Against your system (Compilation CD Versus
Productions VS001 ; 2001 ; 64’ ; 24 t.)
Against your system mais avec un code-barre bien réel au verso
et le logo SACEM bien en évidence sur le disque, faudrait pas voir à
déconner non plus… ! A part que je n’aime pas trop la déco
générale du disque (un prédicateur antéchristique
et un cochon voleur qui se fait la malle avec l’oseille), l’ensemble
est tout de même d’un niveau particulièrement relevé
dans la scène punkcore & more. Voici ce que j’ai pu y récolter
d’intéressant (vas-y pour le catalogue Bricomarché) : dans
le registre grosse machine bourrine qui enfonce tout, on a les Américains
d’Unseen et de Sad
Boy Sinister, Teutons de Bonehouse,
les Grands-Bretons de Sick on the Bus (un must),
d’In the Shit et des Varukers,
les Français de Bacchus Temple Addicts (première
apparition au dikse pour ces vieux de la crête, intro métal et
en voiture le père Carlo !), de Hellraiser
et de Condkoï, les Belges de Funeral
Dress, les Suédois d’Avskum
et d’Uncurbed et les Brésiliens des
Ratos (le speech de fin du morceau rase un peu
toutefois); dans une veine plus légère s’illustrent les
Brioches de Névrotic Explosion (qui, avec
une putain d’assurance - cf. le break central -, reprennent le tube d’External
Menace Watch your drown) et les Nantais de Toxxic
TV. Beaucoup de beau linge comme vous avez pu le constater à la
lecture des lignes ci-dessus inscrites, cela ne signifie pas toujours qu’on
baigne dans l’excellence mais force est de constater que le résultat
est ici au rendez-vous. L’intérieur surprend par sa grande classe,
tout cela est vraiment du bon boulot. Un des événements (Télérama)
de l’année 2001 en matière de discographie punk.
[Victor]
Algolagnie / Porc Bleu
: Split LP (Split LP Maloka ; 2001 ; 45’ ; 6+ 6 = 12 t.)
J’ai acheté ce disque au concert de Porc
Bleu, le groupe qui m’a récemment mis à genoux. Commençons
par Algolagnie. C’est un hardcore déstabilisé,
rapide, cassé, bien joué et assez nuancé musicalement (au
point de tirer vers certaines ambiances noise ou émo). Le hic réside
dans le chant, qui m’a l’air d’être doublé. Hurlé,
exagéré, hardcoreux dans ce qu’il a de plus courant et de
moins mature, il ne cadre pas avec la musique, il fait trop facile et on ne
pénètre pas dedans. C’est dommage car le groupe carbure
instrumentalement. La prise de voix met en outre celle-ci comme en retrait mais
sans doute était-ce là volontaire. Dur de se prononcer sur une
telle musique, y a vraiment à prendre et à laisser, le problème
étant que c’est à chaque fois au sein du morceau même.
Pour Porc Bleu, je ne peux cacher une légère déception
par rapport à leur prestation live. Leur style, bien plus sec (du fait
aussi de la prise de son assez uniforme) mais toujours riche et très
travaillé, est une façon d’hybridation entre du hardcore
à la Liquid Laughter et du rock allemand
à la Can. C’est pas inintéressant
toutefois et certains titres percent le plafond, particulièrement le
second (Le Bâton) et le dernier (La Misère) qui
est quasiment tout du long instrumental. Ces deux titres bénéficient
également d’inserts de fond réussis de gens communs exaspérés
par la société et criant leur révolte . Autre titre bien
campé dans son ciboire, Crucifix avec un double chant (guitariste + bassiste)
parfaitement installé. Les textes en général demeurent
également de bonne qualité (Mention spéciale pour les paroles
du Crime et simplement pour cet autre titre de chanson : Brève
altération de la vie de Johnny Weissmuller, excellent, fallait le
dénicher !). L’illustration de cette grosse rondelle de vynil est
issue d’une fresque murale et sociale écossaise, le livret fait
dans le coupé-collé à l’anarchopunk. Le tout est
vraiment chouette. Plus je l’écoute, plus je l’apprécie
alors au final, je ne peux que vous le conseiller.
[Victor]
Appliance
: Six Modular Pieces (CD Mute Rds 724384948528 ; 2000 ; 30’ ;
6 t.)
Disons le tout net, les deux tiers du disque sont très bons quand le
dernier dégouline de sirop Calvin Klein (avec une voix qui lorgne chez
22-Pistepirkko,
groupe que j’apprécie aussi plus pour sa musique que pour son chanteur).
Ce qui se goûte : les instrumentaux. Une sorte d’ambient, instrumentale
donc, semblable à certains morceaux de Gerd
ou encore de Move D.. C’est langoureux, planant,
design, jouisseur (Derailleur King of Mountain) voire floydien (Slow
Roller). Si elle semble facile, une telle musique ne doit pas être
si simple à accomplir à sa juste mesure. L’habillage, qui
représente un mur de gros carreaux modernes beiges, comme une installation
contemporaine, est particulièrement taciturne mais congru. Un deuxième
album doit sortir (ou peut-être même l’est-il quand vous lirez
ceci).
[Victor]
Besak Dogz (Kanivo Chaos
/ Art Scénic Production ; 2001 ; 70’ ; 24t.)
La scène bisontine indépendante nous est ici proposée grâce
à l’initiative des Stéroïds
et accointés canins. Certains groupes sont déjà bien connus
(Stéroïds donc, Second Rate, Gargoïl)
et d’autres commencent à l’être (Fuel
Injekted Kids, Lystéria, Sang Humain). Bonne idée quoi
qu’il en soit que celle qui était de séparer les morceaux
de chaque groupe. Si le premier ne nous plaît pas, le second a sa chance.
Pour le contenu, ça va du grind à la pop. Un gros carton entre
Craft et Punish Yourself,
c’est Aside
from a day avec son Eyes of disgrace qui vous fouaille bien
les tripes de son hardcore-métal maxibreaké et ravageur. Broken
faces est plus classique et death mais bon également. Dans la même
mouvance, , on peut noter Skyward, brutal hardcore
avec refrains mélodiques dans un mélange qui vous tronçonne
habilement l’oreille. Plus spé mais bien vu aussi, Munkyposse,
au chant haleté sur fond musical toujours déstructuré.
Pas trop mal non plus le premier truc (Fantomas is coming soon) de
Red Stop Gringo où une rythmique rock bataille
contre un chanteur et des scratchs incessants. Idem pour le Nuclear Threat
de Fuel Injekted Kids, dont le punk-rock assure au-delà de la moyenne.
Le son d’ensemble qui m’a le plus botté va toutefois à
Lystéria et à son Hey toi qui rappelle Sleazy
Joke. Son saxo plaintif joue à plein dans le charme désespéré
qui émane de cette chanson punk Un morceau qui reste en tête longtemps
après… Cette compilation dont le livret est au passage fichtrement
bien réalisé, très professionnellement (même si découvrir
de qui sont les titres à l’arrière est un peu jeu de piste)
vaut donc que l’on y arrête ses portugaises et s’impose par
sa qualité d’ensemble comme la réponse de l’Est de
la France aux Breizh Disorder et Breizh Ardente remarquées
voici deux ans.
[Victor]
Bloodshed
: First bloodshed (CD démo ; 2000 ; 17’ ; 5t.)
Ce qui nous est là proposé n’est autre que du grind-core-métal
avec l’inénarrable voix purée Mousline et la batterie qui
tend souvent à l’imitation d’une batterie électronique.
C’est pas fulgurant d’originalité, un poil enregistré
trop bas mais le troisième morceau, After death bloodshed (arrêtons
toute cette poésie !), retient l’attention et sort du lot. Une
production tout à fait honnête, pour les aficionados du genre (même
s’il est vrai que ce ne sont en général pas les foules qui
se ruent sur ce style de musique … !).
[Victor]
Braindance
: Last man standing (45t. Combat Rock CR 042 ; 2000 ; 3 t. ; 9')
Pour leur dernier EP, les Anglais fameux sont ici plus proches de leur acide
et rapide Gentle Spirit que de leur autre veine, tout aussi bonne mais
vocalement plus grasse. Que dire sinon qu’ils terminent ici leur carrière
en beauté et auront été l’un des groupes punks les
plus marquants des années 90.
[Victor]
Cimtière Likid
: Pestez calme ! (CD Cimtière Likid ; 2000 ; 19 t. ; 29')
Ce groupe m’avait filé une grosse claque dans la tronche de mon
voisin quand je l’avais voui en concert voici un an, peu avant qu’il
ne splittât tel une vulgaire crêpe mal rattrapée. Leur couleur
sonore relève du punk dur ou du premier hardcore avec un chant quasi
parlé avec des mélodies basiques rapides et très fracturées.
Tout est chanté en français mais, chose pas si courante, cela
apporte un sacré plus puisqu’on captouille les paroles assez clairement
et que, point fort du groupe, les textes sont loin d’être connauds
et particulièrement bien écrivaillés dans le style. Les
thèmes parcourent en long en large en travers tous les gros sujets d’actualité
des dernières années, savoir Papon
l’approvisionneur SNCF, Elf les pompistes à fric, le chômedu,
le viol, l’internement psychiatrique, la faim, les femmes battues, la
révolte et la gent poulaillère matraqueuse, le fils à papa,
etc. Quant au livret, il est ornementée d’une manière très
poétique, avec beaucoup de clichés en hommage au grand photographe
Khan Harvey C., le disciple du célèbre
Anglais Drâh Jeff UK. . La couvrante représente
un homme torse poil et boots de ski poursuivant un verrat devant une centrale
nucléaire, ce qui a le mérite d’être originale. L’intérieur
est bien chiadé en tout cas (avec textes + habituelles tofs de soirées
et de campinges).
Un skeud qu’il est vraiment bien et que c’est dommage qu’il
y en ait pas plus que ça aujourd’hui dans l’ex-Zâgone
et dans l’ex-Yougoslavie .
[Victor]
Crash Normal / TV Killers
: The punk rock under the age (split 45 t. La Pont’Ach PA005
; 2000 ; 12’ ; 2 + 2 = 4 t.)
Deux groupes, deux sons assez différents. Crash
Normal, c’est du lo-fi pas trop fin, très oubliable. TV
Killers, normalement c’est génial. D’où mon
étonnement face à deux titres pas mauvais mais tout de même
assez plâtreux par rapport à ce dont les rockers garagistes bordelais
font habituellement montre. N’était la pochette psyché –
bart – ernest - bourriquet complètement jetée de Ray
Ahn, il ne resterait pour ainsi dire rien à garder de ce 45
t. sinon un court désappointement.
[Victor]
Cria Cuervos : Soap
Opera (CD Cria Cuervos Prod. Cria01 ; 2000 ; 28’ ; 9 t.)
Leur 4-titres démo m’avait plutôt bien plu. On retrouve la
fougue de ces trois banlieusardes (qui se la jouent trois drôles de dames
sur la pochette ) sur cet album et, en gros, ce qui me plaisait le moins sur
la démo, est aussi ce qui m’agrée le moins présentement,
notamment le chant convulsif sur les chansons en français avec des «
oooh » dans les chœurs sortis de westerns-spaghettaux. Les
meilleurs compositions sont celles qui utilisent l’anglais ou l’espagnol
(Purgatorio, Train ride, Playing God, Time to wake up, Nos somos nada).
Le son général est tout de même assez particulier pour pouvoir
appeler la comparaison avec autre chose en France (c’est du punk-rock
bien poussé avec un timbre de guitare parfois remarquable et beau –
notamment sur Purgatorio, Train Ride et Nos somos nada). Le
livret contient les paroles (féminisme, prison, torture animale demeurent
les principaux sujets illustrés) et un texte trilingue sur la condition
générale des femmes et l’enregistrement est tout à
fait correct .
[Victor]
La Dérive des Incontinents
: A la cave (CD autoprod. ; 2001 ; 28’ ; 16 t.)
C’est récemment qu’à la lecture du dernier Earquake
qui en parlait comme de la révélation punk de ce début
d’année que j’ai passé commande de ce disque maison,
qualificatif qui ici ne désigne en rien une mauvaise production, bien
au contraire, le son y est bien léché et rien n’y est étouffé
sinon dans le maëlstrom musical volontairement provoqué. Pour le
punk par contre, euh, comme qui dirait, ben, on repassera, hein, parce qu’il
n’en est pour ainsi dire pas du tout question (sauf sur Ma Ballerine
ou Totems, et encore appeler ça aujourd’hui « punk
», c’est, passez-moi l’expression, tiré par les cheveux).
Au mieux, ça tire vers la no-wave à la Joy
Division (Vlad, goth à souhait, plan guitare de Court
mais trash et l’instrumental La Dérive, meilleur
morceau de la galette). L’ensemble va toutefois chercher majoritairement
dans un rock début des années 80, genre Cyclope,
avec tout ce qu’il sous-entendait de pop, de chœurs synthétiques
et de cheveux brossés, gelés ou en pétard. Je suis par
contre là loin d’être convaincu par ce qui est présenté,
surtout par la première moitié du disque qui est vraiment quelconque
bien que dénotant dans ce qu’on entend habituellement du fait que
les années 80 ne sont plus jouées depuis quelques temps . Quant
aux textes, ils versent dans l’imagerie gothique, cacaboudin, guerre et
camps de la mort, malsains en quelque sorte. La pochette dessinée façon
crobards Bilal
ou Kerleroux est vraiment réussie mais les
textes écrits main à l’intérieur, accroche-toi pour
les lire si t’es épileptique. J’en reste quand même
sur ma faim (à cause d’Earquake en fait et non pas d’Emile
Louis, dit « Mimile Black&Decker », qui habite
à deux pas de chez le groupe avec Gui Roux).
[Victor]
Digital Smart Republic / Tekken
/ Tennis Bastard / les Maîtres Du Mal / Tekken
: Split-tape (K7 Vendredi 13 Rds 7002 ; 2000 ; 1h ; une brouettée de
t. )
Le premier groupe de cette split-tape-dans-tes-mains-t’auras-plus-chaud
répond au nom de DSR (Digital
Smart Republic) et pratique une new wave à synthétiseurs
sans vocaux directement issus du début des années 80. Ça
me plaît bien mais je suis partial car j’ai une tendre affection
pour ces chaudes années où je n’écoutais pas de musique
à part les jingles de Pierre
Belleflaque sur Europe 1 pour savoir
si mes vieux avaient gagné à « Allô Stop
». Ensuite vient Tekken qui donne dans le
crust-rock ou le tout ce qu’on veut, de toute façon le son est
tellement pourri qu’on n’y ouït goutte mais je ne sais pas
si c’est le but réel de l’opération. A la fin de cette
première face, un bonus nous est offert en la personne de Cage
à Googoo, ce groupe qui représentait alors – j’avais
huit-neuf ans et élevait des papyrus à l’école avec
les autres galoupiots du CE2 - la musique la plus violente qui soit quand je
le voyais à CHAMPS-ELYSEES entre Claude
Barzotti et Jean Schultès.
Il pleuvait des cordes sur Brest ce jour-là, souviens-toi Barbara,
et quand tu enclenchas l’auto-reversoi, la cassette alors nous diffusa…
Tennis Bastard. Alors la portièroi, je claquois
et toute seule je te laissa, épanouie, ruisselante, les oreilles explosoies.
En effet, Tennis Bastard, toujours muni du fameux son « VENDREDI 13
– zi label » (i.e. tu mets ta chaîne sur volume 20 pour
commencer à entendre quelque chose derrière le souffle, eh les
gars, Tennis Bastard existe, je l’ai rencontré !), diffuse un crust
as vagissement dans la grande lignée des morceaux d’une minute
montre en main. Les trois-quarts restants de la face B sont consacrés
aux Maîtres Du Mal, groupe de rock, punk
77 dans la veine Métal Urbain (je crois
que pour une fois et bien qu’il n’y ait de boîte à
rythme présente, la filiation n’est pas forcément usurpée).
C’est plutôt pas mal, brouillon mais quelque peu original et les
morceaux de fin (celui sur la Bière et l’autre sur Satan, mon pote
qui joue au bab avec moi) valent le détour. La couverture qui se pare
d’une sorte de saint Sébastien fléché
est pour sa part réussie, malgré que les multiples pochettes intérieures
foutent le bronx là-dedans plus qu’autre chose. Vu le bas prix,
encore une fois, il serait pour conclure inutile de se priver de cette split
K7 légendaire dans son HLM des bords de la Garonne.
[Victor]
Eis : Eis (CD
513 / Bleu Rds OO4 / Sauf Imprévu ; 2001 ; 17’ ; 5 t.)
Perdu dans les méandres footballistiques d’un championnat pourri,
Saint-Etienne peut en dernier recours jeter son dévolu sur le dernier
rejeton de sa scène noise, Eis. Très
habiles, techniquement, ces quatre gaillards construisent fort bien leurs morceaux
et le tout passe sans problème. La mièvrerie et la cucuterie qui
découlent souvent de cette musique associée aux affres existentielles
de l’adolescence n’apparaissent aucunement ici et le fait que l’on
distingue vraiment mal les paroles en français du chanteur, qui hurle
d’une voix jeunette entre Aubert
et Arno,
n’est pas pour aller à l’encontre. Les samples et scratchs
fort fins nappent et rayent à souhait certains des morceaux (d’aucuns
m’ont rappelé le « P » de Portishead)
et l’intro de I & Me avec une basse pétante et prenante
souligne un savoir-faire qui devrait s’imposer, bien loin devant des groupes
comme Virago ou Eduskate.
