Miguel Villabella :
Airs français (vol. 1) (68' 21'' ; enregistrements de 1929 à
1935 ; Lys, CD LYS171 ; 1997 )
Miguel Villabella fut, si l'on peut dire, l'un
des ténorissimos de l'Entre-Deux-Guerres. Né à Bilbao le
20 décembre 1892, il fut d'abord contrarié dans sa vocation de
chanteur par son père pourtant lui-même baryton célèbre
en Espagne. C'est ainsi qu'il commença par exercer diverses activités
à Paris et devient même champion de patins à roulettes1
en 1914. Heureusement, le baryton Lucien Fugère,
l'un des piliers de l'Opéra-Comique, le remarqua et, du même coup,
Villabella se mit aux études vocales qu'il paracheva avec Jacques
Isnardon, excellent pédagogue professeur au Conservatoire de Paris.
L'esprit et l'art français remis à l'honneur peu après
le premier conflit mondial, on ne s'étonnera pas que certains opéras
du XVIIIe et surtout du XIXe siècle aient été rejoués
sur les scènes françaises. En 1926, la vieille Dame Blanche
de Boïeldieu fut redonnée, Villabella
incarnant le héros George Brown, officier
du roi. Bien qu'inspiré de romans de Walter Scott,
La Dame Blanche est d'esprit éminemment français. Le
premier air "Ah! Quel plaisir d'être soldat" est une
véritable pièce d'anthologie et connut en son temps un énorme
succès. Les autres airs révèlent un ouvrage certes un peu
désuet mais non sans charmes et dont Wagner
adorait l'ingénuité. Elève de Boïeldieu, Adolphe
Adam obtint ses plus grands succès avec Le Postillon de Longjumeau
et Si j'étais roi dont les airs sont écrits non sans
une certaine facilité qui cherchait surtout à plaire.
Avec des extraits d'œuvres de Lully, Gluck, Grétry,
Bazin, Maillart, Bizet et Hérold,
il est bien évident que ce choix d'airs met bien en avant le timbre chaud
et homogène du chanteur mais ne peut donner qu'un aperçu de son
art, de même qu'il ne peut laisser qu'une image réductrice des
ouvrages lyriques représentés.
[V. O' Cloney]
François Bayle :
Erosphère : Tremblement de terre très doux / Toupie
dans le ciel (créé en 1979 et 1978 ; 1990 ; INA C3002)
Ce compositeur d'origine malgache et dont la silhouette de professeur Nimbus
tranche avec l'attitude calme et des propos réfléchis dès
qu'il parle de la musique d'aujourd'hui (à cette restriction près
qu'il semble ne connaître et n'évoluer que dans un univers de création
officielle subventionnée, à l'existence duquel on peine à
trouver une justification autre que pécuniaire), nous propose là
deux pièces électroniques parmi les meilleures de sa production.
Tremblement de terre très doux date de 1978 et se présente
comme une narration onirique. D'entrée, les sons -maison GRM nous baignent
dans un entre-deux comme liquide que casse soudainement un bruit d'ascenseur
(plage 2). De limbes des voix s'élèvent et entourent de leur halo
les frottements apaisants de deux boules Obut (té, peuchère !).
Une porte claque. Puis ça refuse. Des crépitements, prodrome d'un
événement inéluctable, parviennent à peine à
s'immiscer dans la danse des pétanques réverbérées.
Replongée que suit de nouveau l'élévation au son des clochettes
(plage 6), le silence, des pas hâtifs et la tension sensuelle qui revient,
qui remonte irrépressiblement au point qu'en deux temps tout ça
explose et crève la poche cosmique violemment (plage 7). Ensuite, redescente
sereine et atterrissage (plage 11). Le pied. Ça fait un bail que j'écoute
cette œuvre et jamais, je crois, je ne m'en lasserai.
Toupie dans le ciel a une allure encore plus apaisante et quasi hypnotique.
Je pense que cette ample respiration sonore devrait plaire aux amateurs de Kœchlin,
Reich, Tangerine Dream et aux ambientophiles de tout poil. A l'écoute,
on comprend évidemment le titre général de l'album, Erosphère,
tant il se place dans le domaine de la jouissance auditive.
Un des sommets de l'électroacoustique issu de la musique contemporaine.
