INCRUST

 

 

"Quand le rock se déroule, il roule !". Cette déclaration de Michel Chevalet s'appliquerait en tout point à la façon dont j'achetai mon billet en prévente à la FNAC pour aller voir au squat de la rue de Malte ceux qui allaient être les futurs stars de demain dans l'avenir, à savoir les Incrust. Comment ceux-ci se sont-ils incrustés dans ma vie? Ce serait une chose vraiment délicate à expliquer. Surtout que cela ne s'est pas produit une fois mais une multitude. Un matin, par exemple, alors que je versais mon chocolat Poulain dans mon bol, je vois tomber quelque chose avec du paquet. "Tiens, un cadeau !", me dis-je. Que nenni! A y regarder de plus près, ce cadeau, si c'en était un, c'était un groupe de punk et ce groupe, c'était les Incrust. Plus tard, je me souviens aussi avoir pris ma douche et, cognant le cul de la bouteille de Dop pour récupérer un vieux fond, quelle ne fut pas ma surprise lorsque je vis, gluants mais entiers, s'extirper du flacon un batteur, une bassiste, un chanteur et un guitariste, qui n'étaient autres que... les Incrust eux-mêmes! Cela commença à m'intriguer. Mais bon, c'est comme tout, j'y pense et puis j'oublie, comme dirait Cloclo. Une semaine s'était écoulé et un soir que je faisais la queue comme tous les blaireaux devant le Planet Hollywood des Champs-Elysées, je m'aperçus qu'il me manquait du flouze pour pouvoir me faire arnaquer dans ce restau attrape-gogo. Bon, ben, direction le tire-louis alors, je pouvais pas faire autrement. Je tape mon code, je demande quatre cents balles et là, qu'est-ce que je vois, sur chacun des biffetons de cent qui sort, la tête d'un des membres d'Incrust à la place du père Eiffel! Ça alors! Je n'en revenais pas. Ne voulant pas toutefois faire grand cas de cet incident, je me rendis après le resto au Queen pour danser sur une dance house bien nase qui me convenait parfaitement. Hâbleur et au sourire colgate, je n'eus point de mal à lever une caille dont, une heure et demie plus tard, j'étalais les blonds cheveux vénitiens et le mètre quatre-vingts sur l'oreiller de mon lit design. Tandis que je l'entreprenais gaiement (je ne vous fais pas un tableau) et alors que nous parvenions à l'acmé de nos téméraires transports, je croisais son regard exalté et là, malheur, que vis-je comme image dans le fond de ses pupilles : les membres d'Incrust, deux dans chaque œil, en train de jouer leur zique, une reprise des Trotskids je crois, mais comme j'avais pas le son, je pourrais pas être affirmatif. Incroyable! Bref, que d'événements en peu de temps dans le cours terne de ma vie monotone! Ces gus-là, c'était vraiment les rois de l'incruste! Afin de résoudre ce mystère, il me les fallait absolument débusquer et percer tous leurs secrets afin de faire au grand jour la vérité éclater dans les pages du HAMS ! . Et voilà, mesdames, messieurs, le résultat de mes investigations. Gardez votre sang froid en tout cas car ne sont acceptés pour la lecture des lignes qui suivent que les pœcilothermes à l'exclusion des autres.
Victor

HAMS! : Question rituelle, pouvez-nous tout d'abord vous présenter ainsi que les diverses évolutions du personnel dans la formation?
Incrust : Anton (batterie) et James (gueulard mais pas agent de sécu...) jouent ensemble depuis deux ans : ils faisaient la tournée des crèches et des maternelles sur la ligne Mériel-L'Isle-Adam (Val d'Oise) avec comme répertoire comptines et berceuses. Cyril (basse au début et gratte maintenant) est arrivé il y a un an. Elodie (basse) s'est incrusté il y a six mois avec Croub (choriste de répète) et Claire (didjeridoo, photographe officielle)

HAMS! : Vu votre nom, n'avez-vous pas peur que l'on vous prenne pour un groupe de crust? D'ailleurs d'où vient ce sobriquet d'"Incrust"?
Incrust : Non, on n'a pas peur d'être pris pour un groupe de crust , de toutes façons, on n'a pas assez de piercings et de dreads de toutes les couleurs et on se lave (à peu près) tous les jours. Un soir on s'est incrusté sur le matos d'Ebola dans une super teuf keupon dans des grottes à Bougival (dans les Yvelines), organisée par les Troglodytes. On a joué dix minutes, les gens étaient plutôt réceptifs, à notre grande joie ; quelques bières plus tard, le nom d'Incrust nous est venu à l'esprit ainsi que le concept de l'incruste. Depuis ça, à chaque fois on essaie de s'incruster avec des groupes de potes et même des fois avec des gens qu'on connaît pas.