Une réussite.
[Victor]
Les Excités
: Toujours là et encore pire ! (CD Picolo Rds ; 2000 ; 51’
; 12 t.)
Ce groupe du Loiret est l’un des plus intéressants du punk-rock
aujourd’hui par la variété de sa musique. Alors que les
photos de teuf en tout genre qui ornent la pochette intérieure laisseraient
présager un groupe bourrin ou pouëtpouëtcamembert , l’écoute
du disque remet tout de suite sur les rails. Déjà les textes sont
vraiment bien léchés bien que traitant de thèmes rebattus
car évidents (antifascisme, antisocial, galère, etc) dans la scène
alternative. Mais surtout la musique change souvent (cf. L’ennemi
du peuple) et le combo bénéficie d’un guitariste qu’a
pas les deux mains dans la même poche. Il aligne les plans hard-rock 80
ou death au milieu d’une mélodie punk-rock comme d’autres
enfilent des perles. Le chant relève plus du punk-rock ou de l’alterno
et sur certaines chansons fait même penser à OTH.
Deux de leurs compositions relèvent en outre d’un ska-rock hybride
bien chiadé (Ska sex it, excellente et Changeons c’bordel).
De ces douze titres, Prends un flingue est un sacré brûlot
(avec un halètement en chœur super bien senti), En France, Love
Song et L’Ennemi du peuple dégomment aussi et, feuille
de rose sur le gâteau, le morceau intitulé Tendresse est
une comptine érotique tout ce qui a de mignonnet. Quoi dire de plus sinon
que ce CD est pour l’amateur de bonne zique un CD à poCD .
[Victor]
Fast Forward : Public
disorder (CD Mafia Underground / Moloko + 043 ; 2001 ; 57’ ; 14 t.)
Bien à sa place dans le royaume du hardore-technoindus, Fast
Forward déchiquette l’auditeur en quatorze plages brutales,
rapides où les machines hurlent sous les coups. A fond dans la techno-hardcore
et sous influence ministryenne, tavelée de petites intros filmiques aux
oignons, la maestria de ce groupe colle l’auditeur à son siège,
tout est subtilement bon et brutal, même le Der Mussolini, reprise
de D.A.F. qu’ils ont mis en avant (compile
Darkside) et que je trouve un tantinet
plus faiblard que le reste. Un reste de haute tenue, loin d’être
facile et aux origines multiples et qui ne laisse pas de faire penser à
des piliers du genre comme le (Re)manufacture de Fear
Factory. On a même le Police & Thieve de Junior
Murvin passé à la brutale moulinette (… The law
won), derrière les lueurs des gyrophares flics. Et la Jamaïque
versant ragga est aussi à l’honneur de la plage indus puis techno
suivante (Big Dick man). La dernière plage, remix dub par Herbst
in Peking, très légère, achève de convaincre
sur la qualité de cet ensemble.
On remarquera enfin la classe de la présentation soignée au possible
(à commencer par la superbe photo d’une sorte de commando moyen-oriental
à l’entraînement de tir) aux teintes noires, grises et dorées
de ce disque bien imaginatif et captivant.
[Victor]
Fast Times : Counting Down (CD Age of Venus AOV 004 ; 2000 ; 28’ ; 17 t.) Si vous comparez le nombre de titres et le minutage, vous vous doutez bien que c’est pas Philippe Castelli qu’est derrière le micro. Du speed, encore du speed, toujours du speed, voilà le trait majeur de ce disque des Américains de Fast Times, emmenée par une chanteuse hargneuse et accrocheuse. On ne peut pas dire que la variété soit la qualité majeure de ce disque, les plages se ressemblant assez souvent. La veine, c’est du punk-core à l’américaine avec légère intro guitare ou basse et envoie la sauce. La chanteuse change assez aisément de registre (calme / agressive) sans tomber dans le caricatural. Ça cartonne bien en tout cas et certaines compos peuvent être qualifiées de fort abouties (General’s warning, Squeal like a pig). C’est classique musicalement mais dans le bon sens du terme et la définition sonore a un rendu impeccable. Un bon disque pour tout amateur de punk et de hardcore, qui plus est visuellement particulièrement léché et réussi (un système bioméchanique strié de capillaires artériels et veineux).
[Victor]
Forehead : Out (definitely
unfashionable…) (CD Day by Day Rds 002 ; 2000 ; 37’ ; 10 t.)
Grosse surprise à l’écoute de ces Havrais qui ont le rock
aux tripes, j’ai trouvé presque tout cet album excellent. Une musique
bien énervée aux lisières du punk, du garage et du hardcore
mélodique ou de la ballade pop mais sans jamais y tomber réellement
et surtout pas s’y vautrer ce qui permet au groupe de garder une densité
énergétique impressionnante. Certains morceaux (Bitch (of
a life)) vont même carrément chercher du côté
des Young Gods avec une voix du chanteur qui y
lorgne. Tout est chanté en anglais et parlent avant tout de politique
(ya un hommage aux Thugs via une chanson sur le
film Reprise d’Hervé Leroux
qui était centré sur une femme sortie du rang -au propre et au
figuré- lors de la grève aux usines Wonder à la fin des
années 60) et de façon d’être mais l’ensemble
n’est pas ronflant et on peut y déceler même de l’humour
(l’allusion musicale à Elli Medeiros
sur Fucked up). La présentation visuelle, efficace et bien gaulée,
tire large puisqu’elle va d’une pub 50’s américaine
(style Le voyage de Félicia) aux graffitis des luttes sur les
docks de la cité de Ruffenach et Duroméa.
C’est fin et rock’n’roll, avec une guitare parfois funky,
c’est varié, rock et riche, de la balle, quoi ! Une réussite
de part en part et qui promet.
[Victor]
France-Québec (Round 2)
(Split EP Rural Muzik RM008 ; 2001 ; 12’ ; 2 + 2 = 4t.)
Deuxième round pour l’équipe de RURAL,
ces phacos boit-sans-soif milliardaires fans de Charles
Trénet. Première face, québécoise : Locos,
dont une interviou dans Punk System m’avait
mis à l’eau à la bouche. Eh bien, je dois dire que cette
écoute me l’a retirée car je n’ai pas du tout accroché.
Il faut dire à la décharge du groupe que je m’attendais
à un truc genre Bons
à Rien avec le gros accent excellent. Là, ya pas d’accent
et à la place c’est du hardcore triste et pas violent à
la française avec textes sans fin où on cherche désespérément
la porte d’entrée. Pour Malaka, ça
passe mieux- c’est du punk-rock français assez teigneux - mais
tout ça n’est pas à sauter au plafond non plus. La pochette,
bien flashante tout de rouge qu’elle est habillée, a un côté
très alterno avec une souris de bd qui fait une prise à un micro.
J’avais mieux aimé le premier volume, plus varié et musicalement
meilleur, quoique par son son cela péchât plus.
[Victor]
Four Monstrous Nuclear Stockpiles
: Give peace a chance (CD Panx PP059 ; 2000
; 19’ ; 10 t.)
Etonnante lenteur de la part de cet ensemble dans la droite ligne seventies
du Third de Soft Machine, et qui ose mêler
à son rock progressif calme une ambient extrêmement éthérée
qui rajoute un soupçon de modernité à une vision conceptuelle
de sa musique… Comment ça tu m’as cru ? Eh bien t’as
eu tort et t’es pas prêt de recommencer, c’est moi qui te
le dis. Déjà, j’eusse été ta vile personne,
j’aurais zieuté primo le minutage : 19 minutes, c’est soit
un album de speed, soit deux albums de grinddeathcore, soit le début
de l’intro du premier morceau du groupe de Robert
Wyatt. Dix titres deuzio, c’est soit un album de speed (au hasard
: Four Monstruous Nuclear Stockpiles), soit le
triple voire le décuple du nombre de morceaux d’un album de rock
conceptuel. Tertio, t’aurais dû savoir que c’t alboum des
FMNS est dans la droite ligne de l’ancêtre des Dis-bands, j’ai
nommé Castafiore Bazooka. Tout à
donf sur une minute trente et on n’en parle plus, sans tomber dans le
crust toutefois, je te rassure, on n’est pas des sauvages, on reste calme
et on boit frais. Quatrio, un titre comme : Q : …and grannies ? ;
A : …and grannies ? aurait dû te mettre la puce à l’oreille,
par sa référence aux marchands de pomme. Napalm’n Death
pour sa part fait penser à je ne sais plus qui, c’est pas évident
à trouver non plus, je m’appelle pas Petit Larousse. Cinquio,
PANSQUE est un label de variétés
placé sous le haut patronage de Pascal… Sevran,
célèbre animateur télévisuel. Sixio, ce dikse a
de la goule et c’est bibi qui te le dis ! Quand tu vois le petit mix tècheno
que ces margoulins t’ont concocté en guise de sortez vos mouchoirs,
t’en restes comme un poulet de batterie balancé par-dessus les
grilles de la Préfecture, sur le fondement et explosé. Septio,
c’est chez PANSQUE et facilement disponible alors qu’est-ce qu’on
dit au monsieur ? Merci et mézigue, je dégaine les battoirs et
j’applaudis à une galette commace ; maintenant, toi tu fais comme
moi, comme un grand, tu vois, toi aussi, tu peux le faire d’être
gentil, suffit d’écouter les choses avec délicatesse, retenue
et d’une oreille altière et affûtée. C’est tout
simple et c’est ainsi que, comme le chantonnent les Four Monstruous Nuclear
Stockpiles, on pourra peut-être un jour « give peace une chance
», ainsi qu’on causions en rosbif.
[Victor]
Garage Lopez : Barka
! (CD Dialektik Rds ; 2000 ; 27’ ; 12 t.)
Avec retard, je chronique cet album des Lopez mais il n’est jamais trop
tard pour faire le bien. En l’occurrence, du bien j’en ai pris ma
dose dans le paco avec cet album de la famille Lopez puisque les gars de l’Essonne
ont passé la vitesse supérieur par rapport à leur Que
d’la gueule précédent. On commence avec une sorte de
parodie techno que j’apprécie au premier degré toutefois
(eh bé !). Mais c’est surtout leurs morceaux de rock énergique
pur jus et pur tout ce qu’on peut mettre derrière ce cliché
surusé. Efficacité, top crédibilité. Des textes
directs et bien calibrés, de l’humour (Tout l’amour que
j’ai pour toi fait carrément penser à du Jean
Yanne), du sentiment (j’accroche un peu moins là style Je
n’ai rien demandé), de l’agressivité et de la solidarité,
tout le rock’n’roll est là et mes préférences
vont au Même soleil, Ouvrier, Rock this place, Surfin Sex. Et
encore, tout cela n’est qu’un reflet de ce dont ils sont capable
sur scène pour ravager le public de contentement explosif. Du nanan !
[Victor]
Gasolheads / Dialtones
: Fresh fruits for rockin’ vegetables (split EP Lollipop Rds
Lolli15; 2000 ; 10’ ; 2+2 = 4 t.)
LOLLIPOP est vraiment le roi pour ce qui est des
couvertures les plus belles et senties qui soient. C’est rare d’en
trouver qui reflète aussi bien la musique à l’intérieur.
Elle est dessinée par un certain Mezzo auquel
on ne puit qu’adresser compliments pour la belle ouvrage accomplie. Face
A, ce sont les Dialtones qui s’y collent
et que je connais pas, avec des patronymes à venir de Suède ou
de Norvège. Si Baby volatile est assez passe-partout dans le
genre, Riot ! est un instrumental garage qui vaut par contre son pesant
de bastos dans le buffet. Pour les Gasolheads,
leur musique de sauvage m’a bien dégommé, notamment It
sounds like headache. Ce garage-punk brutal est autrement plus percutant
que les titres qu’ils avaient commis dans leur split EP avec Exxon
Valdez l’an passé. Le second titre, Love your police,
fait penser à leurs collègues parisiens des Defenestrors.
What a pêche, my aïeux !
[Victor]
Guet-Apens
: Je ne fais que passer (EP Crânes Blasés CB11 ; 2000
; 10’ ; 3 t.)
Voilà un EP skin vraiment commun. La musique donne dans le punk-rock
ou streetpunk (Adversité, le meilleur des trois titres), les
textes sont banals dans ce style (amitié, fierté, camaraderie,
à bas les rave-parties avec ces hippies qui prennent de la dreueueeugue)
et, comment dirais-je, carrément pas dans mon optique … Mention
spéciale par contre pour la pochette (une Betty
Page abandonnée au harcèlement des vigoureux chasseurs
de la tribu des Cannibales), très garage et fort bien dessinée.
[Victor]
I’m Half-Divine
: Winter class (CD Onival Musique ; 2000 ; 47’ ; 14 t.)
Pour certains, le futur de la musique oscille entre Nicolas
Peyrac et Mike
Brandt ; c’est le cas d’Im Half-Divine.
Une vision des choses que j’ai pour tout dire un peu de mal à partager
et beaucoup de facilité à rejeter en bloc. Ce Français
(Alsace et Nièvre) chante accompagnée d’une guitare sèche,
d’un violoncelle et d’une huitaine d’autres instruments. Cela
rappelle musicalement parfois Théophile Minuit
mais pas forcément en mieux (c’est dire…). Le dernier titre
est une chanson bonus mais qui dit bonus ne dit pas systématiquement
cadeau. Sans doute pour sonner Byrds ou Beatles,
toutes les paroles ont été écrites en anglais et si l’intention
est louable, le résultat l’est nettement moins. A-t-il honte, ce
chanteur, de ces textes au point de ne pas en passer un français (et
vu la vitesse d’élocution du genre, il n’a pas l’excuse
à deux francs qu’ont les groupes speeds français anglophones)
? Seule la pochette (un bonhomme en tige cuivrée de bouchon de champagne
sur fond d’éparses goutte d’eau bleu gris) est à relever
de ce disque pour moi totalement imbuvable.
[Victor]
Hellsuckers : Our aim is to run with the devil
(CD M.A.C. Prod ; 2000 ; 12’ ; 4 t.)
Garage punk over all, telle semble être la devise de ces suceurs de l’enfer
alsacos. Quatre titres, quatre torches vives, petits effets de voix (Kick
the duster), appels internes (« Hellsuckers ! ») comme
à l’époque du rock le plus flamboyant, légère
touche psycho (Phantom creeps), paroles collées de sueur et
de cambouis par la chaleur du diable, enregistrement particulièrement
nickel, bref, tout y est pour un délice auditif entier et brûlant.
On dit souvent que la France a des garagistes reconnus dans le monde entier
mais ces gars-là (qui ont déjà joué au Japon) ne
font qu’accentuer cette idée. Un top.
[Victor]
Ikss : Les Mirages
(CD Birdy Music Prod . ; 2001 ; 13’ ; 5 t.)
Nous naviguons ici dans la chanson à boire pop à la Miossec,
avec guitare acoustique et accélération progressive du rythme.
Les textes, très compréhensibles, hélas pour eux…
Sans compter que le chanteur n’est pas le roi des rossignols. La musique
par contre passe deux fois la rampe (Le Clown, Les Mirages). Déjà
que je trouvais Miossec fort mauvais et surfait... Or Ikss,
c’est du Miossec approximatif. Sauriez-vous alors trouver à quel
point j’ai apprécié ce CD ?
[Victor]
Ironix : Huma Frenezo
(CD Dynamite Rds FLAFF001 ; 2001 ; 13’ ; 6 t.)
Belle pochette pour cette première prod. de Dynamite
(une R11 en feu) avec un titre en espéranto. Ironix
était (ils se sont éteints) un ensemble qu’on avait déjà
pu apprécier sur compiles et dans le France-Québec round 1
de Rural Pochtrons Rds. Là encore Ironix
tient la route musicalement . Morceaux carrés, très rapides, intros
de basse, bien accentués au refrain, guitares aiguës hurlantes,
seul le chant aurait mérité plus d’articulation (même
avec le texte sous les yeux, je ne comprends pas ce que le gars chante et ce
n’est pourtant pas hurlé à la grinddeath ) L’inspiration
textuelle est ici puisée dans l’accoutumance médicale, le
refus des punks-cloches, l’humanité malfaisante et l’exploitation
(reprise de Defiance). Ce n’est pas un groupe
profondément original mais ce qu’ils commettent est bien fait et
s’écoute sans effort et sans lassitude. Les morceaux qui m’ont
le plus plu sont Utopie du sort et sa longue partie instrumentale ainsi
que la reprise. J’ai bien aimé pour finir la mention «
No Copyright » écrite en gros et qui nous change de la courante
rébellion codebarrisée par la SACEM et autres vampires du genre.
[Victor]
J’aurais voulu :
Au-dedans de toi (CD Trauma Social / Limolife Rds LLR013 ; 2001 ; 47’
; 17 t.)