[Victor]
† Atchoum
n°6 : publication agréable par sa sincérité de ton
(pour une fois, le mot n'est pas galvaudé), elle nous parle de Phonorakes,
Meanderthal, Goofball et termine par un dossier sur le queer-core qui
selon toute apparence emballe la rédactrice ; chroniques et infos à
la pelle. 8 F à Atchoum / NC Rds c/o NAth, 26 Rainbow St, Camberwell,
London, Se5 7TD, Angleterre
† Bruit n°13 : réfléchissant
sur la sexualité (pourquoi, comment, où vais-je, dans quel étagère
où ce que je me branle? O Nanisme, ô Passe-Partout
! Que d'étranges effets vous me fîtes en ce siècle finissant
!), ce zine m'interpelle quelque part une fois au niveau de l'affectif. Sympathique
lecture et une liste d'adresses impressionnante. A5, 24 p. ; 1 timbre à
3 FF à Philippe Fourcade, route d'Auch, 32200 Gimont.
† Caves se rebiffent (les) n°2
: zine de première qualité et chaudement recommandé.
Ces gens-là assurent bien d'autant qu'ils couvrent un pacson de trucs
de tout style (de Coralie aux Templars
en passant par Kounen). Les principaux entretiens
sont ceux de la très à la mode Virginie
Despentes, de Yann Cornières le
nudiste des ex-NCA (cf. Drinking
Station) et de ses potoux, du mec spé de Paris
Violence et du dessinateur BD Fabrice Lebeault.
Je le conseille à nouveau vivement et c'est rien que de le dire, comme
on disions parl' chez nouzauwt', bondiou !. 12 p. A 5 ; 1 timbre de collection
à 3 F chez Do It Yourself, BP 135, 87004 Limoges Cedex (qui c'est Dex?)
† Drinking Station n°2
: feuille d'infos graveleuse avec une photo de Yann
Cornières de NCA, exhibant ses
attributs mais il n'est pas Mr. XXL, hélas pour lui. Autrement, un
rapide détour chez Mass Productions clôt
le tout en A5 et 4 p. ; 1 timbre à 3 F chez Olivier Prigent, 10, rue
Liszt 29600 Morlaix.
† Dynamite
n°6 : minizine léger et bien mené. Son rédacteur
y retrace le parcours de celui d'Earquake.
Moult chroniques disques par-dessus le marché. 8 p. A5 ; 1 timbre à
3 F à Yanic Bilien, 7, rue Jules-Massenet, 69330 Meyzieu. ou Sylvie
Blot, 57, quai Joseph Gillet, 69004 Lyon
† Earquake
n°64 : zine pilier de la scène punk, il est consacré
ce coup-ci aux punkanars US d'Aus
Rotten, aux Ostrogoths de The Annoyed,
aux skamen de Pietasters et aux lynchiens de
Rammstein. Outre les nombreuses chroniques disques,
des compte-rendus bouquins (Bernar,
Bourdieu) et exceptionnellement du ciné. Que demander de plus
? 28 p. A5. 3 timbres à 3 balles chez Frédéric Leca,
Le Ménil, 88160 Le Thillot.
† Echo de Foufleurs (L')
n° 19 : feuille d'info briochine guillerette avec de nombreux disques
commentés. J'ai bien aimé les remerciements. 8p. A5 ; 1 timbre
à 3 boules chez Yann Cornières (cf. Drinking
Station), 1, rue Saint-Jouan 22000 Saint-Saunier-Brieuc
† El puuunk zine
n° 2 : ce fort bon journal du Bordelais se pose là (punk, ska,
reggae, Afrique). D'un ton léger, il se dévore comme se boivent
les grands crus du coin (Vieux-Pape, Mouton-Cubi). A l'affiche : Hara
Kiri, Electric Frankenstein, Maroon Town,
100 grammes de têtes, Niominka' Bi, Rootsaba et Los
Crudos + 2 historiques sur The Ruts et
Israël Vibration. En plus, y a un jeu fastoche
et des disques commentés à la pelle. Seul point noir qui n'en
est pas un : l'orthographe est soldée et la pagination avec. Résultat,
quand, en plus, la traduction est carrément aérospatiale, à
la lecture d'une interview de Maroon Town j'ai l'impression que Richard
Virenque s'est emparé du micro... Mais c'est la seule réserve
que j'émettrais, vu qu'il est vrai que pour notre part, n'ayant que
deux interviews à se battre en duel sur quarante pages... A4, 48p ;
10 F à Paul Aristegui, Le Bayle Saint-Sève, 33190 La Réole
† Folie Douce n°6
: zine tourangeau consacré au rock puissant. Le ton de départ
est fort drôle, c'est bien illustré, la couvrante est colorée
et ça se lit plaisamment. Y sont traités : Virago,
Aïna, Portobello Bones, Bobby Hatch, Furious Fiesta, Sloy et Belly
Button. J'ai pas core pécho le 7 qui devrait contenir Human
Alert, Shubang, Seven Hate, Gravity Slaves, Free For All, Hint et plus
encore. A4, 26p ; 10 FF + 4F20 en timbres à Vincent Petit, 11, rue
Nationale(-Sozialist), 37250 Montbazon
† Furia n°10
: un beau fanzi-magazine sur papier glacé et qui se consacre à
l'activité rock çà-et-là. Dans ce numéro,
vous y trouverez des choses sur Amanita, Tarwater, The
Notwist, Snark, Aphex
Twin (quid
de Ventoline??), Meï
Teï Sho, Fragile (ex-Hint), Svinkels,
François Chat (danse), Sick of it all,
Sloy, Rachid Taha, Nomeansno et Ghost
World de Daniel
Clowes (BD). Avec un petit truc en plus dans la maquette générale,
ça donnera certainement bientôt une lecture de référence.
