais sur le terrain tout change, chacun fait son chemin. Carmen rompt avec Johnny par courrier électronique et vidéophone interposés et Carl appartient désormais au gratin de l'armée. Johnny Rico comprend que, ainsi que le lui explique son ami Ace Levy (Jake Busey), sa véritable famille, quoi qu'il en ait, c'est l'armée. Or voici que, peu après, Buenos Aires est rayé, par un météorite, de la carte: la guerre totale face aux Arachnides est lancée et, pour parer à ces attaques étrangères de plus en plus hostiles, l'armée décide la mobilisation générale. Voici nos jeunes gens à l'épreuve du feu. Que va-t-il leur arriver? Mais que va-t-il donc se passer? Vous le saurez en allant voir cet excellent et nouveau film, n'ayons pas peur des mots, du réalisateur hollandais sulfureux. Le montage est parfait. L'œuvre emprunte à différents types de films: les séries Z de SF des années cinquante (on peut ainsi entendre une voix off s'enthousiasmer pour les aventures de nos jeunes héros) ; les films de propagande anti-communistes qui se répandirent aux Etats-Unis à la même époque (des enfants s'emploient à broyer de leurs souliers des pauvres myriapodes innocents de deux centimètres de long!...); L'armée qui martèle: "Engagez-vous, rengagez vous! L'armée, l'avenir!4"; la sitcom californienne politiquement correcte des années 80-90 avec des nanas top-canons, des mecs au thorax bodybuildé que t'y crois pas et à l'uniforme Totenkopf, et de la naïveté pas méchante collée à la truelle; le film d'action américain type, western ou film de guerre( La charge de la brigade légère ou Full Metal Jacket), avec toute l'émotion véritable, la brutalité et les revirements inattendus qu'on en peut extraire; enfin, le film de SF actuel, dont le modèle est sans nul doute La Guerre des Etoiles. Le tout est mélangé avec brio, ce qui confère au film un second degré parmi les plus fins qui soient. L'interprétation est sans reproche. Les effets spéciaux sont extraordinairement réussis. La projection dans le futur, chose hasardeuse, montre par sa vraisemblance que Verhoeven, à la suite de l'auteur du livre, sait rester sobre, même s'il se permet pour se poiler un minimum d'introduire des scènes comme celle des douches mixtes, totalement à l'encontre du sexuellement correct en vigueur aux Etats-Unis de nos jours (ah, si seulement Bill avait rencontré Monica et Paula au XXIVe siècle!...). Le spectateur français pourra en outre se marrrer en voyant apparaître des sosies de Bruno Crémer, Jean-Pierre Bacri et Thierry Lhermite. Comme vous pouvez sans doute le deviner, l'humour est fort présent dans ce film, ne serait-ce que par le décalage entre une sitcom et un film de guerre. La force de Verhoeven est d'avoir su finalement ne pas nous faire prendre parti pour les hommes plus que pour les Arachnides mais sans toutefois condamner ces jeunes gens aux purs idéaux, qui, tout au long du film, finissent chair à pâté. Pour conclure, Starship Troopers est donc un super film à ne pas manquer, critique sans pareille du monde tel qu'il est et tel qu'il pourrait être.
Victor
...Autre Avis sur Starship Troopers:
Johnny s'en va en guerre ! Avant tout, Starship
Troopers est un film de science fiction, et marque le retour de son réalisateur,
Paul Verhoeven au genre. Après Robocop
et Total Recall, Verhoeven signe à nouveau un grand film de
SF, avec que tout cela sous-entend, c'est-à-dire des vaisseaux à
la manière de la Guerre desEtoiles, un héros au cœur
vaillant: Casper Van Dien (Johnny Rico), des lasers, des monstres, des armes
automatiques...
Starship Troopers est à première vue une grosse production holywoodienne,
une BD sur grand écran, un film fun avec un casting hypersexy; voir la
présence ici des actrices Dina Meyer et Denise Richards (sacré
Paul, je voie que tu as la libido toujours aussi développée !).
