Interview de R.I.P. K.C.

 

 

C'est dans une sierra espagnole qu'assoiffé tel un Blondin par une longue journée de marche dans la rocaille brûlante, j'aperçus au loin une vieille station-service devant laquelle un groupe d'individus semblait s'affairer. Plus près, je vis sous une enseigne "Garage RIP KC" qu'il réparait une voiture, une commerciale rare. Une Citroën Acadiane 1978. Des collectionneurs avisés sans nul doute, fis-je, j'espère au moins qu'ils auront un fond de cognac pour permettre à mon gosier de retrouver ses dispositions naturelles à l'écoulement. Hélas, ces petits lascars n'avaient que de la cervoise locale et de l'eau (pouah !) à m'offrir ; écœuré, je décidai de reprendre mon chemin vers le sud tel Harry Dean Stanton errant dans le désert depuis trop longtemps. Des années plus tard, alors qu'il gelait dans Madrid à pierre fendre, on s'est par hasard retrouvé un jour chez un cabaretier de ma connaissance, Miguel Gomez, je ne sais pas si ça vous dit quelque chose... On a parlé du temps qui passe, des femmes et de la chance qui tourne et qu'il nous faut saisir. Mais avant de partir, outre le fait qu'il faudra bien se couvrir car dehors je vais avoir si froid, je n'ai pas résisté à la tentation de poser à ces réparateurs automobiles quelques questions de mon acabit sur leurs activités. Il faut dire que j'ai toujours été passionné par les amateurs de caisses historiques. Comme ils faisaient de la musique de temps à autre, on en a parlé aussi. En plus, ces zigomars étaient pas bégueules pour ce qu'était d'utiliser la malpendue : j'en ai eu pour mon comptant ! Mais, écoutez plutôt :

 

HAMS ! : D'où vient votre nom à face d'acronyme (Reprends Immédiatement du Pâté, Kœchlin Charles ? Rassemblement d'Ivres Pochtrons Kenyans Cramés ? ) ? Quel est votre parcours (line-up, radio-crochets, bals à papa, GR20, etc) ?
RIP KC : Tout d'abord, c'est l'entretien le plus âpre que RIP KC ait eu à se coltiner. Les questions sont très intelligentes et difficiles pour ce qui est d'y répondre. Sinon, notre groupe s'est formé précisément à l'époque où le guitariste de Nirvana passa l'arme à gauche et nous trouvâmes ledit nom dans un article d'une revue que nous goûtions, cela parce qu'il sonnait bien. Nous n'étions toutefois ni contempteurs ni zélateurs de Nirvana. Nous avions à cette époque treize ou quatorze ans et fîmes alors l'impossible pour faire un groupe sans argent... comme aujourd'hui ! Ahahaaaaahaah ! ! ! ! [ils se tiennent les côtes]. Nous sommes très bons mais nous jouons telle une bande de foireux !

HAMS ! : Pourquoi remerciez-vous Burger King au dos de votre six-titres ?
RIP KC : Cette référence à Burger King est ironique. Chacun d'entre nous est contre ce type d'entreprise mais il faut dire que nous tous y déjeunons quelquefois car nous apprécions la sincérité, aussi remercions-nous Burger King pour ces merveilleux moments d'ingestion ordurière.

HAMS ! : Quelles sont vos principales influences ?
RIP KC : Nous sommes encore fort jeunes et nos goûts se sont bâtis sur des choses récentes. Nous avons commencé par écouter du punk espagnol très basique mais aujourd'hui, les goûts de RIP KC penchent avant tout vers le rock'n'roll des années soixante-dix. A l'heure actuelle, un de nos groupes préférés à nous tous qui sommes membres de RIP KC, c'est Gluecifer et nous nous délectons aussi beaucoup de Nebula et de Fu Manchu. RIP KC reconnaît comme rois du rock'n'roll : Motörhead, mais a découvert voici peu ses empereurs : Black Sabbath (pour leurs six premiers disques).

HAMS ! : Etes-vous issus de la scène espagnole punk-rock ou de celle du garage-rock'n'roll ? Sont-ce les mêmes ? Pouvez-vous les dépeindre ? Sont-elles importantes ?
RIP KC : En ce qui concerne la scène, nous pensons qu'elle est semblable en tous lieux. RIP KC n'est pas né de la scène punk-rock mais de la scène punk-oi !, qui est très fermée et n'apprécie guère la musique en général. Aujourd'hui, RIP KC s'est beaucoup éloigné de la scène punk-oi ! puisque cette scène se mine d'elle-même. Aucun groupe ne possède le feeling qu'a ou qu'avait Exploited, par exemple. Nous avons rencontré des problèmes à Madrid avec ce genre de personnes parce qu'elles sont trop renfermées. Quant au garage / rock'n'roll et au punk-rock, RIP KC possède de nombreux fans, mais bien plus chez les rockers. Nous avons aussi force supporteurs métalleux.