Format carré pas top, 52 p. ; 10 FF à Vivre vite, BP 120, Saint-Ouen-l'Aumône,
95136 Cergy-Pontoise-Pasbeau Cedex
† Gato Negro n°
4 : Zine d'expression sur le fanzinat et les labels ; bien sympa ; A5,
12 p. ; 1 timbre à 3 F chez Ugly les Bons Tuyaux et Hutch Civit, 12,
avenue de Constantine, apt 5315, 38100 Grenoble
† Génération No Future
n°6 : les punks nordistes nous régalent avec Red
Flag 77, les Perfusés, les Vibrators, N.C.A, Braindance,
Parabellum et
8°6 Crew. Pleins de skeuds écoutés. Leur ton
joyeux va sans doute honorer un prochain numéro depuis car celui-ci
date de l'hiver passé. A4, 36 p. ; 10 F chez Dirty Punk Rds, 53, rue
Emile Zola, 62400 Béthunes
† Goude ur bannac'h... an dispac'h !
n°3 : voici une feuille bretonne très intéressante qui
s'attaque6 de front aux problèmes liés à l'engagement
(culturel, politique, mode de vie). Son rédacteur, Nikolas
Al Liorzher, interviouve Yann
Boislève, végétarien rennais et vous file
plein d'infos ; 8p A 5 ; 1 timbre à 3 F à Nikolas Al Liorzher
du Monfort, 8, rue du Général Edouard Leclerc, 22500 Paimpol-et-sa-Falaise.
† Grosse Râleuse (la) n° 03,1 : cette lecture hétéroclite est bien trempée avec son humour au xième degré. C'est la suite du zine Le Râleur dont je n'ai, peste!, jamais rien lu [In extremis, je viens de recevoir le n°3, un numéro dont la qualité pète aux yeux et au cerveau]. Ecrivant en caractère 6 (ou 4 pour les adresses, on va pas s'arrêter à si peu...), cette plume au vitriol est partie en Malaisie et en Indonésie taper le bœuf (et l'étudiant) chez Suharto. Les chrones de concert valent le détour ainsi que le décor fond-de-page pittoresque. 8p. A4 ; 4F20 à Frédéric Le Rochais, 3, passage Michel Béziers (le célèbre), 14400 Bayeux.
† Kanivo Info
n°5 : agréable feuille d'infos avec les entretiens de Dead
End et Gargoïls, groupes de
l'est. Nombreuses galettes écoutées. 1 timbre à 3 F à
Kanivo Chaos, 13, rue de Vignier, 25000 Besançon.
† Karok : après
le n°13 très réussi, les deux compagnons se séparent
pour deux zines dissemblables dont l'un reste Karok
(chez Youen Lohéac, chambre 1410R, 29, rue Daviel 75013 Paris) et un
autre encore non titré [= Punk System]
qui sera disponible fin juin chez Jean Meudec, 4, rue de Magenta 29200 Brest
contre 15F PC avec sans doute à l'affiche Tagada
Jones, Maurice, Dialektik Records, Stéroïds, Usual Suspects, Vicolo
Cieko, Internet et différentes chroniques.
† Là-bas si j'y suis
: la fameuse émission de Mermet dont les
reportages en Sibérie, Rouanda ou Corée du Nord récemment
sont autant de directs à la conscience ; du lundi au vendredi, 17 h,
France Inter.
† Mauvais Genre : émission
très bien faite sur le polar, l'érotisme, la BD et la SF (le
mardi 22h / 23h sur France Culture)
† Musique plurielle : bonne
émission de musique contemporaine ; du rock (mais alors là par
contre, la cata!) (France Musique, du lundi au vendredi de 22h30 à
23h00).