Des effets spéciaux à tout casser. Enfin bref! Un film pour adolescents
attardés. Starship Troopers est aussi un film de guerre. Les
séquences se suivent comme étant des illustrations, des clichés
du genre (la préparation militaire, le départ à la guerre,
le débarquement, les combats, la mort du soldat, etc, etc). Rappelant
tour à tour les films moyenâgeux, les films sur la guerre 14 ou
celle de 39, voire même les westerns, le tout agrémenté
en surface d'un patriotisme exacerbé, appuyé par le casting: de
jeunes gens aux dents blanches, aux muscles ravageurs, le tout pouvant nous
rappeler les heures les plus sombres de l'Histoire. Mais c'est sans connaître
notre ami Verhoeven qui de film en film s'acharne à critiquer les travers
de la société à commencer par la société
américaine bien sûr. Verhoeven livre en fait ici un film anti-militariste
(rappelant le très grand Full Metal Jacket, de Kubrick
du moins dans son propos). Starship Troopers a donc la couleur d'un
film de guerre sans en avoir l'odeur. Verhoeven traîte son sujet avec
ironie en menant ses jeunes héros excessivement naïfs et cons, se
faire démanteler au champ de bataille. Starship Troopers, c'est Hélène
et les Garçons sont à la guerre 14, c'est un "soap-opera
from outer-space" (Ed Wood). C'est dans
ce décalage entre les images de tueries et les dialogues gentiment niais
des protagonistes que le propos de Verhoeven trouve tout son sens. A la différence
de Robocop et Total Recall qui exprimaient plutôt la
quête d'identité d'un homme, ici c'est à la connerie humaine
que s'attaque Verhoeven, à l'orgueuil de l'Homme, à ce besoin
qu'il a d'être toujours le plus puissant, le plus fort; et ce, quitte
à faire une guerre dont il n'a pas forcément besoin, qui n'est
pas forcément nécessaire. Verhoeven pousse son propos jusqu'à
la dérision. Ce film est dans la filmographie de Verhoeven plus dans
la lignée de La chair et le sang que de ces autres films, avec
cependant une plus grande liberté dans le traitement - SF permet !-.
Les flashs d'infos qui parsèment le film sont traîtés ave
beaucoup d'humour ironique voire cynique, laissant un goût amer chez le
spectateur qui n'aura pas de mal à y voir une illustration des JT du
20h sur nos propres chaînes de TV. Verhoeven est un anarchiste au service
du capital et son film est l'antithèse d'Independance Day (à
la différence de Mars attacks). Il n'est donc pas étonnant
qu'il n'ait pas marché outre-Atlantique.
Chiouït
Les Couloirs du temps
(Les Visiteurs II)
(1998)
Si comme moi, vous avez aimé Les Visiteurs, vous serez sûrement
tenté, tel que je le fus, d'aller voir ce deuxième opus des aventures
bédéesques de Godefroy de Montmirail et de son fidèle compagnon,
Jacquouille la Fripouille. Tel un adolescent attardé, "qui veut
rester jeune toutou, dingo!, se préserver du chien qui sait tout"
(merci Gotainer), je me ruai au milieu d'une horde
de gamins dans le cinéma le plus proche de chez moi. Bien mal m'ne prit,
quand à la fin du film, je restai quoân !! (Qu'est-ce adonc cet
animal?), abasourdi par tant de bruit, de cris, lobotomisé que j'étais
par Les Couloirs du Temps. Les enfants avaient l'air content(c'est
déjà ça), moi un peu moins ; voire même un tantinet
énervé par tant de talent gâché. Je m'explique (il
faut bien le dire, ça m'emmerde un peu d'aller casser icic dans cette
chronique, le duo Clavier-Poiré, tellement
ils ont pu par le passé me faire marrer, m'enfin bon !). Avant tout il
faut arrêter de se foutre de notre gueule! Un p'tit peu quand même
(trop de publicité!). Le scénario est approximatif, et tire dans
tous les sens (comment Murielle Robin retrouve-t-elle
le filliot de l'enchanteur? Beaucoup d'allers-retours passé/ présent?
Pourquoi?) Le film n'est qu'une succession de gags qui tombent à l'eau:
les deux héros habillés en gendarmes pourraient amener un quiproquo
énorme, dans la tradition des bonnes vieilles comédies franchouillarde-
et ben non- que dal! A quoi sert la clarinette que prend Jacquouille? Le scénario
va constamment à la facilité; pour preuve, la scène où
l'expert joailler qui fait un deal avec Marie-Anne Chazel,
connaît comme par hasard le personnage qu'interprète Claire
Nadaud. On reste à chaque fois sur sa faim; certaines situations
sont surexploitées, voir l'épisode des pompiers. Ça devient
lourdingue. D'autres sont sous-exploitées (voir plus haut). Certaines
séquences ne servent à rien (le carambolage au début du
film???) ou encore arrivent comme un cheveu sur la soupe (le méchant
Bourguignon qui envahit le château de Godeffroy: la séquence passe
tellement vite qu'on ne voit même pas que c'est l'ancêtre du mari
de Claire Nadaud). Exit aussi le sentiment. Il n'y a presque rien, si ce n'est
la séquence où Jacquouille refuse de partir dans le passé.