HAMS ! : Aimez-vous la salsa ?
RIP KC : Les seules sauces que nous apprécions sont le tabasco, la mayonnaise, le chile, etc. Ahaahhhhaahaahaahaaah ! ! ! ! ! [Leurs faces virent au rouge apoplectique et la fumée leur sort par les oreilles] Non, plus sérieusement, nous n'écoutons pas ce style de musique, elle ne nous touche pas l'âme.

HAMS ! : Sur le EP, vous êtes entourés sur les murs par des déesses peintes par Vélasquez et Murillo ? Affectionnez-vous particulièrement ce genre de peinture ?
RIP KC : Remarque bien opportune, nous prisons grandement l'art en effet, surtout le baroque et le rococo. RIP KC va toujours vent contraire : aujourd'hui, c'est la mode de s'afficher homosexuel ou lesbienne ; or, pour les membres de RIP KC, il n'est question que d'hétérosexualité radicale.

HAMS ! : La epoca tiranica semble faire référence à Franco. Quel regard portez-vous sur cette période ?
RIP KC : Cette époque fut très jolie pour ceux qui avaient de l'argent mais nos familles n'avaient pas de jonc et endurèrent mille tourments. Cependant, le thème de la chanson n'a aucun lien avec Franco mais avec des choses bien plus importantes et plus anciennes...

HAMS ! : Chanter en espagnol, est-ce une facilité pour se faire connaître à l'étranger (où les gens sont plus réceptifs à cette langue et à ces connotations festives et révolutionnaires ou chaleureuses) qu'au français ou au lituanien, par exemple ?
RIP KC : Peut-être que les Castillans sont plus réceptifs parce qu'ils connaissent plus mais, par malheur, nous croyons qu'il n'y a hélas aucune langue qui puisse se faire l'égal de l'anglais pour le rock. L'espagnol, c'est la langue idoine pour le flamenco7.

HAMS ! : Quels liens avez-vous avec Tout à Fond et Lola Product de Montpellier et avec la France en général ?
RIP KC : Des relations avec la France, oui, nous en avons parce que nous connaissons deux monstres du rock'n'roll : les créatures de Lola Products et de Speed Records.

HAMS !: A quel type de cinéma vous intéressez-vous ?
RIP KC : A vrai dire, nous ne sommes pas cinéphiles, chacun d'entre nous préfère les navets des années 80 (Rambo, Rocky, Conan). Nos acteurs favoris sont Nicolas Cage, Kevin Costner, Jacques Balutin, Bruce Willis, Robert De Niro, Stallone, Nicholson, etc. et nous adorons aussi les westerns-spaghetti à la Clint, le cinéma d'épouvante, d'humour et nous estimons hautement aussi le cinéma porno.

HAMS ! : Pour vous, qu'est-ce qu'être "rock'n'roll" ?
RIP KC : Cela signifie vivre pour et par lui, ça signifie délaisser l'école et le travail pour essayer de donner des concerts quoique parfois tu perdes dans l'affaire pécule et fiancées. Mais le rock'n'roll est plus important que tout ça et même que l'argent ! ! Ahahaaahhhaaahhaahhhaahhhaaahhhahah ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! [Ils vomissent leurs tripes à même le sol, éclaboussant les murs]

HAMS ! : Etes-vous pour l'enseignement obligatoire du gallego en Andalousie ?
RIP KC : Non, parce que l'Andalousie est un pays autre et différent de la Galice, leurs cultures sont très différentes et chacun aime à parler son propre idiome .

HAMS ! : Entre les Ramones et le football, quel est votre préféré ?
RIP KC : Nous élisons les Ramones bien que cela ait été très difficile de répondre...

HAMS ! : Comment avez-vous fait pour vous payer la belle automobile devant laquelle vous posez sur la photo ?
RIP KC : La voiture de la photo était abandonnée dans une station-pompe de Castille et León dans la province de León. Nous affectionnons beaucoup les autos et les motos ; si vous vouliez nous en faire don, nous vous en serions bien obligés. Mais nous possédons déjà une Ferrari, une Dodge Challenger 1972, une Lamborghini Diablo et une Ford Mustang 1969 en commun entre les associés de RIP KC. Ahahahohohohihihihiaahahhhahihanhihanahhhohohahhaahhaeurkahahihuahahaahahahyerkyerkahahahpoumtchakpoumtchakahaaahaah ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! [Ils se consument, explosent et se subliment, et malgré tout, chose incroyable comme vous allez pouvoir le constater, persistent à répondre à la dernière question]

HAMS ! : Tortilla et pouce-pied de la fin?
RIP KC : Après une vaste discussion, nous avons décidé de prononcer le mot "Merde !" comme mot de la fin . L'interview fut certes longue mais délicieuse, grand merci.

HAMS ! : Non, c'est nous qui vous remercions. Patron, cinq xérès, SVP ! A la vôtre les gars !
RIP KC : A la salud de usted, señor HAMS !
[Se emborrachan.]

Victor Hams (juillet 2000)

Sommaire