Pas très étonnant que les Colmariens de J’aurais
voulu sorte sur ces deux labels punk-rocks français tant les trois
se correspondent. Je n’ai pas accroché pour ainsi dire à
tout le disque, principalement à cause de la diction du chanteur que
je trouve vue et revue et peu originale. C’est aussi assez classique musicalement
(punk-rock qualité française à pointes mélodiques)
mais c’est bien exécuté et ç’a un indéniable
mordant. Les textes, pour le moins sombres, parlent de la xénophobie,
de la misère, de l’abrutissement social, de la dope, de la fausse
justice et de l’incompréhension. Le titre général
du disque demeure à cet égard assez étonnant. Certaines
compositions sont des reprises de leurs chansons précédentes (J’aurais
voulu, Image interposée, Enfants du béton). Le livret, noir
et blanc avec écriture blanche et puce, colle bien à la musique
et est assez réussi, de même que sa pochette. Difficile pour moi
donc de donner un jugement sur un tel ensemble puisque d’emblée
je n’y suis pas rentré ; si vous connaissez les deux labels incriminés,
c’est dans la droite ligne de leurs goûts, qui ne sont toutefois
pas les miens car il faut de tout pour faire un monde, c’est vrai, comme
il est dit dans le générique d’Arnold & Willy,
le bien connu.
[Victor]
Kamizol : Au
doigt et à l’oeil (CD Skalopards Anonymes / Kamprod.
Skalokam01 ; 2000 ; 20’ ; 9 t.)
Avec Kamizol, c’est du côté
des Tagada Jones qu’il faut regarder pour
grosso modo situer leur musique. Ils pratiquent eux aussi un punk-métal
pas totalement violent avec double chant en français proche de la fusion.
L’inspiration des textes est similaire, c’est-à-dire étroitement
lié aux sujets d’actualité (scandales et dérèglement
à la Soleil Vert de notre société ). Si je n’aime
pas beaucoup la musique tagadesque, j’apprécie un peu plus celle
de Kamizol, légèrement moins froide. Elle passe de plus mieux
sur disque que sur scène et est moins brouillonne cette fois que sur
leur opus précédent. Le meilleur des neuf titres est le remix
techno-indus final (Encore bravo), bien trempé dans le gros
son et la sciure de tronçonneuse. La présentation générale
du disque, pour n’être pas au premier coup d’œil attirante,
au départ, est finalement réussie et chouette (mélange
de peintures, dessins et photographies). Un disque correct, dommage qu’il
ne parvienne pas au niveau de leur fort bon titre de la compilation skaloparde
On achève bien Status Quo / Tiercé du siècle,
qui cartonnait sur les champs du course voici deux ans.
[Victor]
Koda : Silicium 235
(CD Fraktion Basik n°133 ; 2000 ; 74’ ; 10 t.)
Koda est cet artiste béarnais qui oeuvre
dans l’électro-indus DIY à 150% et nous sort des fours du
matériau qui n’a rien à envier aux gens qui se font de la
thunasse en bidouillant à l’identique. Pour en parler, je préfère
une progression linéaire car le disque s’appréhende assez
difficilement dans sa globalité.
Dès la première plage, on est dans un univers maxiindustriel où
les machines-outils s’en donnent à coeur joie et emballent l’auditeur.
Passons sur la 2, plus anecdotique, et occupons-nous de Basik Night / Blue
Historia, plage la plus étendue de la galette (23’), n’a
pas hélas d’unité et c’est dommage car elle est fort
riche d’ambiances, de violoncelles rappelant Nyman
au début à des synthés goth-newwave qui passent dans une
envolée à la Hisaichi que des blancs
entrecoupent pour redémarrer sur une rytmique groovy bien boostante et
extrêmement bien menée mais qui s’achève dans un silence
mal négocié. Au contraire, Air Kod! qui se remarque lui
aussi par son longueur (18’) est nettement plus cohérente et dépeint
une sorte de chute sans fin dans un puit industriel, piquetée de percussions
chaudes et variées et d’un leitmotiv mat et bulleux bien trouvé.
Leitmotiv 235 s’entame quant à lui par une sensation de
REW et se poursuit par un mécanisme caoutchouteux bien lancé que
rien n’arrête sauf les cymbales finales. Break 133 est
un interlude inconsistant de quelques secondes. Idem pour Mini Mal Ist.
Retour à l’indus et aux stridences alarmées de l’usine
lors de Midi Minuit, (hommage à Losfeld
et à la fameuse revue ?) impressions rotatives et presque laibachiennes
(wouf !) qui s’achève sur une relance étrange. L’avant-dernier
morceau (NoMized Thanx) est enfin un crescendo léger d’une
corde de basse électronique qui s’atténue dans le dernier
tiers, fin là encore annoncée par des percussions acoustiques.
Pour l’ultime plage nommée Nada Komplot, je reste circonspect
car elle se morfond dans le quasi silence, ce dont l’intérêt
m’échappe. Quoi qu’il en soit, c’est un disque fort
riche que ce dernier, jamais ennuyeux même si sa structuration et sa cohésion
d’ensemble demandent à être améliorées. D’un
bon esprit achevé, ce genre de productions mérite que vous vous
y arrêtiez et y passiez un ardent moment tant il est d’écoute
appréciable et d’un prix ô combien peu prohibitif de surcroît.
[Victor]
Lágrimas de miedo
(Compilation CD Fear Drop 007 ; 2000 ; 67’ ; 10 t.)
Voici l’annuelle compile que livre à chaque parution le luxueux
fanzine électronique Fear Drop
. Les deux premières plages sont consacrées à de l’indus-ambient
et sont l’œuvre d’Imagho et de
Final (=Justin Broadrick).
Ce genre de musique me laisse ici carrément sur ma faim par sa facilité
(nappes sonores + rythmique indus crescendo/descrescendo) . Idem pour Denis
Frajerman (électro-jazz pour hall de gare) et Steve
Roden (encore un bon celui-là, qui racle un agglo avec une truelle
pendant sept minutes, il est gentil le monsieur… ). Les meilleures plages
sont à mon sens Vromb et son Source
e.g, ainsi que Silk Saw (Houseman),
qui fait évoluer de lourdes machines ronflantes dans des confins à
l’évanescence psychédélique. Tribes
of Neurot fait pour sa part penser à la musique lancinante et
angoissante de Badalamenti
pour la série Twin Peaks, en un peu moins bon tout de même.
Pour conclure, on a droit à un morceau électro-indus assez léger,
avec des sonorités de gamelan (Spher). Moins
diversifiées stylistiquement que les deux autres que j’ai à
ce jour entendues, ces « Larmes d’effroi » sont néanmoins
un bon panorama de la musique électronique « populaire »
la moins courue et la plus recherchée.
[Victor]
Lutèce Borgia
: Démo (CD démo ; 2000 ; 27’ ; 9 t.)
Après les Teckels, Lutèce
Borgia est vraiment le groupe français punk-rock/streetpunk qui
a le feeling avec le style le plus poussé actuellement. Cette démo
date d’il y a presque un an et aux dernières nouvelles, ya eu du
mouvement dans le laïneupe puisque le bassiste est un nouveau bassiste.
Il n’en reste pas moins que cette démo s’écoute d’une
traite extrêmement facilement tant la musique est légère
et entraînante. Instru (reggaeïsant), In the Park
ou Dans la boue (à l’irlandaise), Sténodactylo
se sifflent à peine entamés. Les paroles sont plutôt bien
écrites, la guitare a un son début 80’s qui pète
bien (That’s yer lot, In the Park, No Money) et les voix sont
fraîches, un rien rocailleuse pour le chanteur, rien à redire,
tout passe aisément (y compris le dépliant photo intérieur),
c’est déjà la classe et je dis bravo. On a donc fort hâte
à voir ce que tout ça va donner dans un temps proche puisqu’il
me semble qu’il devrait y avoir de la nouveauté dans l’air
sur Paname…
[Victor]
Mike Hey No More
: Pictures of Mike Hey (CD / CDRom MHF 001 ; 2000 ; 43’ ; 13
t.)
Ce CD/CD-Rom conceptuel est l’un des plus beaux sortis cette année.
Le groupe a un son extrêmement particulier qui va du garage au rock de
camionneur ricain à la Springsteen (pas
trop ma tasse de café allongé à vrai dire). L’intérêt
est qu’ils sont parfois capables de fulgurances qui prennent l’auditeur
entre quatre zyeux, tels Battling Siki (déjà présent
sur la compile TOUT A FOND) ou Sexy
Bâh Bâr, on est à fond dans la mythologie garage. Les
deux dernières plages sont des remixes électro bien cartons, au
rythme lent, hypnotique et chaud (notamment Geisha aveugle). En outre,
la galette est visible sur ordinateur et propose une illustration en de magnifiques
dessins de chaque chanson, sensée représenter la vie possible
d’un chansonnier bourlingueur américain nommé Mike
Hey et qui vécut dans la première partie de ce siècle.
Même si on peut ne pas accrocher à toute la musique, c’est
un bel objet que celui-ci, fort soigné et inimitable. Chapeau à
ces Montpelliérains pour un tel boulot !
[Victor]
Morgue / Last Days of Humanity
: Splitted up for better digestion (EP Evil Bikers Rds ; 2000
; ’ ; 2 + 4 = 6t.)
Si tu aimes entendre ton lavabo se déboucher ou le chant de l’ours
polaire au fond des bois (tu peux l’imaginer du moins), ce disque est
fait pour toi. C’est du pornogrind avec toute la purulence que cela implique,
des paroles écrite par l’Homme de Cromagnon lui-même (un
soir qu’il était bourré ). Je me marre, je me marre mais
il n’empêche que je trouve que pour les Gardois de Morgue
, ça le fait plutôt bien (notamment le début de Remains
in the rubbish chute et la totalité de Deflesh the genitals
) et l’ambiance passe comme une balle dans le cervelet. Pour LDOH
qui viennent du pays des tulipes, l’univers est plus trash et convenu,
sauf Lugubrious genital miscreation, assez proche par son extrêmisme
de la frontière industrielle et par là plus original et réussi.
Une goregalette plutôt saignante et ma foi tout à fait ingérable.
[Victor]
Mozerhate / Special Agent Mulder
Knows : Ungrateful life (split K7 Pipo Prod.
; 2000 ; 10 + 15 = 25’ ; 8 +12 = 20 t.)
Deux faces, deux styles aussi différents que le bleu indigo et le violet
indigo les jours de pleine lune. Comment définir la façon de jouer
la musique de Mozerhate ? C’est un crust-punk
racé comme un chien bâtard, assez classique mais il existe un titre,
Africa, qui tire son épingle du jeu. Bien vu. On retourne la
cassette et là, que zieute-t-on ? Pas grand chose parce que ya un con
qu’a éteint la lumière et qu’il fait noir maintenant.
Au bout d’un certain temps, l’obscurité se fait moindre et,
les quinquets grand équarquillés, on parvient à entrevoir
SAMK. Et c’est au contraire assez lumineux
ce qui réside sur ce côté de la bande car la lumière
vient d’Andromède, guidée par la lampe-torche de Michel
Tabachnik Tahmer et c’est Mulder
et Scully qui sont chargés d’enquêter
sur ces utilisateurs d’OVNI. Aussitôt le Congrès Américain
téléphone pour leur retirer le dossier puisque c’est une
production PIPO PRODS et faudrait voir à
pas jouer avec le feu quand même... Musicalement sont ici alternés
des chansons à la manière punk-core-sec et d’autres à
la crust des familles. Ma préférence va aux premières,
qui sont des réussites totales, je pèse mes mots (Cameron
Diaz used my toilets, Special Agent Mulder knows, Dental caries, Gnoma Jerzinski,
Alcoholic) ce qui montre encore une fois qu’il n’est pas besoin
de millions de dollars de studio, de mois de composition arrosée de bourbon
et nimbée de coco, de labels suédo-américains et de cotons-tiges
Lidl pour produire de la très bonne musique. Je ne sais pas qui chante
mais bien le bonjour, quel as ! Et dire que je m’attendais à du
n’importe quoi, je suis bien aise de m’être fourvoyé…
Remarquons enfin la présence en couverture d’une photo de Bill
Pipo lui-même, jeune, à l’époque où
la chasse aux comédons était sa principale activité. C’est
vendu 10 ou 15 balles pc – le prix d’un Réponses à
tout santé et ça soigne bien mieux - à l’adresse
de Pipo Mag (en interviou ici-même, bist du glücklich, du,
Faulpelz !).
[Victor]
N.C.A.
: The final punkdown (LP Mass Prod. / Rural Stella Artois Muzik / Dirty
Punk Rds / Morveux Prod. ; 2000 ; 35’ ; 5 t.)
Derrière une couverture vraiment anthologique (mais je vous parle d’un
métal top 50 que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître
– sauf s’ils écoutent l’animation sonore de la Foire
Expo de leur ville), qui plus est labelisée « punk biologique
», l’un des groupes phares de la scène bretonne tire sa révérence
. Ce LP simple à couverture ouvrante, richement orné de photos
de concerts, dont des célébrités . Musicalement, je suis
plus circonspect. S’ils arrachent sur scène incontestablement,
leur punk-rock pur jus (au sens où ça ne tire pas sur le hardcore
ou le crust ni sur l’alternatif ou le mélodique) de pommes, le
côté rock se ressent incontestablement beaucoup et pas forcément
pour le meilleur. Non que les musiciens soient mauvais, bien au contraire, mais
dans l’ensemble, un peu plus de corsé n’aurait point fait
de mal et je préférais les anciennes versions de Don’t
care et Oïasis (ce tube !). Il reste néanmoins de
très bons morceaux tels Get the nazis out (avec la Marseillaise
sur un moogophone digne de Walter Carlos) ou l’excellent
Under another, qui déchire tout, pour employer une expression rare dans
la critique de disque fanzinale. Un bel objet tout de même et qui devrait
plaire au public punk-rock pur jus bio (duquel je ne suis pas totalement).
[Victor]
Negative I.Q. :
My TV sucks me (EP Emboukan 002 / Crânes Blasés 10 ; 2000
; 12’ ; 5 t.)
Ces Limousins confirment tout le bien qu’on pensait d’eux par ce
cinq-titres bellement fagoté avec insert marbré et tout et tout.
La première chanson, éponyme, parle de lobotomisation par le biais
de la petite lucarne, dans la lignée Brisons
nos chaînes !, sur un tempo enlevé et un style punkcore
brut et maxi bien torché. Belle réussite. Même si le tout
plaît également dans son ensemble, avec une petite touche de saxophone
au milieu du morceau, je suis plus circonspect sur les textes dont le début
dénonce la fin ou l’inverse, enfin, bref, on ne sait déjà
plus au quatrième couplet à quel message se vouer… ! . La
face B comporte trois morceaux dont une fort bonne reprise du non moins goûteux
Why be something that you’re not de Negative
Approach. American psycho, d’après le bouquin,
assez lourd, passe nettement moins à la différence de Society,
qui rentre impeccablement sous l’appelation de oi ! core sous laquelle
le groupe limougeaud s’autorange. Ce bon disque est assez varié,
quoi qu’il en soit, pour servir, me semble-t-il, de prodrome à
un album qu’on peut impatiemment attendre.
[Victor]
No Time To Lose : Free
Edge Hardcore (CD démo ; 2001 ; 21’ ; 8t.)
Direction Le Mans pour ces jeunes pleins de fougue qui donnent dans le style
new-yorkais, avec un titre conceptuel ayant sans doute une signification mais
laquelle ?... Non qu’elle soit d’une originalité gigantesque
mais leur musique est correctement enlevée et bien cadrée. Certaines
compositions valent ainsi le détour qui se nomment USSS, Just
try to think (piquetée de cordes mélodiques) et Trust
no one (la meilleure, elle arrache le parquet à l’Agnostic).
En guest, on peut reconnaître Cindy Lauper
sur Slim fast girls, c’est dire si ces gars-là ont les
moyen. Le son général ne rend néanmoins pas trop grâce
à l’énergie violente dont ils savent faire preuve en concert
(le [truc classique] du début en plus ne s’entend pas du tout)
mais on comprend les paroles tout de même (sur les deux compos en français).
Une bonne démo en tout cas et qui attend la confirmation que ces Manceaux
ne sauraient tarder à apporter.
[Victor]
Outface : TV Generation
(45 t. Panx PP058 ; 2000 ; 10’ ; 8t.)
Outface est un groupe de Corbeil qui pratique un
hardcore encore très proche du punk sur la plupart de ses titres. Musicalement,
rien à redire, ça dévaste tout le paysage de tes esgourdes
sans prendre de gants. A preuve l’instrumental Adrénaline,
brillant et chaud. Je tiquerais juste sur la voix du chanteur que je trouve
un ton en-dessous des autres intruments. Mais cela n’empêche que
sont très bien enlevés des compositions comme Point de non retour
(seul titre en français, je vous laisse deviner la langue du reste) ou
mieux The Prodigy (avec une toute fin électronique). Les textes
parlent d’un ami, de masturbation, du génocide indien, de l’armée,
de la renommée et de la télé (ainsi qu’indiqué).
Encore un bon truc dans l’inextinguible catalogue PANX.
[Victor]
Paris Violence : Rayé
de la carte (EP Islika Productions n°3 ; 2000 ; 10’ ; 4 t.)
Sous une présentation plutôt jolie, ce disque, assez cher, donne
à entendre quatre titres que, pour ma part, ce sera la dernière
fois. Je n’accroche définitivement pas à ce chanteur qui
fait une chanson faussement énervée en droite ligne du début
des années 80 (période permanente à frisettes qui tombe
dans le cou à la Vivien Savage), avec pour
influence des trucs genre Factory (faux solo métalleux)
ou Renaud (dans la diction). C’est basique,
toujours la même chose et le chant n’est pas du tout assuré
mais comme on n’est pas dans du punk et que de tout ça ressort
un air de sérieux, on n’arrive pas au minimum syndical requis pour
un enregistrement. Pour les textes, ça parle surtout de déprime
adolescente et ce de manière vraiment redondante quand on connaît
l’EP précédent Humeurs Noires. On trouve aussi
une chanson sur les Russes Blancs sans intérêt et une autre (Service
inutile) où se lit cette comparaison effarante de maladresse et
consternante, je cite : « Et leurs soit-disants [sic] droits
de l’homme n’ont pas empêché la solution finale / On
pratique encore les pogroms à coup de battes de baseball dans les couloirs
des Halles ». Que le grand Cric me croque si j’ai récemment
lu un truc plus ridicule que cette affligeante affirmation. Un disque définitivement
rayé de ma platine.
