D'une ascendance journalistique bretonne éminente, Paco a passé son enfance dans les bars à boire des coups. Reconnu comme l’un des meilleurs chroniqueurs rock de Falaise, il a commencé une carrière de biologiste océanographe en passe d’aboutir d’ici peu, sauf contre-ordre. Son principal regret est, outre Revolution 9 des Beatles + tous les albums des Sonic Youth, de n’avoir jamais pu ôter de la tête du dénommé Chiouït l’idée saugrenue, mais hélas ô combien partagée par Finette, que Doc Gynéco est le Karl Marx du XXIe siècle. Rond, il préfère, à la Bayrou, choisir une trajectoire médiane, à savoir le centre de la route, lorsqu’il pilote sa 205 GTI Turbo D. Mais c’est à Trédarzec qu’il revient toujours et à Bel Air de préférence. “Je ne sais pas ce qui m’attache à ce lieu, avoue-t-il, je lui trouve un je-ne-sais-quoi de nostalgique, comme si, dans une vie antérieure, j’y avais déjà séjourné...” C’est sur ces accents baudelairiens que ce disciple d'Umberto Eco au physique andalou nous abandonne à la lecture de son récit inédit intitulé :
Mais où est-ce que je suis ?
Les murs qui m’entourent sont tapissés de posters, qui jusqu’à
cette minute m’étaient encore inconnus.
Le lit dans lequel je suis si bien installé ne me donne, lui non plus,
aucun indice sur l’endroit dans lequel je viens de m’éveiller,
le radioréveil qui se trouve sur une table de nuit juste à côté
du lit, m’indique qu’il est 14 heures 08.
“Putain de merde ! J’ai encore loupé le boulot. Fuck !...
Fuck !... MEEERRDE ! ! !”
Mais qu’est-ce que j’ai encore foutu hier soir?
Je me lève du lit, non sans mal, du fait d’un terrible mal de crâne
qui, du moins je le pense, ferait exploser la cervelle de n’importe quel
autre être humain.
Je regarde par la fenêtre et essaye de reconnaître les rues et immeubles
avoisinants.
Vraiment je ne reconnais rien, mais alors rien du tout.
Je me décide alors à faire un petit tour d’horizon de l’appart
dans lequel je me trouve. Peut-être y trouverais-je quelques signes ou
indices. J’ouvre la porte de la chambre et je me retrouve dans un couloir
donnant sur cinq autres portes dont une semblant être la sortie. J’ouvre
illico presto la porte jouxtant celle de la chambre.
Tiens, c’est les toilettes. J’en profite pour pisser un bock. J’en
avais bien besoin. Mais là non plus, ces W.-C.. ne me rappellent absolument
rien. Une chose est certaine, je n’ai jamais fréquenté cet
endroit.
Car s’il y a une pièce d’un appart que je visite tout le
temps, c’est bien les chiottes.
D’ailleurs, je ne sais pas pourquoi, mais à chaque fois que je
suis invité chez une personne qui m’est inconnue, il faut que j’aille
voir ses chiottes. Une fois ce cérémonial accompli, j’ai
tout de suite le sentiment d’être plus intime avec mes hôtes.
Des fois, j’ai l’impression d’être un peu pervers, mais
vu que ça me rend plus à l’aise, je ne cherche pas à
comprendre.
Derrière la porte se trouvant en face de la chambre, il y a la salle
de bain. Je ne ressens pas le besoin d’y pénétrer et je
poursuis ma visite en me dirigeant vers les deux autres portes.
La porte de droite est entrouverte et machinalement je la pousse pour découvrir
cette nouvelle pièce inexplorée.
“Bonjour mon chéri. Tu as bien dormi ?”
C’est une femme aux cheveux longs, d’une blondeur suédoise,
qui vient de me parler. Elle est assise sur une chaise et semble prendre son
petit déjeuner. Elle me tourne le dos.
Je reste bouche bée, incapable de répondre à ma question.
Je n’ai qu’une envie, c’est de prendre mes jambes à
mon cou, et de m’enfuir par la porte de sortie que j’ai repéré
tout à l’heure.
A chaque fois que je ramène une fille, le réveil est toujours
douloureux et de mauvaises surprises.
Mais je reste coincé là, debout, dans l’incapacité
d’esquisser le moindre mouvement.
La blondinette, sans doute, perplexe devant le manque de réponse, décide
alors de se retourner, tout en se levant.
Et là, le choc !
Une beauté incroyable se dirige vers moi. Marianne Faithfull du temps
où elle fricotait avec Mick Jagger. Mieux encore !
Une femme “radieuse comme le soleil et mystérieuse comme la lune”
dirait Umberto Eco.