†
No Government n°40
: cette parution ancienne de la scène punk nous livre des papiers sur
8°6 Crew,
District, Turbonegro (assez rigolo), Dare Dave
Devil, Reazione, Rocket from the Crypt, Demolition
Girl, the Hellboys (bien marrant). C'est très bien enlevé
et on ne peut plus dense. A cette heure, un n°41 devrait être sorti.
26 p. A4 ; 15FF à Adrénaline Records, BP 2176, 51081 Reims-Doigts
Cedex.
† One Scene Unity n°
7 : feuille HxC sobre. Au sommaire : Out for blood
et Thumbs Down. 2p. A4 ; 1 timbre à 3F
à Pierre Ignatowicz, 9, allée des Ecureuils et des Renards 91220
Plessis-Paté.
† La
Pente du Carmel, émission de radio du style de
la page 5 du Canard Enchaîné
ou du Crétinisier de Charlie
(Radio Libertaire, Paris, 89, 4 Mhz ; le lundi de 23 h à minuit)
† Petit Sid (Le) n°
16 : ce Bas-Languedocien est assez porté sur la chose. Il dit aux
gens de prendre gare à leurs appareils vaginaux et s'intéresse
tout particulièrement aux organes génitoires des Portobello
Bones (et pourquoi pas à Yann Cornières tant qu'il y
est ?). Sur la couverture, un androgyne pose sa pêche. A part ça,
au programme, en plus des PB, la Gangrène
et Les Envagisseurs. Un bon moment et en plus
un jeu avec Kojak. 20 p. A 5 ; 1 timbre à
3 F. au Petit Sid, 2 boulevard du Roussillon, 11100 Narbonne.
† Le Petit Taffeur
enragé n°7
: feuille d'info (avant tout) de l'Association Tout à Fond, il y est
question des Hardcoreux mélodiques de Groomy
et du groupe Prohiber. A5, 8p ; 1 timbre à
3 F chez Tout à Fond avec Louis Nicollin,
28, rue de la Méditerranée, 34000 Montpellier
† Skalonymes en ont marre (Les) n°7 : superhilarant avec la Skaloparde du mois et des tombereaux de privates écroulantes ! Ils parlent de G. E. N. Code, Tagada Jones et vont de force voir Kamizol. A5, 20 p. ; 5 FF aux Skalopards anonymes, 575, Enclos des Oursons, 34280 Carnon-Est
† Spread
Out n° 2 : écrit en italien et anglais,
cette grasse parution qui gravite autour du groupe Reazione
est d'une très bonne qualité technique et traite de tout ce
qui a trait au punk, à la oi! ou au ska. Les chroniques de concerts
et de disques sont bien diverses et denses. Sont interviouvés Four
Flying Dick's (Italie), Intensified (Angleterre)
et Zona A (Slovaquie). La mise en page enfin
est d'une clarté rare et vraiment plaisante. A4, 84 p.(!) ; 20 F à
Spread Out, Via Simoni 2, 47900 Rimini, Italie.
† Sun in my head
n°13 : ce fanzine havrais se consacre principalement à l'ancien
lieu de villégiature d'Ixel le docker
de François Ier et de l'auteur dramatique Armand
Salacrou. La musique va du punk au métal, le ton est enlevé,
les jeunes filles débarrassées de leurs parkas et en plus y
a de la BD et un peu de vidéo. Y sont passés à la moulinette
: Crowd out, High Scream, Assault, Currant Shellers,
Emphasis, Karpok, Eclypse, Dickbyrd et Bombsite.
C'est très bien. A4, 1 agrafe, 20 p. ; 12 F à Sun in my Head
chez NKVD Kaczmarek, 26, rue de Suffren, 76600 Le Havre.