HAMS! : Vous venez en partie du Val-d'Oise. Pouvez-vous nous présenter la scène de votre coin, les autres groupes, les structures, etc.? [notamment votre festival de l'étang où feus les Mass devaient passer]
Incrust : On est potes avec Maximum Boycott et Ebola, Ethylic System (eux, ils sont du Val-de-Marne par contre). On connaît In Soula, Rot-K Péra, les ex-Pentaguns, les ex-@-sens-sur, Holidays, Garage Lopez (banlieue sud), avec qui on a déjà joué. Au niveau des structures, c'est souvent ces groupes-là ou certains de leurs membres qui organisent. Il y a des assos (Furia) sur Pontoise, la Luciole à Herblay ; le Val-d'Oise regorge de salles (MJC, bar, salles des fêtes) qui ne sont pas assez souvent, malheureusement, utilisées. Mais ça ne vaut pas des petits concerts sauvages à l'arrache ou dans des squats mais on n'en connaît pas dans le Val-d'Oise. Le festival dont tu parles, faut voir avec les Rot-K Péra, c'est eux qui organisent.

HAMS! : Avez-vous joué ailleurs qu'en région parisienne? Quels sont vos bons souvenirs de concert?
Incrust : On n'a jamais joué en dehors de la région parisienne. Bons souvenirs de concerts : avec Holidays (hardcore mélodique). On les connaissait pas, on s'est incrusté comme des crevards dans le rade en bas de chez James (notre chanteur) à L'Isle-Adam. On a joué devant des p'tits skaters qui bougeaient comme des malades. Deux semaines après, on a refait la même avec les gars de Holidays (qui font le Fiforzine, soit dit en passant). Sinon le squat à Répu, bon son, super accueil de la part des gens du squat et bonne fête.

HAMS! : Qu'avez-vous enregistré jusqu'à présent et qu'avez-vous en projet?
Incrust : On s'est seulement enregistré en répète. En projet : le Stade de France avec Lara Fabian en première partie et Ebola qui font nos roadies, soumis à nos moindres caprices !

HAMS! : De quoi parle votre chanson Fratricide (thème peu commun tout de même)? et Les Bas-Fonds ? (carrément bonne ; j'ai l'impression de l'avoir déjà entendue mais où...)
Incrust : [James] C'est un mélange de vie familiale et de tuerie. J'ai tué mes frères et sœurs. Les Bas-Fonds parlent de chômage, crise, galère. C'est vrai que le refrain ressemble à Fucking USA d'Exploited.

HAMS! : Quels sont vos groupes préférés (influences ou contemporains) ?
Incrust : [James] Patrick Bruel ; [Elodie] Templars, Teckels, Oxblood, Discipline, Bovver 96, Gundog. C'est ce que je préfère en ce moment ; [Anton] Bananes Métalliques, Ebola, Demented are go, Mad Sin, Nekromantix, Klingonz, les "spis" ; [Cyril] : les potes cités plus haut, sinon ça ratisse large dans tous les styles : oi!, punk, hardcore, psycho, ska, reggae. De One Way System à Minor Threat en passant par les Skatalites.

HAMS! : Vous évoquez les Trotskids dans votre show au Zénith. En quoi ces Rennais déjantés vous ont-ils marqués?
Incrust : On reprend Je ne veux pas être bronzé en hommage aux Trotskids : paroles marrantes sur les beaufs, les grosses mémères boutonneuses à la plage, ça fait penser à une BD de Margerin.

HAMS! : Question tirage de couverture à soi : lisez-vous des fanzines ou de la presse musicale?
Incrust : OK Magazine, Voici, Paris Match, Penthouse, Le Monde économique, Le Figaro, L'Entreprise. Sinon Vauriens, Karok, L'Oreille Cassée et maintenant HAMS!.

HAMS! : Plus sérieusement, êtes-vous pour les gens qui slament à partir d'une scène de 25 cm de haut et qui s'emparent toutes les deux minutes du micro pour dire : "Oi ! Oi ! City Baby, City Baby !"
Incrust : Oui, on est pour ces gens-là surtout quand c'est Bloody (un fan de GBH) et qu'il essaye de draguer les membres masculins du groupe. On votera tous pour lui aux prochaines élections, promis!