[Victor]
Protex Blue
: Muckrackin’ (CD Sauf Imprévu Rds SI005 / Shark Attack!
Rds / Small Budget Prods.; 2001 ; 26’ ; 8 t.)
Nouvel album pour ces Stéphanois rouges qui poursuivent leur progression
à un rythme soutenu dans un style de rock américain côte
ouest marqué d’un léger contre-temps. Ce n’est à
vrai dire pas mon style élu que cette musique grand public mais force
m’est de reconnaître que ce groupe en vaut bien d’autres outre-Atlantique.
La production maison, d’une qualité remarquable, font ressentir
toutes les qualités techniques de ces instrumentistes et également
la voix ô combien pas d’ici du chanteur ; c’en est à
se demander si ce n’est pas John Fogerty
de Creedence lui-même qui chante sur le second
titre (Drive that nail). Celui qui suit ce dernier (Upset me)
n’est pas désagréable non plus. Les textes parlent de violence
légitime, des élites déconnectées et de la «
haine de classe », tout cela agrémenté de citations (Vaneigem,
Nizan et Trotsky - un drôle de zigoto
et un drôle de fumier quand même celui-là, pas mon pote en
tout cas). L’impeccable livret demeurant dans la lignée des précédentes
productions du label stéphanois, c’est un disque qui devrait trouver
son auditoire pour un groupe dont j’espère qu’un jour il
passera au français vu qu’il semble avoir des choses intelligentes
à chanter.
[Victor]
Quatre Degrés Sept
: Quatre Degrés Sept (CD Skalopards Prod’z 4D701; 2000
; 37’ ; 16 t.)
Sous une pochette offrant aux regards des canettes de liquide alsacien à
l’état cadavérique et derrière des couleurs d’ensemble
criardes et laides (mauve + orange + marron), ce jeune groupe de la région
sud, qui n’a pas l’air de se prendre la tête , nous dépote
seize titres qui, chose peu courante, vont s’améliorant à
mesure que le temps défile. Pour les textes, il utilise au trois quart
l’anglais et la langue de Molière
pour le reste . Si, à l’exception d’un titre rock et pistolien
(Fist & Shout) et d’une petite humeur minimale (A64)
le début relève en effet du punk mélodique le plus basique
(j’ai horreur de ça et pourtant c’est ici bien tourné),
on plonge dans le véritable punk arracheur de macadam à partir
de la plage 7 (Let’s go). Je ne dirai pas que c’est super
original (punk-streetpunk courant) mais ces gars-là ont la niaque et
un niveau de qualité pour leurs compos qui va chercher que le niveau
national. Une chanson comme Fist est véritablement carton, le
début de What a bourache mérite l’admiration te
tu peux t’éclater avec tes amis lors d’une jambon-party avec
la chanson Boucherie PPKS qui met de l’ambiance partout où
le charcutier tripatouille de ses gros doigts graisseux la chair à saucisse
pour les petits nenfants. Les ambiances en fond sont de même fort bien
maîtrisées. Le dernier titre est un morceau à la guitare
acoustique de deux minutes (un truc à la Bruce
pourri, peut-être que les textes sont drôles mais j’y entrave
keud) suivi de la minute de silence pour les phacos morts pour le groupe Danone
et on termine en beauté avec de courtes mesures de speed bien enlevé.
On tient là en tout cas la meilleure prod de ces bourrins de Skalopards
avec la compile givrée Ils repasseront près de chez vous.
Bois de l’ail or die !
[Victor]
Rapiers (the) : On
my mind / Buckleshoe stomp (45t. Larsen LZ 061 ; 7’ ; 2000)
Dure tâche que de chroniquer pour moi ce disque que j’ai pourtant
aimé car j’ai hélas de bien trop maigres connaissances sur
le son anglais du début des 60’s pour ce faire. Dans le riche texte
de présentation, il est fait aux références aux Shadows
et, comme cela me parle, c’est à ceux-ci que je me référerais.
Les Rapières sont apparemment un groupe
revival instrumental des années 80 qui ranima la flamme de cette scène
alors déjà vieille de vingt ans et se produisit partout où
la Grande-Bretagne le leur offrait. Pas besoin de faire d’effort pour
écouter ces deux faces, c’est un pur plaisir tellement c’est
bien fait. Le deuxième titre semble un live mais j’ai comme l’impression
que c’est un rajout studio d’ambiance de foule car rien n’est
à ce sujet mentionné sur la pochette. En plus, ces vieux briscards
ont une bonne gueule et par conséquent, si ce son fun d’il y a
quarante ans vous plaît, vous ne pourrez être qu’ici conquis
; et c’est bien enregistré, par-dessus le marché.
[Victor]
Rejected Youth :
Don’t pick a quarrel with the screwballs (EP Streetmusic Street018
; 2000 ; 12’ ; 5 t.)
Punk à chœurs du début des années 80, voilà
le style de ces Germains (qui chantent en anglais). Etant d’un naturel
assez réceptif à ce genre de zique, je n’ai pas eu trop
de mal à apprécier ce que ces trois lascars savent extirper de
leurs instruments respectifs (batterie à battue et basse assez sur le
devant). Crew est une réussite totale, emballé, c’est
pesé, et qui lacère bien. Idem pour Fragile, aux refrains
rapides et qui en concert doivent enflammer l’auditoire (une très
bonne chanson, même du point de vue du texte). Tout ça vaut le
détour ? c’est moi qui vous le dit. Un disque imparable.
[Victor]
Résistance (Compilation CD On a Faim
! DO37 ; 2000 ; 64’ ; 17 t.)
Heureuse initiative que cette compilation coréalisée par ON
A FAIM !, REFLEX, LE KIOSK, CRASH DISQUES, SKUNK DISKAK RASTAQUOUERE, MALOKA,
RAS LE FRONT XIIIE et les défunts UNITY
ROCKERS au bénéfice des militants FTP,
en procès pour leurs actes anti-FN en P.A.C.A.
Le livret, sobre, est un court texte d’Yves Peirat,
qui remet son action en contexte. Musicalement, l’orientation principale
est aux musiques jamaïcaines par des ensembles français de bonne
qualité (Rude Boy System, Jamasound, ASPO,
100 Grammes de têtes, Les Fils de Teuhpu). Dans d’autres
styles, on trouve Igor Agar (chanson chansonnière),
20 Minutes de Chaos (punk) et Turtle
Ramblers (rock américain middle west – en fait, ici, c’est
le batteur des Tortues Baladeuses qui s’est amusé à mixer
certains titres de leur album et le résultat se pose là, une réussite).
Bref, une cause à soutenir par l’achat (de prix modique remarquable
: 65Fpc ou 50 en main propre) et une heure de de bien bonne musique à
déguster entre amis et sans modération.
[Victor]
Sensa Yuma
: Every day’s your last day (CD Retch Rds RRCD014 ; 1998 ; 40’
; 14 t.)
Connu pour avoir en son sein un bassiste et un guitariste issus de GBH,
ce groupe vaut aussi bien voir plus par lui-même que par cette notoriété
par délégation. C’est du punk et du rock anglais pur sauce
à la menthe et qui m’a carrément botté (à
l’instar de leurs prestations scéniques d’ailleurs). Le premie
titre, qui donne son nom à l’album, crève l’écran
d’entrée par ses guitares à l’Exploited
et ses décrochages d’un ton bandants comme les sauts en parachute
sans parachute. Pushed me around évoque plutôt la Côte
Ouest, Don’t you say, la guitare rappelle sans blème les
Buzzcocks mais le reste du morceau fait plus punk
de ces dernières années, tout comme Freedom. Waiting
a la couleur d’Attack du groupe déjà nommé,
Judgement Day sans hésitation, c’est à Killing
Joke (Butcher) qu’il fait penser. Cela continue comme
ça sur quatorze titres sans relâchement. Passe en plus la joie
qu’on dut avoir les larrons du groupe à enregistrer le tout, nettement
perceptible. Que demander de plus ? Ça, c’est du punk, bordel aqueux
!
Tout ce qui est dans ce disque, j’ai l’impression de l’avoir
déjà entendu ailleurs mais comme ses réminiscences vont
chercher dans les coffres à trésor, ce disque est un véritable
plaisir de A à Z. Il se clôt sur un léger Yuma Barmy
Army, dont le titre référence à Marie-Paule
Belle et on apprécie l’hommage, c’est rien que de
le dire .
[Victor]
Skadichats : Grève
générale (EP Rural Muzik / Rudeboi ! Rds / Stay Rude rds
; 2001 ; 8’ ; 3 t.)
Première fois que j’entends ce groupe mais c’est pas bouleversé
que j’en ressors, vingt dieux… Le titre Grève générale
d’orientation punk-rock est terne, quant au deuxième, Ras l’front,
sur un thème rebattu (ce qui ne veut pas dire qu’il est désuet,
le seul truc étant d’user d’originalité pour le traiter),
on tape dans le maxi cliché skapop gentil pour ado concerné. Je
ne m’étends pas plus loin, je n’ai pas du tout aimé.
[Victor]
Stef & Arno / Los Mutantes
/ Magnetix / Hero-X : Minimal Squad of Teenage Monster Circus
(CDR Neurotic ; 2001 ; 37’ ; 18 t.)
Le MINIMAL SQUAD OF TEENAGE MONSTER Circus est
le regroupement de trois à quatre groupes aux formations perméables.
Impressionné par ce que j’avais vu des trois premiers sus-cités,
j’étais bien curieux d’entendre ce que cela pouvait donner
sur support. Eh bien, c’est du tout bon, dirais-je, mon ami. On débute
par le duo surf-garage Stef & Arno, furieux
s’il en est, et la qualité de ces deux bestiaux de scène
est au rendez-vous en trois instrumentaux rapides, une ballade et un garage
hispanisant, basse-batterie et thérémin (ah, le thérémin,
instrument préféré des Daleks
! [NB : il doit s'agir en fait d'une boîte à écho tout simplement])
le tout de grande maîtrise. Leur succèdent leurs acolytes de Los
Mutantes, dans un registre garage sixties où la guitare rageuse
éclate dans les nappes psychédéliques d’un orgue
endiablé, de cymbales martelées et d’une voix pleine de
la poussière ensoleillée des routes américaines. Dans une
lignée similaire mais avec une voix nettement plus distordue, et une
couleur légèrement plus rock’n’roll début des
60’s, les Magnetix assure pareillement. Pour
finir, les Hero-X balancent eux dans une ambiance
nettement plus rock voire revival 80 (battue un peu psycho) bien qu’avec
un instrumentarium similaire. Il y a un morceau live parmi les cinq proposés
mais c’est généralement la teinte qui dénote sur
tous ces morceaux. Ce disque, s’il n’est pas l’exact reflet
de la folie rock’n’rollesque et vestimentaires dont ces zigotos
font montre en concert, est une valeur sûre pour qui goûte ce genre
de musique et a plus généralement le rock dans la peau et son
énergie dans les veines.
[Victor]
Stef & Arno / Los Mutantes
/ Magnetix / Hero-X : Minimal Squad of Teenage Monster
Circus (45 t. Frat Shake Rds 666 ; 2001 ; 10’ ; 6 t.)
Derrière une déco nettement plus comics superhéros et seyante
que le précédent disque, on prend les mêmes et on recommence.
Deux titres pour les Hero-X, un instrumental très
revival garage 60’s du début des années 80 et un autre morceau
chanté bien accrocheur avec des « Wououou ! » qui
constellent comme de juste les refrains. Entre les deux se trouve une chanson
des Mutantes, exactement dans le style de celles
du CD. Face B, on retrouve l’hispanisant Arno
accompagné du cosmonaute batteur Stef pour
un Felicia mentor tout en liquide fusionnel jailli d’un volcan
espagnol de la planète Vega. Terminent le vynil beau comme un jean bleaché
deux compos des Magnetix, à fond dans les
années soixante avec voix distordue, minisolo de gratte et ryhtme endiablé
d’une part, et instru hystérique clos en rires sardoniques de l’autre.
Excellent, ya pas d’autre mot.
[Victor]
Les Teckels :
Les Teckels (CD Les Troubadours du Chaos LTDC002 / Ouah musique Ouah003
; 2001 ; 10’ ; 3 t.)
En trois titres (malgré un, live, plutôt moyen), les cabots de
Pantruche enfoncent le clou dans la niche streetpunk hexagonale. En effet, et
bien que d’aucuns trouveront à redire au fait qu’ils clabaudent
en rosbif, Change your mind est un hymne lent et entraînant,
jappé sans exagération mais avec la hargne de roquet qui sied
au genre. Who’s next ?, un poil plus enlevé, claque comme
un coup de langue au fond de l’écuelle, avec une basse aux oignons
et une voix parfaitement posée, le tout fort bien servis au demeurant
par une prise de son qui a, comme qui dirait, du chien.
On a également une reprise sans doute parodique de Work together
des Oppressed [NB : en fait, une reprise d'un classique
de l'album à la banane du Velvet Underground,
bien joué ! Mais de quelle chanson s'agit-il, serait-ce en fait une mauvaise
?]. La pochette demeure de plus une réussite de second degré,
comme à l’accoutumée chez ces ratiers allemands dont on
reconnaît la patte (pochette couleur rétro + grain fort agréable
au toucher). A mettre illico à la disposition de tous les bons chenils.
[Victor]
Tosca (Rupert
Huber & Richard Dorfmeister) : Suzuki
(CD G-Stone / Studio!K7;1h, 2000)
Halte au stress! Voici un disque qui devrait être vendu sur ordonnance
aux cadres dynamiques en trottinette de La Défense. Tosca
nous propose Suzuki, un album 100 % zen, constitué d’une
musique paisible, relaxante et avec suffisamment de pêche pour ne jamais
être soporifique. Pour le style (aficionados du classement FNAC à
vos crayons), on appelle ça du downtempo ou encore du nu-groove. Ce disque,
conçu comme un tribute au maître de la méditation zen, Shunnyu
Suzuki , est le résultat de plusieurs influences : new age, trip-hop,
orientale, sud-américaine, le tout réunis sous un tempo raffiné,
toujours revigorant, jamais rébarbatif. Ecoutez cette galette d’argent
massif que nous offre Tosca, c’est du très bon et ça nous
change des soupes incolores et inodores, style Nature & Découverte,
qu’on trouve habituellement sous l’étiquette « Downtempo
». N’hésitez pas à télécharger des extraits
qu’on trouve facilement sur le net pour vous mettre l’eau à
la bouche.
[Câblé]
Stoutness : Neve shalom
(CD Nerves ; 2000 ; 19’ ; 4 t.)
Groupe du Nord, Stoutness pratique un hardcore-métal
lourd à la Earth Crisis, à touches
mélodiques, du plus bel effet. N’était-ce l’inégalité
de l’enregistrement (mais le son demeure très correct), on aurait
là un groupe avec un impact au disque aussi puissant que les gros du
genre. Chant mâle en anglais, recherche de diversité dans les propos
(cf. le léger passage toasté à la fin de New Life
ou la seconde voix sur Protest), intros bien amenées (djembés
ou surtout un prof d’harmonie qui vient engueuler le groupe parce que
leurs amplis font trembler les cloisons), je n’ai pas grand chose à
redire sur ce court disque sinon que j’attends avec impatience un album
entier.
[Victor]
Tromatism : Tromatism
(LP Active Four ; 2000 ; 45’ ; 14 t.)
Je ne connaissais absolument pas ce groupe auparavant. La chose qui frappe le
plus est la qualité du disque lui-même puisqu’épais
comme un double album, coloré à l’intérieur, il dispose
d’un livret noir et blanc assez bellement illustré et fourni. Leur
musique est une sorte d’alterno-hardcore à chant crié et
dont les textes sont anarcho-punk-émo (ce qui sous-entend beaucoup de
bonnes intentions dont hélas peu aboutissent, perdues qu’elles
sont entre les vilains méchants et les arbres qui parlent). Dire que
j’ai accroché serait vraiment excessif, même si un morceau
comme Q.H.S. par sa violence m’a bien plu. C’est peu varié,
trop uni dans l’ensemble. Quelques chansons se distinguent toutefois telles
Vichy Pirate celle qui ouvre la face B – face « Nomad
» et qui s’intitule Revanche indienne. Cela ne suffit pas
à mon goût pour en faire un bon disque et il est même relativement
lassant (cf. un titre comme Mururoa, semblable à du mauvais
Téléphone). On est bout du compte
quand même un peu déçu.
[Victor]
Up the Grrrl (CD Panx PP062 ; 2000 ; 1h ;
31 t.)
Est-ce que ce panorama est représentatif de la scène féminine
punk brésillienne, je ne puis le dire pas car je ne sais pas si celle-là
existe en tant que telle, toujours est-il qu’on a là quinze groupes
de jeunes damoiselles en t-shirts, pantalons larges et cheveux bariolés
(euh, là non, elles ressemblent plutôt à des lycénnes
des Yvelines en fait) dont le nombre le dispute à la qualité.