† Unity Rockers n°19
: un bon zine ska et politique qui a pêché au bout de son micro
à damier le chanteur des Toasters et Banana
Juice ; un article par ailleurs rappelle les oppressions turque
et irakienne sur les Kurdes et leur calvaire. 8p. A4 ; 1 timbre à 3
F chez Crash Disques, 21 ter rue Voltaire Minus, 75011 Paris
† Vacarmes
n° 7 : encore un fanzimagazine de qualité (à vrai dire,
la présentation la plus classe de tout le lot présenté
ici, impressionnant et chapeau !). Son éclectisme l'honore, du reggae
au rap en passant par la fusion, le HxC et le ska. Doué d'un appareil
de chroniques sans pareil, il en est donc quasiment au stade magazin. Dans
toutes ces interviews vraiment intéressantes (et que du gros fretin
: Oneyed Jack, LKJ, Transglobal Underground, Unsane,
Boost, Laurel
Aitken, Shades Apart, Macka B., Fear Factory, le 113, Cypress Hill, Shutdown,
Lee Perry, DJ Krush, Samiam, Mad Professor, No Use for a Name), seul
l'entretien avec Lee Perry quitte la route par
la voix des cieux mais la discussion qu'il avait eue dans le hors-série
de Best "spécial Reggae"
était bien plus poilante et délire) ; A4, 72 p. ; 20 F à
Amine Bouziane, 18, Résidence Beausoleil, 92210 Saint-Cloud.
† Viens faire un tour à Lambé
n°1 : minizine fendart et intéressant mais qui part parfois un
peu trop dans tous les sens ; j'ai toutefois rien capté de l'histoire
de la môme qui se prend un coup de masse sur le coin de la calebasse,
à moins que le mec de Matte ma Teube ait un copain qui bosse au Télégramme
de Brest mais sinon.... 2p. A4 ; 1 timbre à 3F à
Lionel Cloarec, 1, rue Jack Daniels Kerouac, 29200 Brest.
† Vie pour rien (Une)
n°3 : fanzimagazine bilingue (français / anglais) très
classe de tendance oï! et foot et à l'esprit bien ouvert quoi
que la photo des 4-Skins
en couverture ait pu laisser penser à certains. Les articles sont très
complets (j'aurais préféré malgré tout des machins
sur le vélo plutôt que sur le ballon rond style le mec qui fait
pas chier son monde...) et un jeu complète le tout. On y trouvera donc
: Reazione, Symphonie Urbaine, 4-Skins, First Strike
(Etats-Unis), The Skulls (Brésil), Los
Fastidios (Italie) et les Teckels ; 36
p. A4 ; 20 F à Une vie pour Rien, BP 11, 92312 Sèvres.
† Worst : fanzimagazine
avec des crêtes partout et de bons articles et interviews malgré
les fautes d'orthographe qui les mettent en rivalité avec l'Echo
de Foufleurs, El Puuunk
et Ouest-France. Au sommaire
du n° 5, Beergut
100, Skint, Voice of a Generation, Airbom, Casualties, les Sheriffs
et un parti politique atypique d'outre-Rhin, l'APPD.
Le n°6 est sorti début 99 et le 7 probablement en ce moment ; 28
p. A4 ; 15 FF à Pavémusik, BP 5195, 57075 Metz.
[Victor]
† Hugues Rebell : Les Nuits
chaudes du Cap Français (1902 ; Ombres ; 1996 ; 219 p.)
Rebell, de son vrai nom Georges Grassal, naquit
à Nantes en 1867. De milieu bon bourgeois, envoyé faire des
études chez les jésuites à Jersey, il publia à
son retour sur les bords de Loire des poésies et un roman (Les
Méprisants, 1886) puis, touchant le pactole par le passage de
l'arme à gauche du sien paternel, monta à Paris et prend son
nom de plume : Hugues Rebell, en référence
au groupe The Rebels. Lion fougueux, esthète,
antirépublicain par goût du moment, il se fait connaître
en taquinant de nouveau la muse. Il en résulte des romans et nouvelles
aux audaces, notamment érotiques, marquées (La Nichina,
1897 ; La Femme qui connut l'Empereur ; Les Nuits chaudes du
Cap Français1 1898, qui le rendit célèbre). Grillant
sa vie par les deux bouts, le roué Rebell ne sait cependant faire face
et, sans le sou, meurt abandonné de tous le 6 mars 1905 à l'Hôtel-Dieu.
L'histoire se passe au nord d'Haïti à la fin du XVIIIe siècle
chez les planteurs désoeuvrés, plus particulièrement
dans une société féminine à l'atmosphère
bien languissante (et langue-issante par la même occasion). Une étrange
histoire qui, après un premier volet bordelais bref et saisissant pour
nous mettre en bouche, nous plonge dans la vie pleine d'une torpeur singulière
qui entoure une riche veuve créole, Madame de
Gourgueil, dont le journal constitue la trame-même du récit.