HAMS! : Pour vous, qu'est-ce que le punk actuellement? (je ne vous cacherai pas que je m'y perds moi-même puisque des tendances tel l'émocore m'apparaissent par exemple plus comme de la pop que du rock, alors quant au punk...) Vous retrouvez-vous dans l'éclatement de cette scène? Avez-vous des racines dans le rock plus généralement?
Incrust : Le punk, c'est surtout un état d'esprit, ça peut être aussi une dégaine. Mais parfois des gens pas "lookés" sont beaucoup plus punks qu'un type qui se la joue à celui qui aura la plus grande crête. Faire un zine, animer une émission de radio, organiser des concerts, faire un site web..., essayer de faire bouger les choses dans l'endroit où l'on vit sont autant d'attitudes que l'on peut qualifier de punk dans le sens positif du terme. Quant aux différentes étiquettes musicales : on aime ces tendances liées ou issues du punk : oi!, punk mélangé avec du ska, du hardcore. Au niveau du rock : ça dépend des membres du groupe mais pour citer quelques noms : Trust, Iggy Pop & the Stooges, Police...

HAMS! : Qu'évoquent pour vous le rap, le reggae-dub et la techno, puisque ça donne pas mal dans ces styles par chez vous?
Incrust : [James] Le reggae-dub pour les gros shoobangs à fumer ; [Elodie] Je m'en fous, j'en écoute pas ; [Anton] Il y a du bon dans tous ces styles, seulement il faut sélectionner ; [Cyril] La techno BEUARK!, ragga oui, reggae et ska oui, à donf, rap oui mais pas les daubes de NRJ et de M6. Premier NTM : mortel et aussi le premier Ministère Amer mais pas les trucs de Stomy et du Secteur Ä.

HAMS! : Ce n'est un secret pour personne que Paris a une capacité en salles de concert (et je ne parle pas des bars de nuit) dérisoire par rapport à sa taille et à sa renommée. Est-ce galère pour un groupe comme vous de pouvoir se faire entendre actuellement à Paname? (mais peut-être que je me trompe, vous n'êtes pas obligés d'être du même avis que moi).
Incrust : C'est vrai qu'à Paris, c'est galère, les bars sont réticents, font parfois des sales plans : annulation au dernier moment ou même pas une bière pour les zicos alors qu'ils sont bien contents quand ils s'en mettent plein les fouilles grâce au public qui consomme (au Gala Club à Jaurès, par exemple). Par contre vive le squat de République et ses habitants!

HAMS! : Vous avez, comme nous, appris le lundi 6 mars le suicide de Lolo Ferrari parce qu'on lui avait refusé la veille l'entrée du squat de la rue de Malte où elle voulait voir son groupe préféré, les dénommés Maximum B..., qui, eux, craignaient la déconcentration de leur chanteur. Que pensez-vous de ce fait divers sordide?
Incrust : T'es mal renseigné sur David des Maximum, son truc, c'est plutôt les petites Asiatiques... Non, la pauvre Lolo Ferrari selon nos sources a été éliminée car elle en savait trop sur le cigare de Bill Clinton, le bruit et l'odeur de Jacques Chirac.

HAMS! : Avez-vous une opinion sur la politique et l'engagement plus généralement?
Incrust : On a une chanson qui commence par "Politiciens, tous des tocards...". Comme le dit le groupe Assassin : "Si tu t'occupes pas de la politique, la politique s'occupe de toi !". Dans le style de musique qu'on joue, c'est toujours intéressant d'essayer de donner envie de s'amuser à ceux qui écoutent tout en faisant passer un message du style (ça va faire cliché...) : "A bas les fachos !". Oui à l'engagement contre la connerie (TF1, NRJ, Voici, Gala, Paris-Match, la liste serait trop longue...), outil bien utile pour formater les gens et en faire des moutons.

HAMS!: Morceau de la fin? (balancez ce que vous voulez, c'est libre à vous! Libre antenne sur Fun, vas-y, c'est moi Difool, balance le tél de ta cops qu'on se foute de sa gueule !)
Incrust : [Cyril] Longue vie à HAMS !, c'est super, on a enfin réussi à s'incruster dans un zine ! ; [James] Merci à tous ceux qui nous supportent ! ; [Elodie] Vive la musique et les concerts... ; [Antox] Salutations, adios amigos!

HAMS!: Adios ! Caramba !

[Je sortis alors de ma besace mon harmonica rouillé qui datait de la Guerre de Maximilien et, raclant un bout d'allumette sur un saguaro géant, tirai sur le cigarillo qui pendait entre mes lèvres encore humide de l'alcool de feu que ces peones avaient bien voulu m'abandonner en filant vers le Nord... Foi d'Hamsberry, ces Valoisiens méritaient bien une leçon mais, gosh, il me restait encore d'autres chacals à fouetter et je savais que la nuit serait longue avant que de pouvoir joindre ma compagnie sise dans le fond du XIVe arrondo. So, I'm a poor lonesome zineux, trying to gain time and lines to achieve a putain d'interview... The End].

 

 

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