On peut également noter que le portugais a une bonne place malgré
un bon pacson de contines en angliche comme il est de coutume dans le style.
Les deux premiers ensembles, Biggs et Bulima
font du punk énervé de bonne trempe, encore plus direct et brut
pour Kaos Klitoriano (c’est leur nom !) qui
me font penser au meilleur de Rachid & les Ratons.
Autre groupe d’excellente tenue, Sandina
qui pratique un punk à légère tendance cold du début
des 80’s (Respeito), le tout avec une prise de son très
roots-pirate et qui rajoute du charme à l’affaire. Celles qui rendent
le plus brésiliennes sont les Yolk qui chantent
avé l’aççent et nous facturent au final un ska punk
super endiablé (Pode Rir). Pour les autres groupes qui m’ont
plu dans ce disque brillant, on trouve en vrac : T.P.M
(avec un superbe et sombre Walkman et un court morceau strident), les
Shes (qui décapent méchamment - Desafio,
avec un petit solo de gratte pas dègue et un Surrender plus
vénéneux et Beastie)
et enfin RTL (rien à voir avec Bouvard
et la franchouillardise la plus poissarde, ici c’est du punk-hardcore
assez froid à grosses cordes en anglais avec refrains accélérés,
on apprécie !). J’ai bien aimé aussi de Toxoplasmose
You were bad (c’est vrai mais maintenant je suis à nouveau
gentil, pas la peine de remuer le passé !). Le livret ne présente
que les photos des jeunes musiciennes, c’est pas désagréable
(c’est pas un festival Arlette Chabot, c’est
clair, ya même plutôt un côté les filles de l’ambassadeur
!) mais j’aurais aussi aimé avoir les textes bien que je ne prétendisse
pas pouvoir trop les comprendre (je me débrouille avec l’anglosaxon
un minimum quand même mais point trop dans la langue de Linda).
Si la couvrante est moche, la carte du Brésil ornée des logos
chamarrés des combos, reproduite sur le rond central, saute nettement
à l’œil. Une compilation diversifiée, de bien haut
niveau et grandement rafraîchissante. Bravo Panx
!
[Victor]
Le Vieux Thorax
: Seulement blessé (CD Ta Gueule Records TGR006 ; 2000 ; 16’
; 6 t.)
Cet énergumène de Saint-Germain-l’Auxerrois et qui se réclame
sur son site des Specials, de Pantera,
d’Herbert Léonard et de l’Infanterie
Sauvage, dispense une musique très facile d’écoute
et qui puise dans les séries années 60 (avec Robert
Conrad par exemple), dans la variétoche moyen-orientale, dans
la pop acidulée parodique actuelle et dans l’électronique
plus généralement. Playtime et Au bal (avec
son sample sidérurgique, son roulement de tambour jamaïcain et sa
réplique qui tue « J’ai pas envie de retourner là-bas…
» « Alors, coupe du bois et ferme ta gueule ! »)
m’ont bien botté alors que Slow Dance ne casse pas les
briques. Le duo avec la chanteuse Kara, j’en
ferais pas une montagne non plus mais le texte nunucho-absurde fait bien marrer
malgré tout, un peu dans le style des Terribles.
Ce Vieux Thorax vient de sortir une compilation
de ces œuvres précisément en février 2001 qui retrace
ces cinq années de composition, de 1996 à nos jours. Avis aux
amateurs de vieux thorax et autres poitrines désirables.
[Victor]
Violentopaloff : Let
us stand to our glorious dead (EP Panx PP061 ; 2000 ; 12’ ; 8 t.)
La palme de l’humour underground français pour ce groupe de chez
Douste qui arbore, outre la mention « Même
pas vu à la télé », la photo du sourire niais
de Patrick Topaloff sur la pochette violette (retravaillée
par l’artiste sino-bavarois Fô Tô Chope
pour les ronds centraux) et une famille à l’Otto
Dix en quatrième de couverture. Pour la musique, c’est du
crustcore de chez Bourrinus, aux paroles chantées
en espagnol et en anglais et c’est un peu dommage qu’ils se soient
cantonnés dans ces idiomes car, sachant que le bassiste du groupe n’est
autre que Bill Pipo lui-même, on aurait aimé
se fendre la poire à pas cher et sans dico. Deux compositions ont en
leur sein des breaks ska des îles, heureux dans Feliz ciudad,
moins dans The Saviour. Ma préférée est celle
dont le timbre paraît plus carré et froid, j’ai nommé
Cromosoma. Une production tout à fait correcte mais dont on
peut espérer encore plus au su du sérieux de ses membres .
[Victor]
Virago : Un instant (CD
Vicious Circle / Cinedia Sounds ; 2000 ; 9’ ; 2 t.)
Virago est un groupe popnoise français assez
notoire désormais. Comme souvent dans le genre, les textes pèchent
par trop de poésie sensible à deux ronds mais on va pas en faire
une maladie, le second titre étant en effet un instrumental. Ce dernier
(Premier Jour – instru), assez bien ficelé, verse dans
l’atmosphérique pesant, ornés çà-et-là
de chœurs dark-médiévaux qui gâtent un peu la sauce,
tout cela filant vers une noise filmique qui devrait plus plaire au public gothique
qu’à celui de la pop. Je ne pense pas que personnellement je retiendrai
aucun des deux morceaux mais c’est objectivement bien fait et mon goût
n’est pas non plus universel. N’hésitez donc pas à
y jeter une trompe d’Eustache (hop !).
[Victor]
Virago : Premier jour
(CD Vicious Circle / Cinedia Sounds ; 2000 ; 46’ ; 13t.)
Encore Virago, là c’est l’album
entier dont il s’agit. La teinte dominante est toujours la noise. Instrumentalement,
il n’y a vraiment pas grand chose à redire puisque tout cela est
bien carré, bien professionnel et peu ronflant. Les intros sont souvent
belles. Le point faible demeure, las, toujours les textes, adolescents et poétiques
à trois sous (c’est pas du Yvon Le Men
ou Yves Simon mais c’est pas du Gainsbourg
ou Dutronc non plus). Mal-être n’implique
pas forcément mal-écrire. Je regrette sincèrement pour
une fois qu’ils n’aient pas chanté en anglais ou toute autre
langue, cela aurait caché l’endroit où le bât blesse.
Outre une reprise périlleuse, translucide et au final complètement
à côté de la plaque du Love on the beat du père
Gainsbarre, le déséquilibre entre textes et parties instrumentales
est la seule chose, mais non négligeable, qui soit négative dans
ce disque musicalement tout à fait bien ficelé.
[Victor]
Voices of Belleville
: East Side (EP Décadents & Corrompus Skinheads DCS 1 ;
2001 ; 12’ ; 4 t.)
Première sortie discographique à ma connaissance pour ce groupe
de la scène oi ! parigote. Outre les traditionnelles photos d’amis
typiques du genre, la pochette offre un côté humoristique qui m’a
bien fait marrer (photos + l’un des remerciements). Le rond central du
vynil (blanc translucide) représente un casque Trojan coloré d’une
toile de coude. Pour la musique, c’est du streetpunk point trop rapide,
calme et assez sympa (à part Hoolie Hoolie, sur laquelle j’accroche
moins) . Les textes sont toujours basés sur le groupe et les amis, le
fait d’être skinhead, le taf (vision résignée) et
le stade (le moins bon des quatre). Ils sont, notons-le, tous en français.
Bref, un quatre-titres assez classique mais qui passe bien quand même,
notamment la chanson éponyme. A suivre.
[Victor]
Vömit for Breakfast :
Révolution EP (EP Eargrinder Revolution Rds ; 2001 ; 10’
; 17 t.)
Vömit, c’est le grind qui monte dans
le Forez, pourtant une région minière à cette différence
qu’elle est de tradition ouvrière. Là, par contre, je les
arrête tout de suite : ils ont mis des textes écrits (quoi ?) et
c’est vraiment se foutre de la gueule du monde car on n’ entend
rien dans le disque ni sur la pochette arc-en-ciel tout noir. Stop ! Gabegie
! Stop ! Remboursez ! C’est vrai, je veux bien l’admettre à
mon corps défendant et cependant ô combien huilé, que la
couverture est noire et rouge mais ce regain de violence avant… Ils disent
faire de la musique de fiotte, moi, je trouve que c’est pas mal dans l’ensemble,
il y a 17 titres et en fait y en a deux. Sacré Gérard
Majax !
[Victor]
Weda : World is what
we do… (CD Démo ; 2001 ; 16’ ; 7 t.)
Cette formation troyenne évolue dans une sorte d’hardcore relativement
varié à passages métalliques. Le chanteur possède
un organe vocal assez remarquable, du moins dans un genre rebattu par le chant
hurlé et où souvent tout se ressemble. La sonorité d’ensemble
va de l’émo (Is it Equality ?) au punkcore (Fundamentalist
church) et pour tout dire, ça m’a fait penser au son particulier
qu’ont les groupes de hardcore latino-américains. Dommage que les
textes soient exclusivement en anglais car apparemment, ils ont des choses à
dire (classiques dans le genre : mal-être, injustice, obscurantisme).
La dernière plage relève du gros crust avec chant de rottweiler
à la clef et ça passe plutôt bien. Un essai pas du tout
raté pour un groupe qui, je pense, est loin d’avoir tout dit.
[Victor]
Wild news from… frenchy radio punk-rock (split
EP Lollipop Rds Lolli14 ; 2000 ; 12’ ; 7 t.)
Le titre peut dérouter vu tout ce qu’on peut mettre sous l’appellation
“punk-rock” à l’heure actuelle (tu peux y trouver tantôt
Gastéropode Killers, tantôt Burning
Heads tantôt Pinette, on ne sait plus
à quel saint se vouer sinon à celui de Lolo
Ferrari car ya de la place pour dix et ça, c’est toute la
différence ). Il s’agit de fait ici d’une compile à
dominante garage-punk pur sauce moutarde avec chant rosbif de chez Danone. L’inventaire
maintenant : les Gasolheads présentent là
le meilleur titre que je leur connaisse (garage punk for ever). Jerky
Turkey tape dans une sorte de truc à la Devo
(cf. Come back Jonee) mais moyen dans le fond. Sonic
Assassins et Machine Gun Kelly balancent
eux aussi du garage-punk bien moulé dans son jean trois taille en dessous
et qui déboule à … à l’heure dans les enceintes.
Voilà pour la face « Super5 Renault » (authentique
!), passons maintenant à la face « Deuche de chez Citron
». Sugarfix de Marseille donne par contre
dans un punk-rock français classique (ça me laisse de marbre),
contrairement à Exxon Valdez qui fait son
show nitro en une minute trente et j’adore ça. La fin est réservée
aux compatriotes de Claude Nougaro ,
Jerry Spider Gang, rockers patentés mais pour moi pas tentants
bien que tout cela soit bien exécuté. Je donne une note particulière
à la pochette, si vous me permettez , qui d’un mélange de
couleur so seventies (rouge et lilas) fait resurgir du fond des âges une
Ami 6 première génération comme découpée
dans le journal. Le mec qui a fait cette pochette (il s’appelle Smosh
apparemment), eh ben, y en a qu’on du goût et qui le montrent. Chapeau
l’artiste !
[Victor]
Youth Gone Mad : Oompa
Loompa (CD Panx / Posh Boy ; 2000 ; 25’ ; 10 t.)
Pour m’être – et c’est rien que de le dire- emballé
sur l’album Pollenate, un des meilleurs de la décennie,
varié et avec un esprit punk comme pas permis, j’avoue ne pouvoir
cacher ma grosse déception, pleine d’épanchements lacrymaux,
à l’écoute de ce court album 10-titres (une quarantaine
à mon souvenir sur Pollenate!). J’ai eu comme l’impression
que ces barrés d’Amerloques d’YGM
jouaient à sembler eux-même, d’où une douloureuse
impression de factice à l’arrivée. Ça démarre
par un ska enlevé (Inventory) mais les deux morceaux suivants sont carrément
palots de la face. Et encore c’est rien rapport à la ballade finale
nunuchognangnante (tout le monde s’appelle pas Calvin
Russell) ou à Hop around (chanson rock digne des pires
Ramones pop, avec d’ailleurs en guest DeeDee
Ramone, l’homme des participations aux hommages à lui-même,
plus à l’aise par ailleurs sur Mental Patient). Pour le
reste, c’est quand même pas l’œuvre de manchots et ce
groupe demeure original. Une petite bombe comme Glad that you’re gone
se laisse ouïr de manière jubilatoire (hélas suivie d’un
remix dont je me demande encore l’intérêt) et l’intro
de Basketball Ballet témoigne de toute l’inventivité
du duo d’outre-Atlantique. Moi qui avais de plus tant apprécié
écouter la demoiselle chanter sur Pollenate, il m’en a
cuit de ne pas l’entendre sur l’enregistrement (peut-être
qu’elle préparait les sandwiches ou qu’elle garait la caisse
sur le parking, va savoir). Le très bel emballage couleur, tout d’images
3D oniriques, décape bien, personnellement j’eusse mieux aimé
que ce fût la musique, dans ce ratage d’un ensemble pourtant à
l’accoutumée si inspiré. Impérissable n’est
pas le mot en effet...
[Victor]
Le pote de ma sœur est un petit con. Vingt deux
ans, il se la frime, il bosse chez LABELS, maison
de disques parisienne, soit disant par lui de bon goût, en tout cas plaisante
aux oreilles bien molletonnées de trentenaires amateur de rock américain
sans larsens ni Bud, d’électronique qui fait tic-tic tsss-tssss
ti-ti ahhh pffff - de préférence provenance nordique ou germanique
; une boîte belle gueule logée Place des Vosges aux frais d’une
princesse pas vierge en dot consolidée VIRGIN.
Et l’autre, du coup, se pense en droit de la ramener.
« Tiens, ce week end j’ai un plan pour squatter au passage la
tournée teutone de TOM MaC RAE. C’est
Marion de chez ARISTA
qui m’invite. J’emmène ta frangine : java à Berlin
le samedi et fiesta le dimanche à Sarrebruck . Tu l’as vu l’autre
au JT de la deux, c’est de la balle ce mec. Budget promo en exponentielle
et car climatisé aux pneus neufs. Faudrait que je me place sur le gus.
On décolle dans deux heures »
Il peut vraiment pas s’empêcher de se la taper ce beuh à
puma peau de vachette tendre. Tu parles, il est à la promo radio et vit
dans l’angoisse métaphysique de se faire jeter d’ici la fin
du trimestre. Du coup il se la pète un cran au dessus de son ordinaire
confiant.
« Je te laisse les clef de l’appart pour la bouffe des chats
de ta sœur. Trois boîtes de Friskies sur la machine à laver
… et à coté y a même une invit deux personnes pour
EIFFEL ce soir au Losange rouge. C’est sold
out… »
Il me prend décidement pour un cave qui sait pas où zoner ce soir.
Encore moins avec qui…
Il est puant mais bien informé. Ca ne se bouscule
pas les projets exaltants en cette fin d’après midi.
Je passe chez ma frangine donner le change à ses chats.
Je prends l’invite à la dérobade. C’est peut être
un piège à encore plus con que lui que m’a tendu le gredin.
Et hop, il surgit de derrière le paravent japonais. Il a le regard sardonique,
la vanité satisfaite de mon indignité. J’en tremble, je
l’imagine rayonnant. Pour me détendre et me déculpabiliser
de mon avilissante tentation, je pose le scud de EIFFEL
dans sa platine question de trouver ca sympa. Maniérisme vocal bien chauffé,
arrangements soignés de quelques cordes timides et claviers soyeux. Ca
a l’allure d’un rock belle gueule, bouffi de mélodies sucrées
et de mots qu’on a juste pris de le temps de faire sonner ensemble. Une
reprise bien sentie d’un texte de Vian, Je
voudrais pas crever . Je comprends mieux la filouterie lorsqu’un jour
de crachin intégral, moulé dans son moelleux canapé Arrivetz,
il a balancé tout de go à ma sœur « tu sais, il ya
un texte de Vian qui dit tout de toi » et le voilà parti dans une
récitation de premier de la classe du dit texte. Femme en pamoison.
Des guitares disciplinées avec un je ne sais quoi de mauvaise graine,
la sauce me prend sans trop d’efforts hypocrites. Dans son Note Book de
chez MuJi il a grifonné « EIFFEL 1er album Apricotine ; catégorie
Adult Rock ; unique signature de Labels cette année ; ex Oobick
and the Puck ; 1er single apricotine et quality street ou renverse moi
à définir réunion du 17 » ; Il a dû se
taper la bio à faire ce larbin. (../..)
Salle à craquer de pépettes en paillette et de VIP en goguette. Une heure plus tard je noie mon désespoir et mes remords au bar. EIFFEL est bombé d’energie timide, tiraillé entre les contines de son enfance et les fureurs de son adolescence (les insupportables titres poppunk de leur repertoire d’avant avoir grandi ). Un truc un peu comme une évanescence. Pas envie de rentrer chez moi, velleité de reculer la constatation de l’affront. Il aurait en plus réussi à ma faire passer une soirée sans plus de joie qu’il ne m’en aurait eté promises enfermé dans mon home sweet « canaptélé ». Alors il serait pas si con que ça. Une pépette paillette qui doit être abonnée à Magic ! me fait de l’œillade. Infini espoir.