Celle-ci élève Antoinette, jeune
et belle orpheline, avec l'aide de sa première servante, l'esclave
Zinga dont l'empire sur sa maîtresse est
fort bizarre et plus que certain. Ses amis sont l'abbé Pouyade,
ecclésiastique de salon bien de son temps, le docteur
Chiron, à l'écoute des Lumières, Madame
de Létang, autre langue de vipère, et sa fille Agathe,
et surtout Samuel Goring, quaker américain
qui prêche l'égalité de tous les hommes mais de manière
quelque peu illuminée. Le jeune et fringant métropolitain Dubousquens,
le violent et séditieux contre-maître Figeroux
et la mystérieuse reine des Noirs Dodue-Fleurie
complètent le tableau.
L'intérêt du livre vient, outre l'imitation réussie du
ton affété de l'époque pré-révolutionnaire,
de l'ambiance électrique et langoureuse dans lequel baignent les personnages
en permanence. N'oublions pas que l'on est au pays de la sorcellerie, du vaudou
et des zombis, ces esclaves déconsidérés et exploités
même morts, et que, même si ces coutumes et croyances ne sont
pas directement présentes, leurs ombres affleurent tout au long de
l'histoire. Quant à la morale de ces Français du bout de l'Océan,
la veulerie le dispute à la cruauté, l'aveuglement à
l'érotisme. Erotisme, essentiellement saphique, qui, s'il est pour
le plus dans la célébrité de ce récit, n'en est
pas toutefois l'unique pilier. Une intrigue bien machinée psychologiquement
nous tient en haleine tout du long et il est hélas bien regrettable
que ce roman soit inachevé (eh oui! D'où la déception
légère que, l'ignorant, j'ai éprouvée... Mieux
vaut être prévenu et tard que jamais et un tiens que deux tu
l'auras) car il se poserait là plus qu'il ne le fait encore maintenant.
Une lecture pour le moins brûlamment recommandée!
[Victor]
† Patrick Modiano : Villa
Triste (1975 ; Folio ; 1996; 212 p.)
Cet écrivain est avec Le Clézio
sans doute le dernier grand écrivain reconnu comme tel de tous en France.
Révélé à vingt-trois ans par Place de l'Etoile
en 1968, Modiano a surtout connu la consécration
avec sa Rue des boutiques obscures (1978) qui lui valut les lauriers
officiels du Goncourt. Ses passages télévisés ont mis
en avant la taciturnité du personnage, peu étonnante à
la lecture de son style. Celui que Queneau avait
introduit presque par hasard dans le sérail des lettres2 continue à
publier aujourd'hui et vient de sortir récemment un livre intitulé
Kraboudzak qui a l'air intéressant mais dont je n'ai pu malheureusement
pas encore partir à la découverte à ce jour. Mais revenons
à nos moutons. Villa Triste n'aborde pas la période
de l'Occupation chère à l'auteur mais revient au début
des années 60 au moment où la guerre3 d'Algérie fait
rage. L'action, si l'on peut parler d'action, se passe sur les bords du lac
de Genève dans une ville indéterminable (un Annecy rêvé)
et cette localisation ne laisse pas d'évoquer l'époustouflant
film de Godard, Le Petit Soldat. Villa
Triste, c'est l'histoire d'un jeune homme de dix-huit balais qui vit
incognito dans une pension de vieux pour échapper au service militaire.
Moins il se passe de choses dans sa vie et plus cela lui convient. Un jour
il croise Yvonne et son ami René et ceux-ci l'introduisent dans le
petit monde des gens en vue du coin. S'en suit un amour étrange et
inquantifiable avec Yvonne où l'insatisfaction
de l'instant présent pousse chacun à se projeter dans le futur
pour fuir son passé. Béatitude d'un temps incertain. Mais cela
y fera-t-il?
Tout étant vu avec treize ans de distance, d'un regard nostalgique
sans véritable mélancolie, ce livre vaut avant tout par son
style hors pair qui, par sa nonchalante sobriété, fait tout
passer, donne du sel à n'importe quoi, colle à merveille aux
attitudes évasives et indolentes de ses personnages. Des scènes
emportent vraiment l'enthousiasme : la soirée chic décadente
et sulfureuse (peut-être un clin d'oeil à la Dolce Vita),
le défilé d'élégance en auto, le garage de l'oncle,
les soirées languides de la Villa Triste, etc.
Ce livre est évidemment de premier plan et ravira tout ceux qui se
sont délectés à la lecture de La Recherche du Temps
perdu (cf. infra le Ruiz
à la rubrique ciné). L'atmosphère y est pour ainsi dire
la même.