C'est pourtant en mélangeant sentiments et humour qu'une comédie
est réussie (voir les premiers Visiteurs). Quant aux acteurs,
on peut remarquer Jean Réno, toujours aussi
juste et sobre, sous-exploité dans cette suite malgré son potentiel
comique (quand il chante au mariage par exemple). Claire Nadaud réussit
à faire décoller le film dans sa deuxième partie. Murielle
Robin... on passe. Marianne Chazel est toujours aussi coole, on regrette que
ce ne soit pas elle qui soit envoyée dans le Moyen Age. Christian
Clavier quant à lui (qui à l'instar d'Oasis
qui se prend pour la réincarnation des Beatles, il se prend lui depuis
La Soif de l'or pour de Funès) s'en tire
quand même franchement honnêtement. A la vue de ce film, on se demande
par ailleurs où est passé le réalisateur du Père
Noël est une ordure. Jean-Marie Poiré, qui utilise le grand
angle à outrance, même quand cela n'ajoute aucun effet comique,
voire même le casse (voir la séquence où Jean Réno
engueule le gamin), est depuis Les Anges gardiens, semble-t-il obnubilé
par le rythme à toute épreuve. A se demander s'il n'est pas épileptique?
Question que l'on se pose à la vue de ce montage franchement limite (le
plan arrêté quand l'ours fonce sur Jacquard?), les raccords sont
mauvais, les inserts sur les grimaces de Jacquouille manquent de finesse- certains
plans ne servent à rien. Et puisque la référence de Clavier
semble être à ce jour Louis de Funès, Poiré et lui
devraient se revoir La Folie des Grandeurs, et comprendre que dans
une comédie, il ne sert à rien de multiplier les plans- un bon
plan fixe suffit souvent. La comédie doit faire confiance à ces
acteurs !!! Tout ceci me rappelle une blague (voir Colours, de Denis
Hopper) à l'attention de Jean-Marie Poiré: Deux boucs se
promènent (le père et le fils). Ils aperçoivent un troupeau
de chèvres. Le fils surexcité : "Allez, viens Papa, on
fonce et on les nique toutes !". Le père tranquille: "Si
on se précipite, elles vont avoir peur et s'enfuir et on en tirera tout
au plus une ou deux. Alors, on va y aller peinard, tranquillement les amadouer
et là, on pourrra toutes les tirer !!!". Les chèvres,
c'est le public. Alors Jean-Marie, cool, décontracte-toi, sinon un jour
ou l'autre il n'y en aura plus. Il reste aux Visiteurs II quelques
bonnes répliques qui font mouche, genre:
- Y souis Jacquouille (!!!).
- Des chopi... des chopines de vinasse.
Il y a aussi la chanson "Dévider quenouilles..." (la
première bande-annonce était tellement bien) et surtout, il reste
le duo Godeffroy-Jacquouille. Ces personnages sont une réelle réussite,
Clavier et Poiré avaient réussi leur coût en les faisant
naître. Il aurait pu leur réserver de meilleures aventures pour
cette suite. Ils le méritaient. Dommage.
Chiouït
...Contre-Avis:
Critiquer ce nouveau film de Jean-Marie Poiré revient à s'interroger sur le problème de la bouteille à moitié pleine... ou à moitié vide. J'aurais tendance personnellement à plutôt considérer Les Visiteurs II comme à moitié réussi. Je ne crois pas en effet que ce réalisateur soit bon, il est correct. Bien d'autres le valent. C'est, par contre, un bon dialoguiste et un bon scénariste, de même que son compère et acteur Clavier. M'attendant à voir un navet (ce qu'avait de peu manqué d'être les Visiteurs I, sauvé par l'impayable scène centrale du pavillon bourgeois), j'ai véritablement passé un bon moment à la vue de cette comédie somme toute traditionnelle, tel que j'ai pu en passer la première fois qu'enfant, je découvris le Gendarme à Saint-Tropez. Le rythme est soutenu, presque trop il est vrai, les acteurs principaux sont bons, même Murielle Robin, courageuse de reprendre la succession de Valérie Le Mercier et dont le jeu boulevardier ne tranche aucunement dans cette comédie franchouillarde. Les seconds rôles sont par contre, hélas, beaucoup moins travailllés. Ma conclusion est que, si Poiré ne s'est jamais porté au niveau du Zidi de L'Aile ou la Cuisse ou d'Inspecteur la Bavure ou des grands Oury avec de Funès, il faut lui être tout de même reconnnaissant de renouer avec cette veine. Ains, comme dirait l'ami Jacquouille, meilleur vault à tout le moins s'esbaudir dans le regardement de cestui filmage, que de se puissamment languir à la veüe des merdelettes annuellement émises par ces fâcheux boulgres desnommés Assayas ou Téchiné.