En quelques minutes, elle me met au jus de sa périlleuse
existence. Ecole privé Trucmuche, papa a un patrimoine , maman du temps
et elle, plein de belles promesses à gâcher. En fond musical se
déroule une jolie musique anglaise vraisemblablement. Black
Box Recorder, me jete le barman. Plus tard, j’acheterai ce
second album du trio où cocoone Luke Haines,
l’auteur de feu The Auteurs, le pistolero
des suicidés Baader Meinhoff, aujourd’hui
ressucité aux cotés de John Moore
et Sarah Mixey dont la voix veloutée se
love à merveille dans les écrins pop des deux chefaillons. Aujourd’hui
encore, quand par quelque hasard j’écoute cette galette The
fact of life, je sens ses yeux ronds sur moi, je touche ses lèvres
souples, menues et en lignes douces.
Pas fier d’enmener ma conquête chez ma frangine, mais comme il habite
aussi ici, ça me soulagerait de l’emballer chez lui, comme si j’etais
lui. On exorcise avec les moyens du bord.
On monte dans la caisse de mon abeau(f)minable pour
aller s’en siroter un petit dernier chez ma sœur – ’avais
négligé de vous informer que sur le frigidaire, à coté
de la machine à laver aux trois boîtes de chat, traînaient
une paire de clés de sa Ford K. Je pousse un laser chopé d’une
main ignorante par ma promise d’un soir. The Satellites
: Our very bright darkness. A croire que l’ignorance est une
grâce quand elle rencontre le hasard.
L’avenue est large et dégagée, les lumières scintillent
dans les vapeurs nocturnes de la ville. Ca commence par It’s a joy,
trois minutes incandescantes et évidentes. Elles nous transportent crescendo
; ma monture et moi. Elle, flippe sans le montrer. Le second titre calme mes
ardeurs. Un œil sur la route, l’autre sur le livret, les oreilles
papillonnent. Le quatuor est espagnol, de Palma de Majorque –un peu comme
si Virago nous venait de Corse - mais l’album
est mis en boîte à New York, Babylone des guitares abrasives, d’un
rock accouché sur le macadam fumant. La demoiselle n’apprécie
pas le grain sale et l’air sombre.
Nerveusement Open/Close et j’enfile l’air assuré, après tout je suis censé être dans ma voiture, cachetonner dans une boîte trendy, bouffer du disque au kilomètre, L’œil extatique du groupe Lazzi. Je limite la casse : « Je viens juste de le recevoir, pas encore eu le temps d’y jeter une oreille ». Décidement l’ignorance est une source de joie. Cette pop acérée aux élans électriques et arrangements baroques me séduit. Pas de formules déposées, des textes mordants et fins, un premier album hexagonal qui semble rassurer ma miss noctambule, le sourire au coin des lèvres sur leur titre Les lunettes carrées.
Dans le salon, la belle s’installe comme chez
elle, bien plus que moi, mon corps mal enchassé dans cet espace mentalement
hostile. Trouver un truc branchouille, un peu abscons, question de lui suggérer
la bienveillance que je lui concède en la laissant le séduire.
Un disque tout rouge traîne dans le foutrac du salon : Pan
Sonic et sa biographie à côté. Un regard affûté
balaie le document salvateur : duo d’Helsinki / fabrique leurs propres
machines / électro minimaliste / titre Aaltopiiri sur le label
référent NOVAMUTE etc…. Et
en plus c’est un disque estampillé LABELS.
« Tiens voilà un truc sur lequel je bosse »
Les deux tripatouilleurs jouent sur des modulations infimes, sur des silences
et des incidents répétitifs, ça crache, ça poque,
ça suinte…D’une oreille tendue, j’apprécie cet
univers sonore tandis qu’elle me baratine sur la chance de bosser à
LABELS, qu’elle en rêverait. « File-moi un cv, je te recommanderais
» Décidement ce soir je suis royal.
On siffle la bouteille de brandy, tout ce qu’il reste dans son putain
de bar de curiste en eau plate ; Aaltopiiri m’emporte dans sas
flux, elle, ça l’indiffère jusqu’au moment, où
trop saoule, la musique de Pan Sonic force les portes de son cerveau, lui fait
pincer les lèvres et s’excuser : « Ça me stresse
ton truc. Je dis pas que c’est pas bien mais c’est pas le moment
»
Voilà l’affaire est dans le sac et la belette sous le charme ;
je suis un mec prescripteur de bon goût, qui se moque de la tendance -et
encore plus du mainstream- mais qui du coup finit par l’être sans
le chercher. Finalement ca me botte de travailler chez Labels.
Magnanime, je me dresse pour soulager ses oreilles immatures. Dans la discothèque,
je sais que traîne le dernier Mogwai Rock
action. J’aime bien ces cinq gars de Glasgow. « C’est
mon alter ego de chez PIAS qui me l’a filé » me souffle-t-il
le jour où il me voit zioter l’engin « Je te
le graverai …quand j’aurai le temps » Depuis je l’ai
acheté. Autrement dit je suis en terrain connu avec ce troisième
album du groupe certes un peu court en bouche avec ses 35 minutes et 4 véritables
titres.
Elle aime, je le sens ; 23h42, le téléphone
s’énerve. Elle est déjà trop bourrée pour
ne pas décrocher. Aussi je lui arrache dans une fulgurance qui la cloue
au silence.
« C’est Fred. Marion, c’est toi ?» Je reconnais
mon beauf spectral et là, sublime connerie : « Non Fred, c’est
David. Tu as dû te planter de numéro. Je passait juste donner à
bouffer aux chats » « Si tu n’as que ca à
glander à cette heure ! ! ! j’ai dû effectivement me mélanger
les pinceaux – quel con ! » Et moi donc « Tiens pendant
que je te tiens, mates sur mon bureau, il y a un disque tout blanc. Dis moi
le titre de cet album » Autechre
« Non, ca c’est le groupe, vises la tranche pour savoir
» Confield « Ah, je savais que c’était
ca et pas Comfield comme le soutient depuis une demi heure Julie
de SOURCE [Note d’Ixel
: autre mioche aggrippé aux seins gras de la princesse VIRGIN]. J’allais
quand même pas perdre le pari, en plus leur album est inaudible. Merci
pour la satisfaction et à plus »
Je suis laminé pendant que Mathilde sort du canapé, titube sur
place, et finit par retomber à la même place. Elle roupille la
garce. J’ai quand même pas compromis mon orgueil et ma réputation
pour qu’une greniasse cuve au chaud et en tout bien tout honneur dans
le sofa de ma frangine et de son ineffable. Autechre, inaudible. C’est
le moment parfait pour lui parasiter son décolage à mon endormie.
Les rythmiques hachent menu, les compositions sont abstraites, fuyantes comme
mille billes d’acier qui coureraient, sautillantes, en tous sens sur un
carrelage blanc. J’appelle Fred en java à Berlin « Je
suis en train d’écouter Autechre, c’est de la balle
» « Ah oui ,ca te plaît…Ça m’étonne
pas t’est un peu perturbé comme garçon et un peu bourré
ce soir aussi il me semble. C’est leur sixième album a ce duo de
Manchester et ils sont de plus en plus barrés. Avant c’était
de l’électronica déjà perturbée mais là
on dirait de la musique cotemporaine » Je suis juste capable de lui
répondre qu’il a raison et que j’aimerais bien bossé
dessus. Il rit et savoure d’être ce qu’il est. Faut que je
raccroche.
Elle ne bouge pas ma princesse de la Dive Bouteille.
Pas une onde de spasme, de tremblement, Autechre ne la trouble pas. Elle est
morte.
Je divague. Me traîne jusqu’à la chaîne Luxmann comme
un cul de jade, le fond de brandy à la main. Stoppe. Et ca repart. La
voix capiteuse de Jennifer Charles joue les sirènes dans mon âme
en dérive. Je plonge. Elysian Fields, je
vois que ça s’appelle sur la pochette pas belle qui gît à
mes pieds. Elysian Fields. Moi c’est la clef des champs que je devrais
prendre, mais je suis trop anesthésié d’alcool ou enchaîné
aux charmes simples et vénéneux de cette musique, les deux allant
de pair.
Reveil. Mathilde n’est plus là. Tant mieux. Je croule sous la honte et l’épuisement du soûlard. Elysian Fields. J’ai l’envie d’aller fumer une clope place des Vosges. En partant, je marche malcontreusement sur un boîtier qui me coupe le passage, le compact se brise sous mon talon. Je me baisse et prend le cadavre : The Expérimental Pop Band The Tacksuit trilogy (CITY SLANG/ LABELS). Je m’en fous et prend la porte la cigarette déjà au bec. L’ignorance n’a pas souvent la bonne main.
BLACK BOX RECORDER / The Fact Of life (NUDE-BMG)
L’avis de Fred : j’écoute pas trop la concurrence
L’avis de Mathilde : j’avais les oreilles qui bourdonnaient apeès
le concert de Eiffel
L’avis de David : bel album de pop gracile
L’avis des chats : Miaouh Miaouh Miaouh
THE SATELLITES / Our very bright darkness (PRIMEROS PASITOS-POP
LANE)
L’avis de Fred : Pop lane. Connais pas.
L’avis de Mathilde : c’est du heavy métal ce truc
L’avis de David : un rock urbain, sombre et mélancolique
L’avis des chats : Miaouh Miaouh Miaouh
LAZZI / L’œil extatique (B POURQUOI B-NAÏVE)
L’avis de Fred : trop arty. Ça marchera pas
L’avis de Mathilde : j’aime bien le single les lunettes carrées
L’avis de David : surprenant premier album. Une vrai richesse d’arrangements.
L’avis des chats : Miaouh Miaouh Miaouh Miaouh
PAN SONIC / Aaltopiiri (MUTE-LABELS)
L’avis de Fred : duo d’Helsinki …euh…electro minimaliste…euh…
prix de gros hors taxe 59 frs…euh…
L’avis de Mathilde : c’est intéressant mais ça dépend
des moments
L’avis de David : captivant
L’avis des chats : Miaouh Miaouh Miaouh Miaouh
MOGWAI / Rock action (SOUTH PAW-PIAS)
L’avis de Fred : pas encore écouté. C’est
un exemplaire promo. Faudrait que j’enlève le blister
L’avis de Mathilde : j’aime bien ca me fait penser à Placebo
en plus calme et sans paroles
L’avis de David : j’aime bien ca me fait penser à Labradford
en plus rapide et avec paroles
L’avis des chats : Miaouh Miaouh Miaouh
AUTECHRE/ Confield (WARP-SOURCE)
L’avis de Fred : moi, je suis plus rock
L’avis de Mathilde : jamais j’ai entendu parler pourtant ca me rappelle
quelque chose…
L’avis de David : des fois quand j’aime bien me faire du mal, alors
j’aime bien ce nouveau Autechre
L’avis des chats : Miaouh Miaouh Miaouh
ELYSIAN FIELDS/ Queen of the meadow (FLOWER SHOP-POP LANE)
L’avis de Fred : Ah oui, POP LANE. Ça me revient. Je connais. C’est
ceux qui distribuent Daytona.
L’avis de Mathilde : j’amais j’ai entendu parler pourtant
ca me rappelle quelque chose…
L’avis de David : confirmation de l’immense talent du groupe new
yorkais et de la séduction de sa chanteuse qui nous ferait presque oublier
Hope Sandoval des pleurés Mazzy
Star.
L’avis des chats : Miaouh Miaouh Miaouh
THE EXPERIMENTAL POP BAND / The tracksuit trilogy ( CITY SLANG-LABELS)
L’avis de Fred : J’adore.
L’avis de Mathilde : jamais j’ai entendu parler et ca me rappelle
rien…
L’avis de David : Davey Woodward et sa bande
nous scotchent avec cette pop mouvante, désinvolte et surdouée.
Le tout est produit aux petits oignons par John Parish.
Un grand album.
L’avis des chats : Miaouh Miaouh Miaouh Miaouh
[toutes de V.]
Pains, tulipes et fantaisie (Silvio
Soldini, 2000 [2001])
Malgré un titre très nul (dans le genre, c’est à
peu près impossible à battre ), voici une très heureuse
surprise que ce long-métrage italien qui nous promène de Lucanie
aux Abruzzes et à Venise et enchante véritablement. Le scénario
est peu ou prou semblable à des histoires comme Wanda de Barbara
Loden (un must marquant mais plutôt sombre) ou Le Lièvre
de Vatanen de Paasilina. C’est l’histoire
d’une mère de famille occidentale type qui est oubliée sur
une aire d’autoroute par le car de voyage organisé qui transporte
son mari et ses deux enfants. De truculents personnages animent toute l’affaire
(le vieux fleuriste anar dingue des nihilises pétersbourgeois, Fernando
[Bruno Ganz, génial acteur], le gros plombier
fringué comme Inspecteur Gadget, la masseuse
holistique) mais la meilleure est l’héroïne (Licia
Maglietta, que je n’avais encore jamais vue) qui est à quarante-cinq
piges d’une sensualité t’en fumes, toujours le sourire aux
lèvres, un peu comme Gena Davis mais en
moins apprêtée et vulgaire comme le sont les Américaines
généralement. Cette Italienne rayonne sur l’écran
et, comme le réalisateur manie la caméra de manière plutôt
humoristique (le nombre de plans grotesques : l’obèse braqué
avec un tromblon de Caporetto et qui cause à sa fiancée munie
d’un rouleau de PQ en extension ; la poursuite à la Troisième
Homme sur la placette vénitienne). Venise irradie, elle aussi, sa
beauté une bonne partie du film avec , tout l’inverse d’une
vue touristique comme dans Woody Allen ou d’une
évanescence mortifère comme dans Visconti.
L’ensemble fait un tantinet penser à Kaurismäki
bien que les Transalpins soient largement plus babillards que les Finlandais
chez qui un confetti suffit souvent à faire tenir les dialogues. Un grand
bonheur qui devrait, je pense, bénéficier d’un bon bouche-à-oreille
tant il est de nature vraiment populaire.
L’Ile (Kim Ki-duk,
2000 [2001])
Une muette (Suh Jung) tient une entreprise peu
banale : elle s’occupe de l’entretien et de l’approvisionnement
en bloc électrogène et alimentation de maisonnettes flottantes
sur un grand lac retiré de Corée où viennent pour de plus
ou moins longues périodes des pêcheurs du dimanche. Toujours des
hommes. De temps à autres, des putains viennent faire des passes pour
les îliens volontaires en mal de dégorgement. Un jour vient un
homme qui a un je-ne-sais-quoi qui le rend mal dans sa peau. Le matin la brume
recouvre l’onde et le soir, la nature reprend ses droits. C’est
un étrange film que celui-ci, basé sur l’amour contrarié
et sexuel, le monde de l’hameçon et celui de l’eau. Un monde
très silencieux mais où la tension ne cesse d’être
présente. Certaines scènes vont assez loin dans le domaine de
la blessure qui est ici récurrent : je pense à celles, sanguinolentes,
des quatre hameçons dorés et surtout à celle du sushi qui
est à vous dégoûter si vous ne l’étiez déjà
d’aller un jour pratiquer cet art de merde qu’est la pêche
et qui est pourtant bien moins décrié que la chasse puisque plus
silencieux et concernant des êtres taxonomiquement si loin de nous qu’on
ne peut leur accorder l’idée de souffrance. Couleurs et lumières
des éléments sont particulièrement bien rendus et les angles
de vue parfaitement pertinents. Un long-métrage fort original qui s’apprécie.
Merci pour le chocolat (Claude
Chabrol, 2000)
Bon cru que le Chabrol de cette année qui, sur fond de Suisse bourgeoise
et chocolatière et musique pour piano du XIXe (Liszt,
Chopin), peint un mélo qui vire rapidement au thriller psychologique,
grande spécialité du réalisateur. Par son sens de l’image
et de la progression de la caméra, le célèbre réalisateur
prouve qu’il ne perd pas la main et je ne parle même pas de l’aisance
de la narration qui, quand elle faiblit un poil, est emportée par l’interprétation.
Une interprétation remarquable d’où ressort surtout Isabelle
Huppert, sensationnelle et jamais aussi bonne que quand elle incarne
un personnage fêlé psychologiquement de partout (La Dentelière)
ou très fort d’apparence (Loulou, La Cérémonie),
les deux aspects étant ici réunis. Elle coud sur son entourage,
mais aussi littéralement, une toile d’araignée et un symbolisme
qui chez d’autres serait à deux balles sait ici prendre une forte
valeur. Le jeune acteur qui fait le fils de Dutronc
(Rodolphe Pauly) détonne comparé
à ceux qu’on a l’habitude en France de voir à l’écran
et Dutronc lui-même, avec un sacré coup de vieux sur le coin de
la poire, demeure toujours un grand interprète, spécialiste des
âmes artistes fragiles et presque névrosées (cf. L’impossible,
c’est d’aimer, de Zulawski). Cela
fait plaisir à voir.