[Victor]
† Philip K. Dick : Les braconniers
du cosmos (1953 / 1954 ; traduction d'Hélène
Cotton, F. M. Watkins, P. P. Durastanti, B. et C. Zimet ; Librio, 93
p. ; 1998)
Le linéaire de la collection Librio est souvent relégué
comme celui des bubble-gums et autres bonbons pour l'haleine, dans un coin
du magasin, ou près de la caisse. Peu s'y attardent et la plupart du
temps on passe devant en regardant à peine le feuilleté de tranches
multicolores.
Et pourtant cette collection sait s'enrichir de textes superbes et Les Braconniers
du Cosmos, de P. K. Dick fait parti de ceux-là
. Beaucoup d'entre vous connaissent déjà l'oeuvre de ce mythique
écrivain de SF. Il est tout simplement l'un des 3 ou 4 écrivains
qui forment la référence absolue de ce genre littéraire.
Ce Librio est un recueil de 4 nouvelles de grande qualité, écrites
entre 1953 et 1954. Elles abordent toutes des thèmes différents,
devenus des classiques dans l'univers de la SF, tels que le fossé d'incompréhension
entre espèces intelligentes aux cultures radicalement différentes,
que l'uniformisation d'une civilisation due à la globalité et
à l'omnipotence de ses réseaux d'informations, que l'évolution
de l'espèce humaine par de brutales mutations... Néanmoins,
ces thèmes sont tous abordés avec un constant pessimisme qui
en devient structural5. La mort et la destruction sont toujours présentes
et souvent de la manières la plus inattendue, la plus absurde. Car
ces nouvelles sont toutes construites sur le même modèle : une
histoire servie par une écriture où chaque mot est calibré,
terriblement efficace, qui se conclut ou plutôt bascule sur un unique
paragraphe, une chute teintée d'un humour grinçant. Dans ces
récits, il faut abandonner toute certitude, si ce n'est que ceux qui
semblent maîtriser la situation courent de façon certaine vers
leur anéantissement.
Si vous ne connaissez pas encore Dick, voici l'occasion de lever un coin du
voile qui couvre la richesse de son univers à la fois fascinant et
inquiétant, et qui, je n'en doute pas, vous donnera envie de vous jeter
sur ses romans et ses recueils de nouvelles.
[Câblé]
Regard sur la collection "Librio Musique" (parution : février 1999 ; chaque opuscule, 90 p.)
Voici un aperçu de cette toute nouvelle série d'ouvrages musicaux. Quatre domaines différents au programme : la chanson (Gainsbourg), la techno, le jazz (Coltrane) et le rock (Bowie). M'étant fait chourer ce dernier, je n'en pourrai donc point parler, hélas. Enfin bon, il me reste dans l'escarcelle les trois autres et voilà présentement mon opinion sur iceux (PS : cet été il en devrait sortir d'autres sur Marley, les musiques afro-cubaines, les musiques celtiques et Brassens) :
† Pascal Bussy : Coltrane
Auteur de deux excellentes monographies sur Can
et Kraftwerk, cet auteur à la culture
encyclopédique réussit le tour de force de nous parler de ce
géant du jazz tout en restant tant profond que didactique. Son exposé
prend la forme d'un historique qui voit chaque étape de l'ascension
de ce mystique vers l'Amour suprême par le biais de la musique. Surdoué
et acharné à la tâche, doté d'une volonté
surhumaine, le "Trane" bouleversa tous les gens qui le connurent
et les millions d'autres qui l'écoutèrent par disque interposé.
Aidé par Gillespie, assoyant sa réputation
chez Miles, ce génie trouva sa voix définitive
au travers de son quatuor mythique (McCoy Tyner, Elvin
Jones et Jimmy Garrisson). Même
tôt fauché par la camarde, Coltrane
parvint sans doute à exprimer toute entière sa volonté
créative et spirituelle dans ses enregistrements et sur les scènes
qu'il fréquenta. Dans le livre de Bussy, chaque oeuvre est passée
au crible (Giant Steps, My favourite Things, Ballads, A Love Suprême,
Olé, etc) et les rapprochements (avec Morrison,
Gould voire Bach
ou Marley) sont le plus souvent fort pertinents.
Sachant qu'en outre, Coltrane est sans doute le jazzman le plus facile d'accès
tant pour les gens venant du rock que du classique (dixit l'auteur), je ne
saurais donc que vous recommander hautement l'acquisition de ce petit bouquin.