Victor
Titanic (1998)
C'est un film de James Cameron.
Le film qui ramasse tout sur son passage, le film de l'année sans conteste
tant il est bon sur tout les plans même s'il n'y est pas forcément
le meilleur. On ne s'étendra pas trop dessus car tout le monde regorge
d'informations sur cette production, il y a même eu un dossier dessus
dans Téléstar. Cameron est l'auteur de bons films, d'une
part des grosses réalisations comme Terminator I et II,
Aliens 2, Abyss, ces deux-ci étant par ailleurs des épopées
de vaisseau; le côté hypertechnologique d'autre part, visible au
début sous-marin de Titanic et dans Terminator. Il
aime à réfléchir sur le progrès (ce dernier est-il
une fin ou un moyen?). La faillibilité de l'être humain l'intéresse
également à maints égards. Cameron est de plus un très
bon scénariste. C'est lui qui écrivit le scénario de Point
Break Extreme Limite. C'est l'un des rares à écrire lui-même
ces scénarios, si l'on excepte True Lies. C'est le côté
œuvre totale qu'il aime à cultiver. C'est un auteur dans la lignée
des grands réalisateurs d'Hollywood comme John
Huston ou Cecil B. DeMille, à l'inverse
de Spielberg. Les acteurs sont excellents. Leonardo
Di Caprio est parfait, il touche sa bille (et le pactole) et Kate
Winslet aussi bonne que dans Jude, de Michael
Winterbottom. Super Billy Zane également,
le dingue de Calme blanc, qui campe une pourrriture de la haute, infect
comme pas un. Le second du navire, l'ancien flic commis et la matrone parvenue
irlandaise jouent eux aussi très bien ainsi que le copain irlandais et
le copain italien. Le côté social est abordé avec ce paradoxe
qu'alors que les émigrants qui se trouvent dans le Titanic, se rendent
vers le pays de la liberté, ils sont déjà cloisonnés
par communautés et niveaux social au sein-même du navire. Cette
arche de Noé, ce déluge, oui, c'est pour que tout le monde reparte
à la case départ. C'est le côté égalitaire
du bateau. Ce retour au grand Hollywood se voit surtout à travers l'utilisation
de la petite histoire pour dépeindre la grande, de la focalisation sur
une histoire d'amour atypique pour une catastrophe extraordinaire. Comme disait
Pierre Berthomieu, dans Positif il y a
peu,"l'aube des temps: les films de Cameron rêvent de la contempler,
la projetant dans le futur ou au fond des mers". Le fait que K. Winslet
change d'identité à son arrivée et balance le diamant quatre-vingt-cinq
ans plus tard montre que les cartes ont été redistribuées.
La tension finale, tenue une heure durant, est splendide. Bravo James, tu mérites
qu'on te paye un demi !
Chiouït& Victor
La prisonnière espagnole (The spanish prisoner) (1998)
Un scénario béton pour ce film qui embrouille de David Mamet. Campbell Scott, jeune inventeur d'un système qui permet de dominer financièrement un secteur d'industrie, se retrouve mêlé à une histoire gigogne d'espionnage industriel où on cherche à le faire croupir en tôle pour longtemps. Heureusement sa secrétaire Rebecca Pidgeon devient sa petite amie mais son pote Steve Martin, inquiétant, le pourchasse. Il a les boules et il ne capte plus rien. Les Japonais sont dans la ville et le trèfle irlandais partout présent. Extra.
Chiouït& Victor
Harry
dans tous ses états (Deconstructing Harry)
(1998)
Le plus mauvais Woody Allen que j'ai vu à
ce jour. A part la scène juive classique chez sa sœur et la marade
avec son pote (Billy Cristal) et sa copine (Elisabeth
Shue) dans la boutique de jouets, tous les gags sont mal exploités.
Le comique devient ici vulgaire, les scènes sont longuettes, ça
tire à la ligne, comme par exemple le passage où Woody descend
en Enfer : tout le monde dans la salle regarde les femmes à poil derrière
et tout le monde s'ennuie. Décevant.
Victor