Bread & Roses (2000, Ken
Loach)
Le nouveau Ken Loach n’est pas le meilleur mais demeure toutefois tout
à fait correct. Il évite, même s'il manque parfois tanguer
, l’écueil de la sucrerie politiquement correcte de Land &
Freedom mais ne parvient pas à atteindre le niveau génial
de Riff-Raff ou de My Name is Joe. L’intrigue est basée
sur la révolte syndicale de travailleurs ménagers exploités
car d’origine étrangère et plus ou moins illégaux
dans leurs statuts. Les scènes de tension sont assez admirablement menées
et (est-ce volontaire ?), l’héroïne n’est pas si belle
moralement qu’elle tend à vouloir le montrer ; idem pour le jeune
militant syndical acharné (finement joué par le très en
vogue Adrien Broody). Transparaît bien dans
ce film la contradiction du combat des travailleurs : s’unir, c’est
avoir plus de force, s’unir, c’est aussi remettre sa force à
quelqu’un le syndicat qui peut s’en prévaloir à bon
escient mais aussi pour son propre usage voire contre ceux qui la lui ont donnée.
Le fait que la lutte se situe aux Etats-Unis empêche par contre de comparer
avec l’Europe où les choses n’auraient peut-être pas
eu le même développement vu que les façons de procéder
ne sont pas les mêmes. Un bon film quoi qu’il en soit.
Mundo Grúa (Pablo
Trapero, 1999)
Sujet peu commun que celui qui peint un bonhomme de 49 ans qui cherche du taf,
ancien bassiste d’un groupe local connu des années 70, partagé
entre son fils, guitariste de rock et loulou feignasse, et son amoureuse de
cinquante berges qu’il a connue en lui réparant le rideau du kiosque
où elle se morfond toute la sainte journée au pied des grues inhumaines
qui reliftent le paysage urbain pour encore mieux l’amocher. Tout en noir
et blanc, il est mélancolique à l’instar du film en général
et même de Buenos Aires où se situe l’action . Un Porteño
pas triste ni gai (admirablement interprété par Luis
Margani) dont la vie ballotte le gros bidon sans récompense la
gentillesse. L’image est très particulière, granuleuse et
renforce cette impression marquée de nostalgie et de je ne sais quoi
de pincement à l’âme dans un noir et blanc bien senti. Le
dépaysement final accentue encore cette atmosphère et le vague
à l’âme d’ensemble. Pas étonnant que ce film
ait été l’événement cinématographique
de l’année à sa sortie.
Ring (Hideo Nakata,
1998 [2001])
Ce film japonais qui a connu dans son archipel un retentissant succès
est un film d’angoisse type, qui joue sur la corde et celle du thriller
et sur celle du film de fantômes. La réalisation et l’éclairage,
les effets et la musique sont tous réussis. Les effets demeurent classiques
(montée des cordes à la Hermann,
soudaineté de l’image crainte, etc) et pour certains sont même
inventifs (scène de la télé finale, déclenchement
de la même au début, démarche saccadée du fantôme).
Si le premier quart d’heure scotche d’effroi et de tension vraiment
habilement, je n’en dirais pas autant du reste car le montage n’évite
pas les longueurs, les acteurs ne sont pas sensationnels (mais l’héroïne
est jolie !) et surtout le scénario, à vouloir courir trop de
lièvres à la foi, s’égare un peu (maintes incohérences
scénaristiques émaillent ce long-métrage : K7 VHS en 57,
pouvoir limité de Sadako face à son père, micmac de l’éruption,
facilité d’enquête déroutante et shining un peu trop
du style « Tiens, j’ai envie d’être beaucoup extra-lucide
en ce moment ». Ç’aurait pu être beaucoup plus riche
et effroyable, cela reste tout de même très effrayant et la fin
est amorale à souhait (au point qu’on aurait pu souhaiter qu’elle
soit mieux amenée et nous laisse exsangue)..
Amours chiennes (Alejandro
Gonzalez Inarritu ,2000)
Un des films de l’année 2000, sans conteste. Ce triptyque époustouflant
– ya pas d’autre mot - nous arrive du Mexique. Dès les premières
images, on est cloué à son fauteuil, c’est incroyable, et
on rentre dans le film sans s’en apercevoir, happé. Deux frères
d’un faubourg pauvre, triste, gris et sanglant de Mexico dans une première
histoire, l’un d’eux petit caïd, l’autre beau comme la
passion qui le dévore et la puissance de son rottweiler. Des combats
de chien, des caisses qui crachent le bitume, du soufre amoureux, voilà
la première partie qui m’a à vrai dire proprement laminé.
Qu’on pantèle aujourd’hui à ce point par le fait du
montage et d’un scénario en béton armé, c’est
franchement rare (des coups de fouets comme ça, faut que je remonte à
My name is Joe, Garage Olimpo ou Breaking the Waves, pour
vous donner une idée de l’ambiance… !). La deuxième
narration est celle de l’idylle entre Valeria, un mannequin-vedette, sorte
de Claudia Schiffer du pays des sombreros, et Daniel,
un journaliste décideur en vue : au lieu d’une bluette à
l’Arlequin, on bascule dans la psychose la plus malsaine et là
encore, chapeau bas, même si le rythme est plus lent, tout demeure passionnant.
Enfin, troisième et dernière part de cette œuvre capitale,
le destin meurtrier et familial qui rattrape El Chivo, un clodo entouré
d’une horde de bâtards clabaudeurs et faméliques. Là
encore, la mise en scène scie par son inventivité, la lumière
de ville polluée de Mexico est saisie à merveille, une ville où
pauvreté la plus sordide et richesse la plus ostensiblement marquée
nagent côte-à-côte dans la plus grande violence libérale.
Ce pur joyaux, courez-le voir s’il passe encore chez vous ou chopez-le
en vidéo (le cinéma, c’est mieux quand même pour ce
genre de spectacle), vous en serez pour trois heures et demi de palpitante délectation.
Liberty Heights (Barry
Levinson, 2000)
Chronique de l’Amérique (côte est) des années 50 avec
des Juifs, des Noirs et des WASP selon la sainte partition communautaire américaine.
Le film est basé sur le fait que la jeunesse peut un temps faire fi de
ces barrières raciales dont les valeurs familiales interdisent le dépassement.
De ce point de vue-là, il est plutôt pas mal même si ça
laisse grandement sceptique sur l’Amérique d’hier et d’aujourd’hui
(c’est un secret pour personne). L’amour entre le petit israëlite
et sa labadens noire (un canon, tes yeux font vingt fois le tour de ta tête
!) reste ce qu’il y a de plus de beau dans l’œuvre, et Adrien
Broody (le grand-frère juif amoureux) que l’on voit beaucoup
en ce moment prouve là encore la hauteur de son art interprétatif.
La scène du concert de James Brown passe
également plutôt bien car on voit combien à l’époque
cet artiste génial était ghettoïsé à un public
noir . Une honnête production qui se regarde sans déplaisir.
Lumumba (Raoul
Peck, 2000)
Evocation historique du plus célèbre Congolais de l’histoire,
Lumumba reste sage dans son déroulement. Cela n’en demeure
pas moins un film de qualité. Toute la période de l’indépendance
est ici assez exactement restituée, avec les infortunes et tracas de
Patrice Lumumba (fort bien joué par Eriq
Ebouaney)avec la police du colon belge, sa victoire après le soulèvement
de ce pays gigantesque contre l’occupant et le fameux discours du leader
indépendantiste du MNC qui, niant le prétendu
apport de la Belgique au Congo et l’amitié des deux pays, fut en
direct un camouflet colossal au roi des Belges, cette salope de Baudouin,
lequel, rappelons-le, tenait le Congo-Kinshasa grosso modo en tant que possession
personnelle et héritage de son grand-père Léopold
II. La seconde partie qui vit la tourmente emporter le pays, savamment
entretenue par l’ex-métropole, les Français et la CIA. CIA
qui finira par organiser en 1960 la chute de Lumumba au profit de son ancien
ami et chef de l’armée depuis l’indépendance, le général
Mobutu à la triste mémoire. Sa mort
(1961) et la fidélité à ses idées progressistes
en font l’une des figures majeures du XXe siècle, une des rares
dont l’aura ne s’est pas assombrie. Peck tente de demeurer objectif,
non sans brider sa liberté de créateur, mais cela lui permet de
donner des scènes saisissantes (la scène de l’arrestation
de Lumumba sur la berge, la première scène avec les barbouzes
belges dans leurs basses œuvres). Certains passages font étrangement
désuets et théâtraux, comme filmés à l’époque,
avec l’orchestre qui joue devant la buvette la célèbre chanson
de l’indépendance. Je ne sais par contre si le film est parfaitement
compréhensible pour quelqu’un qui ne connaîtrait goutte à
l’histoire africaine et zaïroise en particulier, d’autant que
l’indépendance de l’ancienne colonie belge fut l’une
des plus violentes et atroces qui puissent être (comme purent l’être
celles de l’Algérie ou du Mozambique et de l’Angola). Mais
on ne peut se plaindre de voir de tels sujets abordés, vu le peu d’amour
que porte à l’Afrique l’économie cinématographique
mondiale…
L’Obscénité et la Fureur
(Julian Temple, 2000)
Les Sex Pistols sont connus de chacun comme l’incarnation
même du mouvement punk que l’on résume souvent à eux
ou aux punks à chien, pleins de piercing et de vêtements déchirés,
qui dorment dans des vapeurs éthyliques aux abords des gares ferroviaires
européennes. L’impact qu’eut ce groupe est phénoménal
et d’autant plus fort que, contrairement aux Beatles
par exemple, ils ne durèrent que deux ans, deux ans et demi grosso modo,
pineutce quoi ! Le documentaire est très bien monté puisqu’il
remet en situation la naissance du groupe par des vues de la situation sociale
anglaise de l’époque et des merdes musicales sans nom que les gens
devaient enfourner dans leurs trompes d’Eustache à l’époque
(et dont le cours n’a jamais cessé de toute façon !). Le
babacoolisme des familles frappait fort sous les couleurs criantes des spots
de shows télévisuels. Puis l’histoire est connue : milieu
des Beaux-Arts, Lydon le glandeur allumé,
la boutique Sex de McLaren et Westwood,
les premiers concerts et l’étincelle au tonneau de poudre qui fit
péter le rock comme il n’avait et n’a depuis jamais explosé.
Un rock dans son aboutissement intrinsèque de défoulement de la
jeunesse et de subversion totale du système. Les quatre pistolets parlent
dans une ombre voulue de ce qu’ils étaient à l’époque,
en contrepoint des différents propos d’alors. Le montage est particulièrement
habile qui ne donne à écouter les titres ou tubes du groupe qu’à
leur place chronologique et sans en remettre dix fois une couche d’Anarchy
in the UK. Un difficile exercice de style pour Temple, ami de longue date
de Rotten, mais véritablement réussi.
Les quatre hurluberlus ne sont pas toujours amènes les uns envers les
autres (le rouquin en a toujours contre Matlock),
vingt ans après, ni envers l’icône désespérante
et autodestructrice de Sid Vicious dont l’approche
par le film est fine et nuancée. Rotten notamment semble être intelligent
et ne joue pas à la star-provoc qu’il aime bien incarner devant
les caméras qui le lui demandent. La fin des Pistols dans sa bouche est
même poignante, on sent la vérité passer et c’est
l’une des forces de ce documentaire d’y parvenir. Deux ou trois
phrases pour finir « Très rapidement, le punk est devenu un
mouvement où les gens avaient un accoutrement uniforme, l’exact
contraire d’où le punk de départ allait » ; «
Le punk est arrivé au moment où il devait arriver. Il ne pouvait
pas ne pas arriver. C’était dans l’air du temps »
; « Deviens toi-même, ne te soumets pas au système !
». Indispensable pour tout amateur d’histoire du rock (et du punk,
bien sûr, j’en parle même pas).
L’arrivée du train en gare de La Ciotat (1895, Auguste
et Louis Lumière)
Des petits jeunes pour un court-métrage décoiffant. Alors c’est
un train qui arrive dans cette commune des Bouches-du-Rhônes nommée
La Ciotat. Des gens sont dans le train et il bouge. Chose étonnante,
ce film est sans musique et en noir et blanc. Un parti pris original pour ces
débutants dont on espère qu’ils iront loin et peut-être
feront des émules.
Requiem for a dream (Darren
Aronofski, 2000 [2001])
L’originalité de sa précédente œuvre (Pi)
, même si elle n’était pas aboutie, était suffisamment
captivante pour qu’on pût avoir envie de voir de quel bois cette
fois Aronofski allait se chauffer . Il a gardé, pour nous conter une
descente aux enfers de jeunes drogués new-yorkais, une esthétique
clipée qui, dans la première partie, à force de mettre
la dose sur le leitmotiv, lasse. Les jeunes héros, sortis de pubs Calvin
Klein, errent et bouffent la vie à pleine dent mais des fois y a des
pépins qu’étaient pas prévus au programme et l’indigestion
guette. L’interprétation est néanmoins de bonne qualité,
notamment le personnage de la mère (Ellen Burstyn),
qui ne peut qu’impressionner. La déchéance est le maître
mot du film. Souvent dominé par la facilité du clinquant, le film
vaut surtout pour son dernier quart d’heure, terrible et kaléidoscopé
à une vitesse folle et dont la maîtrise force le respect (sexe,
défonce, violence et folie à tous les étages). Requiem
for a dream reste malgré tout imparfait mais pour des raisons inverses
à ? , où le réalisateur gâchait tout par une fin
tocarde. Et la musique d’ensemble, jouée par le Quatuor
Kronos, est en plus carrément rasante. Espérons que cet
original réalisateur trouve enfin sa plénitude lors de son troisième
opus, on pourrait se régaler.
Les filles ne savent pas nager (Anne-Sophie
Birot, 2000)
Une première œuvre me semble-t-il. Ni bonne, ni mauvaise. Cela parle
de la difficulté de vivre son adolescence chez les jeunes filles. L’une
est plutôt cérébrale, l’autre délurée.
Elles ne se voient qu’aux vacances et sont donc les meilleures amies du
monde. Si le film est psychologiquement juste de même que le casting,
l’intrigue est malhabile et part en couilles vers la fin. Un sujet peu
simple et risqué et dont il est dommage que le réalisateur n’ait
pu venir à bout (contrairement à l’excellent Fucking
Åmål sorti voici peu).
Yi Yi (Edouard
Yang, 2000)
Voici une oeuvre d’une justesse admirable, qui brasse énormément
de thèmes puisque l’on suit tous les membres d’une même
famille néo-bourgeoise de Taipei (le père, la mère, la
fille et le fils) dans son évolution personnelle. Cela fournit à
la fin un canevas implexe et d’une profondeur époustouflante. Les
personnages du père et de la fille notamment ont des développements
quasi bergmaniens, l’un dans ses rapports à l’amour et au
temps irrattrappable, l’autre dans ceux à l’amour et à
la mort comme peut y évoluer une adolescente introvertie. Les deux grands
rassemblements familiaux du film sont un mariage et un enterrement et cet oscillement
entre les deux pôles de l’existence, si dense dans ce long-métrage,
marque de manière indélébile la vue de cette œuvre.
Le petit garçon éponyme apporte qui plus est une touche d’humour
à l’ensemble qui rehausse encore plus les teintes métaphysiques
de ce mélodrame actuel. J’avais bien aimé un précédent
film du Taïwanais Yang (Terreur) mais celui-ci me laisse sans
voix. Chef-d’œuvre.
Les gens en maillots de bain ne sont pas forcément
surperficiels (Eric Assous, 2000)
Le titre peut paraître faire référence aux Gens normaux
n’ont rien d’exceptionnel mais c’est plutôt du
côté des Bronzés que les références
s’imposent. On est toutefois loin de la verve du Splendid mais ce film
n’en déploie pas moins une satire relativement efficace. C’est
la vie d’un Club-Med. à Saint-Martin aux Antilles, où les
gens sont là pour se reposer mais le repos, c’est comme le boulot
dans la société capitaliste actuelle, il te faut un chef-d’équipe.
Libre mais encore faut-il apprendre à être libre comme on te dit…
Du farniente sous cellophane, la critique habituelle qu’on profère
aux clubs de vacances mais n’est-ce pas là la vérité…
Bref, des gens crétins mais qui mit dans cette mixture le deviennent
aisément puisque juste l’empiffrement, la sieste rentable et surtout
le sexe facile sont leurs buts favoris. Seins nus, cocktails, karaokés
et canapés pendant quinze jours à parler entre Parigots stressés
du boulot de… Paris et du boulot, le coup classique. Les acteurs (Gad
Elmaleh, Agnès Soral, Isabelle Gélinas, Serge Hazanavicius)
ne se débrouillent pas trop mal et l’actrice principale qui fait
un putain d’enfant dans le dos à son amant donne par son personnage
un peu plus de profondeur. Ce n’est pas certes un chef-d’œuvre
mais cela reste fort honnête alors que le sujet pouvait laisser s’attendre
au pire.
Antilles sur Seine (Pascal
Légitimus, 2000)
Ouais bon, pas besoin de vous faire un dessin, ce qui s’annonçait
comme un film moyen, est carrément une daube. Une intrigue maigrichonne
dans les milieux antillais (mais cela pourrait se passer chez les Chinois ou
dans la communauté malienne ou turque, ça n’a hélas
aucune importance) et surtout un scénario qui verse dans le malsain et
le polar noir malgré lui, font que tout ça part en eau de boudin
(antillais, ahah !) (un film comique franchouillard qui part en histoire de
kidnapping violente, pas étonnant que la sauce ait du mal à prendre).
Seuls les passages où Légitimus fait son one-man-show valent le
détour, notamment celui où il se prend pour un animateur de MEDIA
TROPICAL (et encore, c’est à peine exagéré par rapport
à la réalité !). A oublier, nom d’une banane martiniquaise
! (avec un bon vieux-rhum de Saint-Esprit !).