† François Ducray : Gainsbourg
Alors là, par contre, laissez la thune au porte-monnaie ! A moins que
vous ne manquiez de Moltonel épaisseur triple, je ne vois pas ce qui
pourrait vous conduire à l'achat de ce foirage total. D'entrée,
par son style rance années 80 du type Nouvel
Obs ou Martin Veyron, cet écrivaillon
prétentieux pose comme critère fondamental d'analyse du chanteur
à la tête de choux la dualité, connue mais fort juste
au demeurant, entre Gainsbourg et Gainsbarre.
Alors il nous met en garde du style "A moi, on la fait pas, je confonds
pas les deux" puis, durant tout le bouquin, il ne s'intéresse
uniquement qu'au second. Il nous tartine des paragraphes entiers sur le scandale
de l'Eurovision avec Joëlle Ursule, les
amours avec BB, France
Gall et ses Sucettes, Alain Chamfort
etc. Hors moi, j'en ai zobi à cirer de ces pauvres tâches et
j'espère à défaut trouver mon content dans l'analyse
des albums du début (Confidentiel 63 avec Elec
Bacsik, merde !!! ) notamment où se trouvent la plupart des
joyaux... Mais là, faudra que je repasse, y a que dalle ou presque
!... Pour clore le tout, j'ai relevé quelques perles, à savoir
qu'il y a 27 lettres dans l'alphabet (sic p. 51), que Pascal
vivait avant Gallilée et qu'ils avaient
déjà découvert, un siècle et demi avant, la loi
de Lavoisier (bravo les mecs!, p. 51), que 1
= 4 / 3 ( !!! p. 61), et qu'enfin, Gainsbourg a inventé le rap en France
(p. 65). Le blaireau de service nommé Ducray conclue en ornant Gainsbourg,
chantre d'"une France passée de Coco
Chanel à Mademoiselle Marie-José
Pérec" des qualificatifs flatulents de "chaînon
manquant entre Marcel Duchamp, Dalida, Johnny Halliday
et les Sex Pistols" ou encore de "Zapata
de l'ère zapette".... Il fallait oser. Comme l'a dit Chépaki
et des milliers d'autres avant lui, la culture c'est comme la confiture, moins
on en a, plus on l'étale... Gerbant.
† Guillaume Bara : La Techno
A l'instar du bouquin sur Coltrane cité
plus haut, celui-ci met la barre bien haut. Exemplaire de clarté, il
se déploie lui aussi de façon diachronique, chose loin d'être
aisée avec un courant artistique aussi divers de sources et d'orientations.
Les origines, du disco au dub en passant par l'électro-funk et les
Allemands des années 70, sont savamment analysées et du puzzle
monté avec patience naissent limpidement les deux grands courants électroniques
fondamentaux actuels que sont la house et la techno. On voit cette musique
dans ces allers-retours successifs entre l'Europe (Angleterre, Allemagne,
Bénélux) et les Etats-Unis prendre corps puis rapidement s'éclater
en une myriade de styles qui n'ont de cesse de s'entrepénétrer.
La deuxième partie du livre deviendra sans doute plus tôt obsolète
car elle traite de l'aspect social (raves & cie, lente récupération
par l'industrie du disque et la société, Internet) du courant
musical majeur de la musique des années 90 (qu'on le veuille ou non).
Bara explique clairement l'évolution sans
retour que représente la musique électronique. Révolution
(qu'est-ce qu'un musicien, qu'est-ce qu'un son ?) n'a pas toujours voulu dire
table rase du passé, bien qu'aiment tant à se persuader du contraire
les doctrinaires de tout poil. L'électroacouticien François
Bayle ne disait-il pas fort justement que "les fusées
n'ont jamais empêché et n'empêcheront sans doute jamais
les avions de voler. Aucun n'est meilleur que l'autre. Mais la fusée
ouvre inéluctablement à un champ plus vaste" ?
[Victor]
† CHAUVEL
& ROUDAUT : Lunatiks (t. I, Sylvophobie), coll."
Conquistador", mars 1999 ; 48 p.
Quand commence un premier tome d'une BD, c'est un grand pari : intéresser
le lecteur et le mettre en haleine. L'histoire nous plonge ici dans un univers
qui mélange réel et paranormal. Jud, être mystérieux,
sorte d'ange, protecteur de Yuna, jeune fille
émancipée qui se voit hantée par des flashs dont elle
ne comprend pas la signification jusqu'au jour où Jud va lui éclaircir
bien des choses et de là, sa vie va s'en trouver bouleversée.
Ce tome nous fait passer un bon moment même si le tout manque un tantinet
d'originalité. Mais une chose est sûre, nous avons envie de savoir
ce qui va se passer et cela, c'est bon signe. Suite au prochain numéro...
DJ Popiste