Une émotion inconnue m’envahit.
Les rayons du soleil pénètrent en moi et je ne distingue plus
qu’une pâle lumière au fond d’un couloir. Puis c’est
le noir complet.
Lorsque je sors de ce trou noir, en rouvrant les yeux, je suis allongé
par terre avec toujours cette merveilleuse créature qui me regarde droit
dans les yeux.
Je me dis que ce regard incroyable n’a pas d’équivalent dans
le monde ; et est en lui-même, un voyage océanique, que même
Laurent Bourgnon ne peut connaître à ce jour.
“ Ça va pas mon amour ? Tu est tout pâle ! T’as vraiment
pas l’air bien !”
“Heeuuuu.... Nooon.... Ça va pas au top.... Ma chérie....
Il faut que j’aille prendre une douche”.
“T’as raison mon amour. Tu peux te lever au moins ?”
“Oui oui”, dis-je en me levant laborieusement et en me dirigeant
vers la salle de bain.
“Reviens vite mon amour. J’ai vraiment envie de toi.”, me
dit-elle lorsque je ferme la porte de la salle de bain derrière moi.
Je manque de m’évanouir une nouvelle fois mais je réussis
à me retenir héroïquement à la poignée. Ouf
!
Je retire mon caleçon et mon t-shirt, tenue légère que
je portais cette nuit et que je regrette de porter encore : j’ai certainement
rien fait avec cette magnifique jeune femme cette nuit, sinon je me serais réveillé
à poil. Cette douche est un vrai bonheur. Je me sens enfin éveillé
et frais comme un gardon.
Je vais enfin pouvoir profiter de ce cadeau du ciel qu’est cette magnifique
blonde. Je sors alors précipitamment de la salle de bain, ne prenant
même pas la peine de me rhabiller, et déjà tout excité
en tenant une trique du tonnerre. En moins d’une seconde, je me retrouve
dans la cuisine près à bondir sur ma merveilleuse conquête.
Mais là, je me retrouve nez à nez avec mon colloque de toujours
: Fredo.
“Tu t’es encore réveillé sous la douche, Tony... Désolé
!”, me dit-il le nez dans sa tasse de café...
Paco (décembre 1998)
Bruxellois d’origine, ami de David Ayers (le guitariste des Red Snapper) et de Ptit Gus, Neil Cessée-Bravethe, dont le père, Irlandais, fut l’un des proches de George Killian et la mère, Flamingante, modèle de Bram Van de Velde et de Willem, fut remarqué outre-Quiévrain au début des années 70 par ses opuscules poétiques en anglais et en français (il est bilingue le salaud !). Marcel Monjarret le loua, André Breton le conchia mais c’est comme traducteur des poésies maniéristes de l’Ecossais Wattie Buchan (éditions Orphée) qu’il se fit surtout connaître au pays de Baudouin, sans oublier ses écrits anthropologiques engagés, sous l’influence directe de Jean Piaget, Jacques Soustelle, Guy Gilbert et Dario Argento. Sa querelle en 1977 avec l’ethnologue freudo-marxiste Morgan Saliou demeura fameuse, bien qu’au final, chacun campât sur ses positions (Fondements structuralo-galliano-charbistes des écrits de Patrick Topaloff ; 1977 ; Réponses à certains ethnologues sur la condition de garagiste en Pays Trégorrois, 1978). Les années Tapie aidant, il tomba dans l’oubli des feux de la rampe mais il est fort justement réapparu récemment sous les sun-lights des tropiques des scènes littéraires par le biais de sa collaboration à la revue liégeoise Orthogonales. Ses œuvres les plus récentes sont toutes disponibles en librairie. En voici une liste non exhaustive : Soï le voyageur ou le conte de l’injoignabilité (Le Perron, 1995), Pour une sémiologie structurative dans l’approche critique de l'œuvre de Jean Roucas (Hêtre, 1996), Drech le dormeur bouchiteysque (La Ressemblance, 1996), Houahouane et la râpe médicale : démythification d’une légende girondine (11/19, 1998). Voici une nouvelle inédite qui se nomme :
Assis sur sa chaise de dos notoirement incurvé, à sa table de
travail, Adam de la Halle ruminait après l’inspiration ténue.
Point d’idées. Soudain s’agite en son seuil sa sonnette puis
le silence nappe à nouveau sa demeure. Il alla ouvrir. Et, tel Faust
naissant - voici du moins ce qu’il se mit en tête - il découvrit
le Diable, éternel visiteur de la Terre depuis les Enfers où il
s’ennuie. De sa lassitude immense le cornu cherche la fin et fond sur
des mortels seuls. Adam ne veut, coup de théâtre, point être
joué et de conduire son hôte sous la feuillée, le drôle.