Tokyo Fist (Shinya Tsukamoto,
1996 [2001])
Ayant vu les œuvres précédentes les plus célèbres
de Tsukamoto (Tetsuo et Tetsuo II),
j’étais curieux de voir ce que pouvait donner ce Tokyo Fist.
Je n’ai pas été déçu du voyage (j’aurais
dû prendre des pansements par contre !).Si certains thèmes sont
récurrents (le métal dans la chair, le tremblement de l’image
et la vitesse violente), ce film est nettement plus facile d’accès
que les Tetsuo (ce qui est relatif quand on connaît le côté
bizarroïde de ceux-ci !) . Nous évoluons ici dans l’univers
de la boxe et de la rivalité amoureuse, un monde d’une violence
maximale, dans une ville suante et brutale de béton et de verre où
le bruit règne en maître. Emotion, dureté, humour, érotisme,
techno étrange à l’atmosphère indus, frénésie
(cadrage et montage pètent l’écran), tout cela est diaboliquement
mélangé et n’en finit pas d’imploser de son trop-plein
d’énergie. Ajoutez à cela une interprétation du meilleur
aloi (Tsukamoto lui-même, Kohji
Tsukamoto [son cousin] et la phénoménale Kahori
Fujii] et vous comrpendrez que je puisse avoir eu ce film en tête
pendant une semaine. Un carton qui t’uppercute la tronche que tu demandes,
la machoire fracassée sur le tapis rougie, d’où donc qu’est
venu le coup…
Euréka (Aoyama
Shinji, 2000)
Le film hors norme qui dure trois heures avec des paroles toutes les vingt minutes
et qui malgré tout est sensationnel, le voici. La scène du début
est magistrale. Tout baigne dans une ambiance filtrée au sépia
qui donne de la chaleur au noir et blanc. Je ne peux raconter l’intrigue
de ce long-métrage japonais, qui est tout aussi psychologique que policière,
sans déflorer l’intérêt qu’on pourrait avoir
au visionnement d’une telle œuvre. Le travail photographique (certains
plans sont anthologiques, celui du bus et celui de la fin sur le panorama) laisse
pantois dans ce film qui prend son temps et laisse le spectateur rentrer dans
la psychologie de chacun des personnages si pleinement que les frottements chocs
entre eux n’en sont que plus denses voire violents. Œuvre hypnotisante,
Eurêka va très loin par son beau récit. Clairement
l’un des films de l’année et même de la décennie.
Aniki, mon frère (2000, Takeshi
Kitano)
Le Kitano de cette année ne donne pas dans la dentelle sucrée
des biscuits à la cuiller. C’est en effet le plus violent film
de gangsters que j’ai vu depuis Casino de Scorcese. La mafia offrant son
vrai visage (qui n’est pas celui de Jean Lefebvre).
Un yakusa, contraint de s’exiler du fait de la mort de son chef, va s’installer
à Los Angeles. Il parle autant anglais que moi le swahili, il sait juste
que son petit frère peut l’héberger. Un petit frère
qui deale sa merde avec d’autres petits lascars à la petite semaine.
Le yakusa rentre par les circonstances dans le bizness mais as-tu déjà
vu un rottweiler dans une meute de cockers spaniels ? C’est parti pour
deux heures de règlement de compte impressionnant avec son lot de voyoux
hâbleurs ou impavides, ses vengeances cruelles et sa folie destructrice.
Kitano rend encore une fois à merveille l’ambiance recherchée.
Peur et froideur sont au rendez-vous à peine agrémentées
de quelques séquences humoristiques. La photographie et la musique (Hisaichi
comme d’hab’) relèvent encore une fois de l’excellence
et les acteurs de première main (toujours la même bande : ). Un
film, tu sors du ciné, tu cherches où sont les guns qui vont te
flinguer la façounette en un feu d’artifices d’hémoglobine
vermillonne…
Le Pacte des Loups (Christophe
Ganz, 2001)
Une des grosses productions de ce début d’année, Le
Pacte des Loups en est aussi la plus grosse déception. Sans rythme,
extrêmement mal dirigé, construit sur un scénario mal ficelé
et ne valant pas un pet de lapin, ce pauvre long-métrage est une vraie
catastrophe. Et pourtant, tout était dans son camp au départ :
beaucoup d’argent, une trame de départ en or (l’histoire
de la bête du Gévaudan, ici complètement trafiquée
alors que la réelle est au plus haut point passionnante, un vrai polar),
certains bons acteurs (Jean Yanne, Vincent Cassel, Jean-François
Stévenin). C’est proprement incompréhensible et pour
tout dire, c’en devient risible : la fin est archi-burlesque (il faut
voir la Bête pour le croire, les monstres les plus carton-pâte de
péplum des années 50 n’ont pas à rougir, ah ça
non !) à se demander si l’équipe de tournage et la production
n’ont pas voulu pour de bon se foutre de la gueule du spectateur, assurées
qu’elle était de plumer le gogo par un matraquage publicitaire
violent. L’esthétique générale du film est celle
d’un clip new age avec une musique de publicité à trois
francs et encore, je préfère regarder les clips costumés
que faisait le mari de Mylène Farmer pour
sa femme voici plus de dix ans, ils étaient largement mieux foutus dans
le genre français pompeux qui se la joue « grosse prod. ».Mieux
que ça, l’acteur principal du film, Samuel
Le Bihan, est aussi expressif qu’un agglo et la vedette féminine,
Monica Belluci, ne sait absolument pas jouer à
part se foutre à oilpé . Même si on peut bien sûr
toucher plus bas que ça (c’est pas Deux ou trois choses que
je sais d’elle de Godard ou le Promenons-nous
dans les bois de je ne sais plus qui, sorti l’an passé), ce
Pacte des Nuls me fait irrésistiblement penser à cet
autre horreur du cinéma récent, Existenz de David
Cronenberg. Christophe Ganz aime à définir son cinéma
comme un cinéma de genre, c’est bien possible mais c’est
alors le genre du navet soporifique qu’il a retenu.
Scarlet Diva (Asia Argento,
2000 [2001)
La fille de Dario-la-menace commet (à ma
connaissance) son premier film en tant que réalisatrice et, disons-le
tout de suite, pour un premier essai, c'est oun gross ratage. Le début
pourtant ne laissait pas présager une telle suite avec une zique techoïde
bien inspirée sur fond d'aperçu kaléïdoscopal de la
vie d'une star (le film se veut presque autobiographique). Rapidement toutefois,
l'on doit déchanter (dès l'arrivée d'Asia Place des Vosges,
où elle trouve sa copine dans le plus simple appareil pieds et poings
liés ensemble tels une contorsionniste chinoise avec boule de geisha
dans le bec). On se dit : mince, premier incident sans savoir qu'en fait tout
le film est un incident ; Asia Argento passe son temps à se foutre à
poil pour montrer son tatouage pubien, baiser, picoler et prendre la schnouff
et le spécial K (en hommage à Placebo
et à Kellogs). Le producteur véreux, le bébé accidentel
et élevé à la va comme je t'oublie, l'avant-gardiste sordide,
le mégapote homo qu'a ses entrées partout, le black dealer et
le rebeux mac, tout le monde est de la fête sauf le spectateur et ça,
vois-tu, c'est un peu dommage, comme qui dirait... Uno smacco totale. Je sais
que le papa Dario n'a pas fait que des chefs-d'oeuvre mais quand même...
N'est pas son père qui veut.
Virgin Suicides (2000, Sofia Coppola)
Justement, pour reprendre la fin de la chronique précédente, celle
qui veut, c'est Sofia Coppola, fille de son père et de sa mère,
qui met à genoux le public des salles obscures (les gens se cognent au
fauteuil, argh!) avec cette première réalisation magistrale. Ce
film m'a fait imparablement penser à un autre par son atmosphère,
bien qu'il soit nettement moins fantastique et plus dans le registre de la chronique
de fait divers, c'est à Carrie de Brian
de Palma . Une ambiance de petite ville provinciale américaine
années 70 avec son côté glam-disco et puritain (un puritanisme
incarné singulièrement mais remarquablement ici par James
Woods et Kathleen Turner) et ses lycéens
en pleine ébullition amoureuse et parfois acnéique. D'entrée,
la mort dresse sur le film son sombre voile puisqu'une voix off nous annonce
qu'elle va nous narrer comment cinq soeurs se sont en peu de temps suicidées.
Grâce à une maîtrise du découpage et de la lumière
hors de pair (la scène de l'aînée au stade au petit jour),
Virgins Suicide prend à la gorge et la serre sans relâchement
de tout le film. L'horreur existentielle qui naît de la superposition
de la mort avec une idylle adolescentine emporte tout sur son passage, impression
d'autant renforcée que tout cela nous est raconté par un quintette
de garçons amis mais communs et que ce récit ambigu (de tiers
qui furent tout à la fois acteurs et spectateurs de la tragédie)
accentue à merveille la glace de l'effroi recherché. On en arrive
à être aussi étouffé (mais pas le moins du monde
ennuyé, bien au contraire) par la torpeur morale sous-jacente que les
héroïnes elles-mêmes. Chapeau aussi à Air
qui a composé une bande-son tip-top etbien meilleure que les frenchtoucheries
que le duo versaillais nous branlette habituellement. Un magot.
Trois Huit (2001, Philippe
Le Guay)
Après Ressources humaines l’an passé, Trois
Huit s’impose comme une nouvelle réussite du cinéma
social français. Le thème en est le harcèlement moral et,
plus généralement, la domination d’un être sur un
autre grâce à la docilité tacite et de la victime et du
groupe de personnes dans lequel ils évoluent. Grâce à une
finesse d’analyse stupéfiante, Le Guay décortique cette
relation (ici entre deux ouvriers d’une usine de verres) sans oublier
aucun des paramètres possibles qui permettent et surtout n’empêchent
pas à de telles choses d’arriver et qui sont pourtant tues tant
elles sont vécues comme honteuse (qui peut se dire faible et dominé
aujourd’hui ? La société ne l’autorise pas). Ainsi
interviennent la femme et le fils auprès desquels le harcelé (Gérald
Laroche, super, un nouveau Roger Souza)
fait comme si de rien n’était. Incroyable aussi (mais il nous y
a habitué depuis Sombre) le numéro d’acteur de Marc
Barbé, sans doute l’un des acteurs français les plus
envoûtants d’aujourd’hui. Quel salaud et comment il campe
bien son personnage ! Tout cela est dans le fond misérable et horrible
et c’est malgré tout une part de la condition humaine qu’il
est donné à chacun d’entre nous d’observer dans la
vie courante voire d’être obligé d’y faire face pour
ne pas passer à la moulinette des rapports de jungle comme le capitalisme
aime à s’en nourrir. Le film français de la première
partie de cette année.
Du soleil pour les gueux (Alain
Guiraudie, 2000)
Si vous aimez les trucs chiants et nase, style poésie à deux balles
minable où l’ennui est imparable, ce film qui dure moins d’une
heure (et précédé d’un court-métrage du même
acabit) mais vous en paraît vingt est impayable. Un berger barbudos culbute
une coiffeuse dans les ronces par chez José
Bové pendant qu’un promeneur équipé par
le Vieux Campeur poursuit un berger babos. Et puis c’est tout. La phrase
que je viens d’écrire est cent mille fois plus énergique
que le film lui-même Nul, raté, pénible, zéro. Tellement
que j’en fais une chronique. Je l’ai vu gratuitement et encore je
me suis fait voler. Une référence négative absolue.
Animal Factory (Steve
Buscemi, 2000 [2001])
Un jeune garçon blanc de classe moyenne aisée est incarcéré
à cause d’histoires de marijuana à la prison de San Quentin,
une des mieux surveillées des Etats-Unis. Avec lui, l’on plonge
dans un univers de violence abominable et où les dernières choses
qui règnent sont la loi, la justice, la tolérance et la rédemption,
ce pourquoi ce genre de bâtiment est pourtant fait. Jeune, effeminé,
Ron est la proie rêvée de bon nombre de taulards à la sexualité
déviée. Il est heureusement mais étrangement pris sous
sa coupe par un des rois du pénitencier. Ce long-métrage, désespérant
par le réalisme de l’univers carcéral qu’il dépeint,
est une réussite de bout en bout puisqu’outre un portrait vrai,
donc au vitriol, de la prison, royaume de la mort et de la peur, c’est
aussi un film à suspens de premier ordre. L’auteur n’est
pas un inconnu puisque Buscemi est l’un des acteurs phares du cinéma
indépendant américain de Tarantino
à Jarmush en passant par les frères
Coen. Il prouve là qu’il est aussi
un réalisateur de premier plan. Un numéro d’interprétation
crève l’écran, c’est celui de Willem
Dafoe, magistral et époustouflant, qui campe un être dur
et intelligent, toujours à la limite du pétage de plomb total
(la scène de la folie !) mais qui se retient on ne sait comment. Edward
Furlong, qui joue Ron, est, lui aussi, admirable (à l’instar
de son interprétation de Pecker chez Waters).
On peut reconnaître aussi parmi les interprètes Seymour
Cassel et Mickey Rourke (dans un contre-rôle).
Cette oeuvre se pose comme désormais un classique du film de prison.
Une nuit avec Sabrina Love (Alejandro
Agresti, 2000 [2001])
Nouveau film d'Alejandro Agresti, il narre l'aventure d'un jeune adolescent
provincial et orphelin qui gagne une nuit d'amour avec la reine du X de Buenos
Aires, Sabrina Love (jouée par Cécilia Roth,
une des actrices fétiches d'Almodovar) laquelle
a un show à la télé. Lui qui n'a jamais bougé de
son trou, il est clair que cela va modifier un tantinet sa vie qui se résumait
à aller emballer le poulet à l'abattoir et à discuter avec
ses amis. Il va rencontrer lors de son périple toutes sortes de personnages,
le plus souvent barrés mais relativement typiques de l'Argentine, ainsi
qu'aime faire Agresti (la fille à papa coole, le poète semi-cloche
nostalgique, l'homosexuel gigolo). Si un petit essouflement rythmique survient
au deux-tiers, on est spectateur de nombreuses scène particulièrement
réussies (la confession vidéo, les prémices amoureux avec
la jeune présentatrice télé, le bal de tango). Les personnages
sont remarquablement maîtrisés dans leur peinture et on s'y attache
à la manière dont Sautet savait s'y prendre pour nous faire aimer
les siens. Un bon film d'un réalisateur fort doué.
Les Démons à ma porte (Jiang
Wen, 2000 [2001])
Se déroulant pendant l'occupation japonaise en Chine à la fin
de la Seconde Guerre Mondiale, ce film noir et blanc brillant joue sur le registre
humoristique, qui ne sied pourtant pas aux conflits meurtriers, à la
manière fine des Italiens de la grande époque (50/60). Des paysans
chinois ramassent un interprète et un soldat japonais qu'un inconnu invisible
leur confie comme prisonniers quoi qu'ils en aient. La peur d'être repéré
de l'occupant engendre du coup des situations abracadabrantes, grotesques, révélatrices
de la nature humaine et extrêmement comiques (cf. scène des traductions).
La fin est carrément surprenante, déboussolante même dirais-je
et le tout dernier plan magnifique. Un film de premier plan et en fin de compte
pas si facile. Où l'on voit que la guerre et l'armée ne sont pas
humaine mais que les individus, pris seul à seul, peuvent l'être.
En vrac pour terminer, j’ai aussi été voir le dernier Woody Allen Escrocs mais pas trop, qui renoue avec la bonne veine du binoclard allumé, celle de Meurtre mystérieux à Manhattan entre autres. Un très bon moment avec une scène du collier de perlouzes avec quiproquos écroulants dans la party finale qui restera dans les annales. Autre réussite, le mélo Tigre et dragon (2000) de Ang Lee, décidément un maître du genre (il avait réalisé Raisons et Sentiments) avec Chow Yun Fat et Michelle Yeoh. D’une beauté plastique sans pareille, ce conte convainc sans problème et demeure un bien bon film . Nettement moins réjouissant sont par contre Krampack (Cesc Gay, 2000), oeuvrette sur deux ados espingouins adeptes de la branlette mutuelle et confrontées aux premières amours chaudes, plus chaudes en tout cas que le glaçon que je suis demeuré pendant la projection. Cela ne m’avait cependant pas foutu la gerbe comme la morale de Traffic, dernier Soderbergh en date et gros ratage pour ce grand réalisateur. Si la photographie (notamment des scènes mexicaines) est sidérante d’ingéniosité avec sa luminosité saturée, le scénario bidon est lamentable (Zeta Jones, ingénue et tendre la veille, chef sans pitié d’un cartel énorme le lendemain et surtout Michael Douglas, conseiller du président pour la drogue qui roule en Cadillac dans les ghettos noirs pourris de Détroit et laisse sa fille piper le crack comme si elle courait chez Festina, on aura tout vu !) et la morale de l’histoire encore plus : ne laissons pas nos enfants avec de la drogue, vilain, pas bien, méchant méchant ! A oublier. A oublier aussi Les Blessures assassines (2000) de Jean-Pierre Denis, fils de la mère et qui naquit dans une machine à laver. Il raconte la tragédie des sœurs Papin, les tante à Jean PP. A la sortie, on a un film qualité française, mal dirigé (la mère ! trop nulle) ringue à souhait, où rien ne passe et que, bien sûr, la critique officielle a loué. Alors, comme disait le copain de Canto, camembert la critique officielle !