Là le fin homme se fraye une identité factice : “Jean Kiboulouc
je suis et fort perplexe aussi”. Car au vrai, le rôle prophétiquement
goethéen s’accorde peu bien avec son courage des plus dissimulés
; mais, après tout, sa vie à lui depuis trente-cinq ans n’a
été hélas qu’une suite de déceptions malgré
ses tentatives d’union charnelle avec son aimée commère
Barbe ; il lui en a par l’Eglise coûté cher. Satan ainsi
pensa être dans son grand intérêt de lui présenter
tous les charmes d’une existence inanimée : des femmes et des plus
belles, de la puissance, de l’argent, bref une longue jouissance. Jusqu’alors
hésitant face au pacte inosé, l’Arrageois en joie joua son
âme, happée. C’est qu’il avait besoin de cette puissance
créatrice exceptionnelle pour enfin écrire l’opéra-bouffe
dont il rêvait, être le Robert Planquette du XIIIe siècle
et rouler carrosse dans les plus chics endroits ! O, infernales délices
! Toutefois les siècles lointains, c’est vrai, il ne les verrait
pas, se dit-il, c’est pas de veine. Le cafardeux trouvère se tira
tout à coup dehors... “Ouais, j’en ai marre, moi”...
Une femme dont il est dit qu’elle aurait pu jouter de beauté avec
Jézabel la Défenestrée, se pâma. Il la releva et
lui tira son portefeuille ce qui fit qu’à son réveil, sans
en poche le sou, la créature vendit ses appâts.
Descendu dans une auberge grand luxe à Paris et désireux d’aller
faire un tour à la foire du Lendit, l’ami plus tard arpentait les
ruelles quand la place de Grève arrêta net sa marche débonnaire
d’un grand concours de peuple. On y décapitait Catherine Sauvage
et Léo Ferré, le bourreau n’étant autre que Couve
de Murville. Une pissette sanguine salit son habit neuf : Adam tout déconfit
repassa la Seine à l’eau sale vers sa rue du Chat-qui-pêche.
Sa déambulation morose, son pas désabusé attirèrent
les regards de gardes du Petit Châtelet : ils l’interpellèrent.
Ils avaient ordre de ne laisser attenter à la sécurité
publique sous aucun prétexte. Acheteur de feuillets et d’encre
chez un tout récent papetier vénitien, il gagna sa chambrette.
Disparurent deux jours et fut mis le point d’orgue à son chef-d’œuvre,
Le Jeu de Robin et Marion. Le bonheur l’emplit ainsi que le monde... O
Jésus, que ma folie est grande ! Le dramaturge s’échappa
un instant de lui-même... possédé par des images hallucinantes...
un cafetier bougnat venait le voler... puis lui rendre tout son bien... tout
y était... il recompta... mince, il manquait une chose... Il fouilla
partout sous son lit, dans ses meubles en palissandre, en pure perte. Il déroula
alors un vieux manuscrit qu’il se savait posséder depuis je ne
sais combien d’années et qui, à tout sembler être
un contrat de machines agricoles, n’en était pas moins signé
- malédiction ! - Diabolo Manus... ! Pardi, c’est encore un coup
du Diable ! Le Malin ne le lâchait vraiment plus et s’insinuait
partout. Excellent juge à ses dires de lui-même, le Picard piqué
d’un tel audacieux intrus, près de l’âtre s’exclama
un jour : “Viens donc Satan, et nous lutterons de perversité. Ma
victoire rendra mon contrat nul ! ”. Un éclair d’hésitation
se fit dans son esprit. Sans doute malgré tout pourrait-il, le rude combat
passé, à nouveau songer à son salut et se racheter de si
multiples péchés... Dès lors le pauvre malheureux coucha
avec les catins les plus vicieuses, fut au biribi joliment mis à blanc,
traqua grands-mères et veuves pour s’en faire épouser, aspergea...
Mais il échoua dans ses tentatives. Sous un sommier, Méphisto
qui estimait que ce niaiseux lui cassait les oreilles, asséna au trouvère
un infarctus terrible. Ça terrassa l’infortuné. Dirigé
sur les services de réanimation de l’hôpital de Pontchaillou,
le malheureux devait cependant mourir dans la nuit malgré les efforts
du professeur Jeanjean.
Terminer en réa chez Jeanjean, ah, la belle affaire ! Et pourquoi pas
chez un rebouteux à Meslin-Trégenestre ? Ainsi, il ne suffit pas
pour se jouer du Prince de ce monde d’avoir en lettres de l’école.
Neil Cessée-Bravethe (décembre 1998)